Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

quinze, tantôt vingt, tantôt trente mille hommes, qui s'avançoient de Paris avec un appareil formidable d'armes et de canons.

Lorsque les députés se sont rendus à l'Assemblée, ils l'ont trouvée remplie de femmes dont les unes occupoient toute l'enceinte de la barre, les autres toutes les galeries, les autres les siéges même des députés. Les unes crioient, les autres chantoient, toutes parloient, et du haut des galeries comme de l'enceinte même de la salle. Cet étrange spectacle l'étoit davantage encore par le costume de plusieurs d'entre elles, qui, avec des vêtemens de femmes assez élégans, faisoient pendre sur leurs jupons des couteaux de chasse ou des demi-sabres. M. le comte de Mirabeau a sollicité vainement du président un ordre pour rendre à l'Assemblée nationale, sa liberté et sa dignité. En présence de ces dames qui continuoient à crier de temps en temps du pain, les subsistances seules pouvoient être l'objet des délibérations; aussi inutilement a-t-on tenté d'en traiter d'autres. Les nouvelles de l'arrivée des troupes de Paris se confirmoient à chaque instant, et avant leur arrivée le sang commençoit à couler; on entendoit des coups de fusils assez multipliés. Quoique très-près des événemens, il nous est impossible d'avoir quelque certitude de leurs détails. Sans doute ceux-mêmes qui les recueillent feront mieux d'en réserver le récit pour des momens où les esprits plus calmes ne pourront plus en être trop-échauffés.

Le marquis de la Fayette s'est rendu au château de Versailles; il a exprimé à S. M., de la manière la plus respectueuse, le vœu des Parisiens; il lui a dit que s'il paroissoit à la tête d'une armée, c'étoit pour défendre et conserver sa personne royale, sur le sort de laquelle la nation montre beaucoup d'inquiétude. Le monarque a promis de souscrire l'acceptation des articles constitutionnels, des ordres pressans et positifs pour opérer l'avitaillement de Paris, et son agrément pour admettre autour de sa personne la garde nationale de Paris et de Versailles. L'Assemblée nationale a siégé toute la nuit. Vers le matin, l'armée s'étoit aperçue qu'on vouloit enlever le roi, et le faire aller à Rambouillet; des sentinelles ont gardé à vue les écuries, les remises et les cochers. Le monarque n'a pu résister

à la nécessité de suivre le vœu du peuple, il a déclaré qu'il viendroit habiter la capitale, ainsi que sa famille ; et sur le champ il a donné des ordres pour son départ. Le cortége s'est mis en route vers midi, et n'est arrivé à l'hôtel de ville qu'à 8 heures et demie; S. M. y est montée donnant la main à la reine: madame Elisabeth conduisoit M. le Dauphin; Monsieur marchoit à côté de Madame; madame royale étoit à côté de son auguste mère. Au sortir de l'hôtel de ville S, M. s'est rendue avec sa famille aux Tuileries, où elle a son logement.

Le grand maître de la religion vient d'écrire au ministre de la marine que 15 de nos navires marchands richement chargés, s'étant réfugiés dans le port de Malte, il leur donne une frégate pour les convoyer et les défendre contre les attaques des barbaresques. Ces bâtimens sont véritablement arrivés sains et saufs à Marseille. La date de cette lettre est remarquable, elle est du 4 Août, précisément du jour où l'on déclama tant contre l'ordre de Malte, en désignant nommément ses dîmes pour être supprimées (1),

(1) D'après tout ce que nous avons vu de l'Assemblée nationale, il est aisé d'apprécier une petite rapsodie, intitulée La vérité ou tableau comparatif des changemens projetés par l'empereur et des points arrétés par l'Assemblée nationale de France. Si on ne connoissoit pas l'intention de l'auteur, on lui en supposeroit une toute contraire.

EUT DES PHILOSOPHES EN SOUTENANT LES UNS L'ANTIQUITÉ DE LA MORALE, LES AUTRES SA NOUVEAUTÉ. TABLEAU AFFREUX DE MORALE SPECULATIVE ET PRATIQUE AVANT L'ARRIVÉE DE JÉSUS-CHRIST.

LA

VÉRITÉS QUI, A FORCE D'ÉVIDENCE, SONT

AU-DESSUS DE TOUTES LES PREUVES.

Noyembre 1789, page 323.

(Les Helviennes, ou Lettres provinciales philosophiques. Nouvelle édition. T. 4 et 5. A Paris 1788./

Ces Lettres de l'abbé Barruel, aujourd'hui auteur du Journal ecclésiastique, ont eu, comme elles le méritoient le plus brillant succès. Les philosophes qui y sont attaqués par les armes de la raison et du ridicule tout ensemble, n'ont pas reçu encore de coup plus vigoureux. Nous avons vu dans les volumes précédens les fruits divers de leur délire en physique et en métaphysique, leurs erreurs révoltantes quelquefois plaisantes sur la création du monde, Dieu, la liberté, la nature et l'immortalité de l'ame (1); dans les deux derniers on apprend ce qu'est dans leur école la morale, quelles idées ont succédé aux anciennes notions du vice et de la vertu, et comment ont été renversés tous les principes qui fondent la société humaine. Fidèle à son plan, il conserve le même ton et la même marche dans les Lettres et les raisonnemens des trois correspondans. Le chevalier, toujours adepte fort zélé pour la propagation de la philosophie, veut savoir à quel point la baronne et les autres disciples ont profité de ses leçons. Pour exercer leur sagacité, il propose des problêmes dont la solution exige qu'on réduise à l'unité, au parfait accord, les opinions les plus discordantes. Il se charge, lui, de prouver, par exemple, que pour les philosophes la morale est ancienne, et qu'elle n'est pas encore née. Il rapporte pour l'une et pour l'autre assertion les autorités les plus accréditées, et cite avec beaucoup d'exactitude les grands hommes du jour, les ou

