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le méchant est fort, quand il n'hésite plus entre la mort et le succès! Fixez, s'il est possible, votre œil et votre esprit sur le tableau affreux que vous présenteront nos villes, lorsque vous aurez mis tous les cœurs dans ces dispositions. Calculez toutes les victimes de vos principes destructeurs. Le vieillard termine par le fer et ses douleurs et ses infirmités; le pauvre, sa misère; le riche, ses ennuis; l'amant, son désespoir; le méchant, ses remords; le juste même, le cours des injustices qu'il éprouve; celui-ci, son déshonneur; celui-là, ses infortunes: bientôt chacun ne tient plus à la vie que par des liens que le moindre caprice viendra rompre. Dites-moi ce que c'est qu'une philosophie dont les principes raisonnés entraînent tant d'horreurs, tant de désordres. »

Ce que dit la baronne du nombre des suicides, paroîtroit incroyable, si on ne savoit à quel degré cette manie s'est montée dans ces dernières années, et quels étranges dégâts elle fait, sur-tout parmi une jeunesse licencieuse et dissipatrice. « Je crois avoir lu quelque part, que dans la seule ville de Paris on avoit compté jusqu'à treize cents suicides pour une seule année, et qu'il y en a bien d'autres qui restent inconnus à la police même; que la philosophie enfin rendoit cette fureur beaucoup plus commune qu'on ne pense. Savez-vous bien que dans l'espace de cinquante ans cela feroit soixante-cinq mille suicides dans la seule ville de Paris, qu'en doublant simplement ce nombre pour toutes les provinces, où nous ne laissons pas d'avoir fait certain progrès, cela feroit cent trente mille sujets que la philosophie auroit enlevés à la France? Savez-vous bien que cette accusation est grave et importante, et qu'elle pourroit bien justifier ce que j'ai entendu dire à un certain abbé, que la philosophie est plus meurtrière que le fanatisme? Il comparoit celui-ci à la peste qui désole la terre pendant quelque temps, et la philosophie à ces rhumes dont on dit ; ce n'est rien, ce n'est qu'un rhume; et qui cependant, au bout d'un certain temps, ont tué bien plus d'hommes que la peste. »

Cette réflexion conduit naturellement la baronne sur la question souvent agitée, et qui cependant n'en devroit pas être une, si la philosophie impie n'est pas un fléau plus

redoutable que le fanatisme. N'examinons pas quel sens les philosophes attachent à ce mot, nous le prenons dans le vrai. « Le fanatisme, disoit encore mon abbé, est un cruel fléau, c'est une fièvre chaude, brûlante, dévorante, c'est la fièvre des peuples; mais sa fureur est passagère, elle s'éteint d'elle-même, elle est rare dans nos annales; hors les guerres des Albigeois, et celles du Calvinisme, nous n'en comptons guère d'autres dans notre histoire. Les peuples se lassent de se tuer, de se massacrer pour une religion qui leur ordonne à tous de s'aimer, et dont les préceptes prenant le dessus, rétablissent enfin la paix, la charité. Le souvenir seul des guerres du fanatisme en est un trèspuissant préservatif. Mon abbé prétend même que s'il n'y avoit point eu de philosophes dans Paris et à la cour, point de ces hommes, qui n'ayant ni foi ni religion, cherchoient leur intérêt dans les troubles, les guerres de l'Etat, animoient le peuple à se battre pour un Evangile auquel eux ne croyoient pas, il prétend, dis-je, que, sans ces philosophies politiques, qui échauffoient sous main les deux partis, le fanatisme se seroit éteint bien plutôt, et n'auroit pas produit la centième partie de ses horreurs, peut-être pas une seule bataille. » « Il n'en est pas de même du suicide philosophique, reprenoit mon abbé, c'est une fièvre lente, on ne s'aperçoit pas qu'elle va toujours rongeant l'Etat, emportant celui-ci dans la ville, celui-là dans les faubourgs. L'un s'est pendu hier, un autre s'est jeté dans la rivière, un troisième s'est noblement tiré un coup de pistolet aux Tuileries, aux Boulevarts, dans sa chambre, dans des lieux écartés; et tout cela fait nombre. Tout cela n'est pas suas doute cette faux qui moissonne à larges bandes; c'est la main qui arrache les épis de côté et d'autre; c'est le voleur domestique qui aujourd'hui emporte un louis, demain un autre, et qui, au bout d'un certain temps, a volé une année de revenu. Enfin le calcul seul par lequel j'ai commencé cette note, vous montreroit dans un siècle, deux cent soixante mille suicides ou sujets enlevés à la France par la philosophie. Je sais que c'est peut-être exagérer pour certaines années; mais on pourroit y ajouter pour d'autres. »

Le zèle factice des philosophes pour la population ( qui dans le fond n'est que la haine du célibat ecclésiastique)

est excellemment apprécié dans le passage suivant. « C'est une chose assez singulière, que la philosophie recommande tant la population, et permette si facilement aux gens de se tuer; mais ce n'est pas tout, Un jeune philosophe, assure mon abbé, est essentiellement un jeune libertin (et notre catéchiste ne le prouve pas mal dans certains chapitres); ce jeune libertin s'accoutume à satisfaire ses passions avec des courtisanes, ou des filles, des femmes qui ne valent guère mieux; cette facilité ne lui donne pas beaucoup d'attraits pour l'union légitime, qui fixeroit son cœur et ses plaisirs. S'il se marie, c'est quand il ne peut presque plus être père. Il le pourroit, qu'il craint de le devenir. L'intérêt personnel du philosophe ne lui permet pas de diviser sa fortune avec de nouveaux êtres, et de consacrer à leur éducation, à leur entretien, ses soins, ses travaux, son argent. De là tant de vieillards de vingt-cinq ans épuisés de débauche; de là ce célibat si commun aujourd'hui; de là ces unions si tardives, qu'on ne voit guère un seul de nos grands philosophes père de deux enfans. On compteroit, par exemple, fort aisément ceux que nos coryphées ont donnés à l'Etat. En voulez-vous la preuve?

