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à un autre. L'histoire ancienne et moderne en fournit mille exemples. La désertion, non-seulement est une tâche à la gloire; mais presque toujours elle rend encore inutiles les plus heureuses qualités et les plus beaux talens. Labienus n'étoit plus à la tête de ces vieux soldats à qui il pouvoit rappeler leurs grandes actions et les siennes il ne connoissoit pas ses nouvelles troupes et n'en étoit pas connu; d'ailleurs ses premiers succès appartenoient à Jules, plus qu'à lui-même. C'étoit Jules qui le conduisoit à la victoire; il ne sait plus en retrouver le chemin dès qu'il s'éloigne de son guide; il ne reçoit plus d'un héros ces grandes et rapides idées qui font le sort des combats : le même génie qui le soutenoit autrefois et l'élevoit à sa hauteur, aujourd'hui le presse et l'écrase. Labienus, dans les Gaules, étoit le compagnon et l'ami de César; dans le camp de Pompée, il n'étoit que Labienus. »

En parlant de Pompée, l'auteur paroît éprouver quelque difficulté à saisir la conduite que tint ce grand capitaine à Pharsale, et les causes véritables d'une défaite qui après tant de victoires éclatantes avoit effectivement de quoi étonner. « On ne reconnoît pas dans la conduite de Pompée, pendant et après cette bataille, le vainqueur de l'Afrique, de l'Espagne et de la Sicile; ce grand général qui avoit châtié les Parthes, vaincu Mithridate et Tigrane, et soumis presque toute l'Asie, au premier échec qu'il reçoit ressemble, dit Plutarque, à un homme étonné qui a perdu le sens. On est surpris de le voir quitter la patrie, se retirer dans son camp, s'enfermer dans sa tente et s'y livrer à la plus grande douleur, au lieu de songer à rallier sa cavalerie, à ranimer le courage de cette belle jeunesse, et à lui montrer l'exemple de la valeur et de la fermeté. "

Je ne dirai rien pour éclaircir l'espèce d'obscurité qu'offre à l'auteur l'interruption subite et irréparable de la longue fortune de Pompée et d'une magnifique suite de victoires. Je me contenterai de transcrire ce qu'on lit dans l'Histoire Romaine de Mr. Rollin (tome 12, liv. 41, § 14). Après avoir parlé du dépouillement du temple par Crassus, et de la sacrilége avarice de ce Romain, il ajoute : « C'est une chose très-digne de remarque, que le triste sort des

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deux généraux romains, qui les premiers et les seuls, jusqu'au temps dont nous parlons, avoient violé le respect dû au temple de Jérusalem. Pompée, depuis qu'il eut osé porter ses regards téméraires dans un lieu redoutable, où jamais aucun profane n'étoit entré, ne réussit en rien, et termina enfin malheureusement une vie jusques-là remplie de gloire et de triomphes. Crassus encore plus criminel ( i ), fut puni plus promptement et périt dans l'année même. Quoi qu'il en soit de cette observation (2), on ne peut nier qu'elle ne soit parfaitement conforme au récit de FlaveJosephe. « La sainteté du temple, dit cet historien fut violée d'une étrange sorte: car au lieu que jusqu'alors les profanes non-seulement n'avoient jamais mis le pied dans le sanctuaire, mais ne l'avoient jamais vu, