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conftances où l'églife a terminé des conteftations fur des points effentiels de doctrine, en puifant fes décifions, non pas dans l'écriture, mais uniquement dans la tradition. Vous acheverez par-là de m'inftruire fur la néceffité de cette fource de la révélation, qui m'avoit été jufqu'à préfent entiérement inconnue, & vous me mettrez en état de répondre à nos minif tres, qui affectent d'en parler avec mépris & de la regarder comme une invention des hommes.

LE DOCTEUR.

Je vais choifir fur une multitude d'exemples que je pourrois vous donner, deux des principaux qui font fort célebres dans l'hiftoire de l'églife.

Dans le cours du troifieme fiecle, on douta de la validité du baptême conféré par les hérétiques : cette difpute devint extrêmement intéreffante, parce qu'un grand nombre de chrétiens, nés dans des fociétés féparées de l'églife catholique, qui s'étoient fort multipliées, demandoient à rentrer dans fon fein; il s'agiffoit donc de favoir fi l'on devoit, en les recevant, leur conférer de nouveau le baptême.

On convenoit qu'il falloit le leur conférer de nouveau, lorfque les hérétiques de qui ils l'avoient reçu, en avoient altéré

la forme: mais la difficulté confiftoit à è déterminer ce qu'on devoit faire lorfqu'elle avoit été exactement fuivie. Ce qui aidoit principalement à partager les efprits, c'eft que les rebaptifans avoient à leur tête le plus grand homme qui fût alors, dont le fuffrage entraînoit toutes les églifes de l'Afrique c'étoit S. Cyprien évêque de Carthage, pontife auffi zélé que favant docteur, dont la vie fut enfuite couronnée par le plus glorieux martyre.

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Il étoit très-inutile de chercher dans l'écriture des lumieres fur l'objet de cette contestation, parce qu'elle n'en dit pas un mot. Elle établit la néceffité du bap- tême par ces paroles du Sauveur : « Si E » quelqu'un n'eft pas régénéré par l'eau » & l'efprit faint, il n'entrera point dans » le royaume des cieux (a),» & fa forme par celles-ci, « Baptifez les au » nom du Pere, & du Fils, & du Saint Efprit (b); mais l'on n'y trouve rien furt la réitération dont il s'agit.

Cette grande affaire fut foumife, fuivant la pratique conftante de l'églife, au jugement du pape S.Etienne : il prononça folemnellement que, conformément à la tradition, il ne falloit point réitérer le baptême, quoi

(a) Joan 3. 5.
(b) Matth. 28. 19.

que conféré par les hérétiques, dès qu'il l'avoit été felon la forme établie par Jéfus Chrift; fa décifion fut acceptée par toute l'églife, & la caufe fut finie.

Mais celle des iconoclaftes eut bien d'autres fuites. Il n'y en a point qui ait caufé dans l'églife plus d'agitation, de violences & de troubles : les deux empereurs de Conftantinople, Leon l'Ifaurien & Conftantin Copronyme fe mirent à la tête de ceux qui prétendoient, non pas qu'il fût défendu d'honorer les faints & de les invoquer, mais qu'on ne devoit pas conferver leurs ftatues & leurs images, de peur que ce culte ne devînt une efpece d'idolâtrie.

Ces ftatues, & celles de Jésus-Christ lui-même, furont donc alors renversées & brifées; les empereurs firent aux papes, qui condamnerent ces excès fcandaleux, les menaces les plus terribles, & envoyerent même contr'eux des hommes armés. L'église tint à ce fujet plufieurs conciles particuliers, à Rome, dans les Gaules, & beaucoup d'autres dans l'Orient; enfin après environ cinquante ans de troubles, le pape convoqua fur la fin du feptieme fiecle, un concile à Nicée en Bithynie; ce fut le feptieme concile œcuménique il condamna l'héréfie, & retrancha du fein de l'église ceux qui y perfifteroient,

Or il est évident que les motifs de ce jugement de l'églife univerfelle, furent uniquement puifés dans la tradition, & les ufages fuivis depuis les apôtres la fainte écriture n'en parloit pas & n'avoit même pas pu en parler. Les auteurs des livres qui forment le corps de cette écriture, pouvoient-ils prévoir au premier fiecle où ils vivoient, l'étrange révolution qui n'eft arrivée qu'au feptieme? Cet objet n'a même pu donner lieu à des difputes, que long-tems après la mort du Sauveur & des premiers faints de l'églife, puifqu'il s'agiffoit de l'honneur qu'on peut rendre à leurs ftatues.

Au refte, c'est ainfi que pour plufieurs autres objets, l'églife dans les conciles généraux & particuliers, a toujours puifé les motifs de fes jugemens, principalement dans l'écriture, & auffi, quand il l'a fallu, dans la tradition comme feconde fource de la divine révélation, néceffaire par-là même pour donner à la foi de l'églife & à celle des fideles toute fon intégrité.

Sur la confécration de l'eucharistie par exemple, il s'étoit élevé de grandes difputes entre l'églife grecque, qui employoit des pains avec du levain, eftimant que ceux qui étoient fans levain n'étoient pas proprement du pain, & l'églife latine

qui a toujours ufé de pains azymes, c'està-dire fans levain; plufieurs conciles, & fpécialement le fecond concile oecuménique de Lyon, ont décidé d'après la tradition, que l'un & l'autre ufage pouvoit être confervé.

C'eft auffi en puifant feulement dans la tradition, que l'églisé a réglé qu'on mêleroit toujours un peu d'eau avec le vin euchariftique.

Ces points de difcipline fe trouvoient cependant liés avec le dogme, puifque la pratique dont il s'agiffoit étoit néceffairement fondée fur la croyance que le levain mêlé avec la farine, & l'eau mêlée avec le vin, étoient changés au corps & au fang de Jéfus-Christ.

Je pourrois vous en citer encore bien d'autres exemples, mais ceux-ci ne vous paroiffent-ils pas fuffifans?

LE PROTESTANT.

Oui, Monfieur, je vous remercie de tout mon cœur, du détail où vous avez bien voulu entrer pour me prouver l'exiftence & la néceffité de la tradition dont je n'avois pas d'idée. Je réfléchirai de mon mieux fur tout ce que vous m'en avez dit, & je tâcherai de le bien retenir

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