Enfans de Voltaire....
Enfans de d'Alembert

Enfans de Diderot dans l'état civil..

Enfans de J. J. Rousseau à l'hôpital..

Total. Enfans des quatre chefs de la philosophie, trois, dont deux à l'hôpital des enfans-trouvés.

« A ce calcul trop vrai, je m'avisai de répondre en demandant à M. l'abbé : Et vous, monsieur ? Et nos cures? Et nos.... Je vous entends, madame, reprend-il aussi tôt; moi, madame, et tous mes confrères, nous sommes, il est vrai, célibataires; mais nous prêchons aux jeunes gens la continence; en conservant leurs mœurs, nous conservons leurs forces; nous prêchons aux époux, aux épouses, la fidélité conjugale, nous menaçons, nous foudroyons le libertinage; nos fonctions ne nous permettent pas d'entrer dans les soins d'un ménage, de donner par nous-mêmes des sujets à l'Etat; mais combien n'en doit-il pas à la paix

qu'un vrai ministre de l'Evangile, un bon curé entretient dans les familles, aux soins qu'il a de marier les jeunes gens avant qu'ils ne donnent dans la débauche, à ses exhortations contre le libertinage, et à tout ce qu'il fait pour l'écarter de sa paroisse, aux charités même qu'il distribue aux pères indigens? Sentez-vous ces réflexions? Il me semble qu'elles mettent une assez grande différence entre le célibataire ecclésiastique et le célibataire philosophe. Celui-là ne s'abstient de donner lui-même des sujets à l'Etat, que pour lui en procurer davantage par les autres; celui-ci n'en donne point, et par ses principes il empêche les autres d'en donner; il étouffe, pour ainsi dire, le germe, le désir de la paternité. De-là tant de familles qui vont dépérissant, et tant d'autres se soutenant à peine par un seul rejeton, etc. »

LES PHILOSOPHES MODERNES, PLAGIAIRES DES ANCIENS. — CONTRASTE FRAPPANT ENTRE LA PHILOSOPHIE ET LA RÉVÉLATION.

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Le comble de l'humiliation pour la philosophie, c'est que ses erreurs même et ses creux systèmes ne lui appartiennent pas, elle est servile et plagiaire dans ce qu'elle prétend nous donner pour ses plus précieuses inventions. Un long parallèle de la doctrine philosophique ancienne et moderne établit d'une manière sensible et frappante la vérité de cette observation. On voit que Démocrite, Anaxagore Thalès, Epicure, etc., ont long-temps devancé Helvétius, Diderot, Rousseau, d'Alembert, etc., dans l'enseignement d'opinions que Cicéron, Senèque, Plutarque, etc., ont réfutées. C'est à la vue de ce parallèle que la baronne Antique pour antique, j'aime encore mieux revenir à l'antique raison, à l'antique Moïse, à l'antique Evangile. On sait au moins à quoi s'en tenir le bon sens n'y est pas heurté à chaque moment. » Mais le provincial reprenant là-dessus le ton de sa vigoureuse éloquence, forme

s'écrie : ་

entre la philosophie et la révélation, un tableau d'opposition et de contraste qui étonne, frappe et pénètre le lecteur, donne à son ame une secousse forte et salutaire, soit pour le faire recourir à la vérité, soit pour la lui faire apprécier et chérir s'il la possède déjà.

«Venez; il est temps que nous vous conduisions à une école mieux faite pour un cœur ami de la vertu et de la vérité. Interrogeons celui qui seul a pu nous dire : Je suis la voie, la vérité, la vie; je suis la lumière du monde; et celui qui me suit ne marche point dans les ténèbres. »

« A l'école de la révélation, et sur-tout l'Evangile à la main, venez; je veux souffler d'abord sur tous ces mondes des Thalès et des Maillet, des Héraclite et des Buffon, des Pythagore et des Robinet, des Lucrèce et des Diderot; ils vont tous s'écrouler. Au commencement Dieu créa le ciel et la terre (Gen. 1.) Au commencement étoit le verbe, et le verbe étoit Dieu. C'est par lui que tout a été fait; et rien n'a été fait sans lui (S. Jean, c. 1). »

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Que d'erreurs ces mots seuls ont proscrites! Comme ils me débarrassent de toutes ces idées fatigantes de matière incréée, de chaos éternel, d'émanations platoniques, d'atomes, de concours, de hasard! Comme ils anéantissent tous les systèmes! Mon esprit se repose sur ce Dieu créateur. Il sera sans peine le Dieu de ma raison, comme il est le Dieu de la révélation! J'ai appris qu'il existe, et que tout est par lui; venez, interrogeons encore Moïse et l'Evangile nous saurons ce qu'il est en lui-même et dans ses attributs. A cette même école disparoîtront encore ces dieux, matière et monde ; ces dieux, qui se divisent en dieux qui se reposent, et en dieux qui agissent, en dieux bons et méchans; ces dieux sans providence, et ces dieux enchaînés par la fatalité. »

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» Un Dieu seul éternel, tout-puissant, esprit pur et parfait, un Dieu sage, qui veille sur le monde, qui seul règle le cours des saisons et des astres; qui donne à la terre sa fécondité, au lis tout son éclat, à l'oiseau sa nourriture, et à l'homme la terre et tous ses fruits; un Dieu saint, qui ne souffre ni crime ni souillure; un Dieu bon, qui protège l'innocence; un Dieu juste, qui effraie

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