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>> vous êtes Français; vous aimez vos femmes, vos >> enfans, la patrie: il n'y a plus de mauvais citoyens >> parmi vous; tout est calme, tout est paisible.

» Nous avons admiré l'ordre de votre police, » de vos distributions, le plan de votre défense; >> mais maintenant la paix doit renaître parmi nous; » et je finis en vous adressant, au nom de l'As>> semblée nationale, les paroles de confiance que >> le souverain a déposées dans le sein de cette As» semblée : Je me fie à vous; c'est là notre vœu; >> il exprime tout ce que nous sentons. >>

Cette éloquence douce, simple et insinuante, l'accent sensible et flatteur de M. de Tollendal, excitèrent un vif enthousiasme. Il a été pressé de toutes parts; une couronne lui a été adressée, elle a été posée sur sa tête; et, malgré sa résistance, il a été plutôt porté que conduit à la fenêtre ; on l'a présenté et montré à la multitude qui couvrait la place de l'Hôtel-de-Ville.

On a remarqué que le nom de Lally avait reçu ces honneurs au même lieu témoin, plusieurs années auparavant, d'une scène bien différente (1).

M. Moreau de Saint-Merry, second président des électeurs, a dit : « Les fastes d'une monarchie qui

(1) Le comte de Lally, condamné à mort par le parlement de Paris, comme coupable d'avoir trahi dans l'Inde les intérêts du roi, et depuis réhabilité, grâce aux éloquentes réclamations de son fils, M. de Lally-Tollendal, avait subi son jugement sur la place de l'Hôtel-de-Ville, le 6 mai 1766.

(Note des nouv. édit.,

» a déjà duré depuis plus de treize siècles, n'of>>frent point encore un jour aussi solennel que » celui où les augustes représentans de la nation » viennent lui annoncer, au nom du meilleur des » rois, qu'il lui est permis d'être libre, de cette >> liberté qui élève l'homme à la hauteur de sa des>> tinée.

» Dites, Messieurs, à ce roi, qui acquiert au»jourd'hui le titre immortel de père de ses sujets, » que, dans la nécessité de résister à des ordres » désastreux, nous n'avons jamais douté que son >> cœur ne les désavouât. Dites-lui que nous sommes » prêts à embrasser ses genoux; dites-lui enfin >> que le premier roi du monde est celui qui a la » gloire de commander à des Français. »

Embrasser les genoux, était une figure de rhétorique; cet usage était solennellement proscrit depuis l'ouverture des états-généraux, qui fut celle de la liberté.

M. de Liancourt a pris la parole pour annoncer que le roi confirmait et autorisait la milice bourgeoise; en parlant des gardes-françaises, le mot pardon lui est échappé. Militaire, il ne pensait qu'à la discipline, qui met dans le cas du pardon ceux qui s'en écartent; il oubliait que la défense des citoyens et l'explosion de la liberté ne méritent que des éloges. Un murmure s'éleva. Plusieurs gardes-françaises s'avancèrent au bureau, et l'un d'eux dit avec chaleur : « Qu'ils ne voulaient >> point de pardon; qu'ils n'en avaient pas besoin

» qu'en servant la nation, ils avaient entendu ser» vir le roi, et que ses intentions, aujourd'hui >> manifestées, prouvaient assez à toute la France » qu'eux seuls peut-être avaient été véritablement » fidèles au roi et à la patrie. »

Ce mot lâché aurait pu être suivi de quelque scène fâcheuse. M. de Clermont-Tonnerre parla avec son éloquence noble, toujours accompagnée et de la mesure et de l'expression précise. Il loua la conduite des gardes-françaises, et il eut l'adresse de les satisfaire, de tout réparer, en ne s'écartant point de la vérité, et en ne disant que ce qu'il convenait de dire.

M. l'archevêque de Paris, ministre de paix autant par caractère que par état, a exhorté tous les habitans de Paris à la paix, et il a proposé que l'assemblée se rendît à la cathédrale pour y chanter le Te Deum. Cette proposition a été unanimement acceptée. M. Moreau de Saint-Merry en a fait une autre, qui a été également accueillie; c'est celle de prononcer la grâce des soldats qui avaient été prisen défendant la Bastille contre les citoyens.

Je vais transcrire le procès-verbal des électeurs sur les faits qui suivent.

«Au moment où MM. les députés à l'Assem» blée nationale se préparaient à sortir, toutes les >> voix se sont réunies pour proclamer M. le mar» quis de La Fayette commandant-général de la » milice parisienne.

» M. le marquis de La Fayette, acceptant cet honneur avec tous les signes du respect et de la >> reconnaissance, a tiré son épée; il a fait ser>> ment de sacrifier sa vie à la conservation de » cette liberté si précieuse, et dont on daignait » lui confier la défense.

» Au même instant toutes les voix ont proclamé » de même M. Bailly prévôt des marchands.

>> Une voix s'est fait entendre et a dit: Non » pas prévôt des marchands, mais maire de Paris. » Et, par une acclamation, tous les assistans ont répété: Oui, maire de Paris.

» M. Bailly s'est incliné sur le bureau, les yeux >> baignés de larmes, et le cœur tellement op» pressé, qu'au milieu des expressions de sa re» connaissance, on a seulement entendu qu'il » n'était pas digne d'un si grand honneur, ni ca>>pable de porter un tel fardeau.

» La couronne qui venait de récompenser l'élo»quence patriotique de M. le comte de Lally>> Tollendal, s'est trouvée tout-à-coup sur la tête » de M. Bailly; et, malgré la résistance opiniâtre » de sa modestie, la main de M. l'archevêque de » Paris a retenu cette couronne sur sa tête, » comme un hommage à toutes les vertus de »l'homme juste qui avait le premier présidé l'As>> semblée nationale de 1789, et jeté les pre>> miers fondemens de la liberté française.» (T. I, p. 459.)

J'observe que, malgré ce récit du procès-verbal,

je crois, suivant ma mémoire et le témoignage de quelques électeurs, avoir été nommé le premier et avant M. de La Fayette. La place de prévôt des marchands était vacante; le peuple devait se håter d'y nommer, pour rentrer dans ses droits et pour qu'on ne le prévînt pas.

Je ne sais pas si j'ai pleuré, je ne sais pas ce que j'ai dit; mais je me rappelle bien que je n'ai jamais été si étonné, si confondu et si au-dessous de moi-même. La surprise ajoutant à ma timidité naturelle, et devant une grande assemblée, je me levai; je balbutiai quelques mots qu'on n'entendit pas, que je n'entendis pas moi-même, mais que mon trouble, plus encore que ma bouche, rendit expressifs, et qui signifiaient ce que ce que le procès-verbal me fait dire. Un autre effet de ma stupidité subite, c'est que j'acceptai sans savoir de quel fardeau je me chargeais; j'ignorais, à la vérité, que le soin si difficile des subsistances, depuis le départ de M. Necker, fût entre les mains de la municipalité et des électeurs; j'ignorais absolument que M. de Crosne eût donné sa démission, et' que la police leur fût également remise. Je crus tout bonnement être prévôt des marchands, sous le nom de maire de Paris. Je savais que cette place n'était point pénible, je savais avec quelle facilité elle avait été souvent remplie; et je ne fus frappé que de l'honneur qu'on me faisait, sans en apprécier le fardeau. Si je l'avais connu, j'aurais tenté de m'y refuser. J'ai su depuis que j'aurais mal

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