(1) Voyez Septembre 1781, tome I, page. 440. Août et Nov. 1784, tome II. pag. 267 et 335.

vrages les plus lus et regardés comme le dépôt des lumières du siècle. Cette contradiction étonne, et cependant le but du oui et du non est le même, comme la baronne l'explique au chevalier d'une manière très-plausible. « Si j'en crois à celui qui me dit avec Freret: tout est vieux en morale; Epicure, Socrate et cent autres philosophes nous en avoient donné tous les principes long-temps avant le Christ. Ils avoient étalé tous les grands préceptes, et ouvert toutes les voies de la vertu; si je suis bien persuadé de ces progrès de la morale antique, j'ajouterai bientôt : quel est donc le mérite du Christ et de son école ? Et qu'a-t-il fait de si merveilleux pour la science du bien? Il nous a répété ce que cent philosophes avoient dit avant lui. Les bons croyans en font un Dieu, et il n'est tout au plus que l'écho des anciens philosophes. Ils admirent le livre où ses leçons se trouvent consignées : remontons à la source; et nous verrons que cet hommage est dû à la philosophie, ou même à la nature, qui depuis bien des siècles avoit su prévenir toutes ces belles leçons de l'Evangile.

[ocr errors]

« N'est-ce pas là exactement, chevalier, ce qu'on vouloit nous faire entendre avec ces collections de tant d'antiques moralistes, et sur-tout lorsqu'on nous assuroit que les bonnes nourrices des Chinois savent au moins, depuis trois ou quatre mille ans, tout ce que le grand livre des croyans contient de plus conforme à la saine morale (1)? »

«Non, je ne pense pas me tromper je connois nos sages et leur but primitif. Il peut bien se faire, que nos simples rédacteurs ne soient ici que des adeptes manouvriers, qui travaillent sans trop voir l'objet de ce qu'on leur demande mais très-certainement nos Freret, en indiquant la route, connoissoient le terme où ils prétendoient la faire aboutir, et ceux qui après eux ont donné à nos manouvriers une impulsion nouvelle, et quelques-uns même de ces manouvriers, étoient dans le secret. »

« Ce qu'il y a ici d'assez plaisant, c'est que quelquesuns même des bons croyans ont donné dans le piége, en recueillant aussi de leur côté une bonne partie des apo

(1) Voyez Mars 1783, tome II, p. 150.

phtegmes, des sentences morales de l'antique philosophie. Le motif de ceux-ci étoit bien différent, mais l'effet pourroit être le même. Quoiqu'il en soit, voilà cent moralistes de la première classe bien antérieurs au Christ: voilà cent philosophes que nous avons su faire admirer aux dépens de l'école évangélique. :

[ocr errors]

« Le succès n'est peut-être pas des plus complets. On nous dira que des maximes éparses à la Chine, en Egypte, en Arabie, en Perse, dans les Indes, en Italie, en Grèce, et recueillies à grands frais de cent écoles différentes, ne démontreroient pas absolument qu'il y ait eu quelque part avant le Christ, si ce n'est chez Moïse, cet ensemble qui constitue seul un code de morale. Il est vrai encore qu'il faut à cette science, non de simples conseils, mais des motifs solides, importans, et une base, sans laquelle nos maximes sont toutes sans effet, lorsqu'il s'agit de vaincre de grands obstacles, et dans toutes ces circonstances où le vice et le crime ont de puissans attraits. Il est vrai encore, cette base constante, inébranlable, ces motifs, seuls capables de nous déterminer, quand il faut résister à de grandes passions, à de grands intérêts, ne se présentent guère dans nos collections philosophiques. Il est vrai enfin, il faut en convenir, ce seroit toujours une merveille bien étonnante, que ce Christ, élevé au milieu d'une nation méprisée par nos sages, eût trouvé dans lui-même, ou réuni au moins dans ses leçons tout ce que les philosophes de tous les siècles, de toutes les nations, de toutes les écoles avoient laissé épars, sans ordre, sans ensemble, par morceaux détachés, sans avoir jamais pu ni s'accorder entre eux, ni former un véritable corps de doctrine. Oui, malheureusement, il faut en convenir: celui qui n'auroit fait que ce prodige, auroit encore quelques droits à nos hommages. »

« Peut-être même remarquera-t-on, qu'il est bien plus croyable que le Christ a tiré de lui-même toute sa morale; qu'il lui fut plus facile de créer son école, que de purger ainsi les écoles antiques de toutes leurs erreurs, que de réunir seul tout ce qui s'étoit dit avant lui de raisonnable, de saint et de sublime dans les Indes, à la Chine, en en Grèce, en tafie et chez tant d'autres peuples, dont le

« ZurückWeiter »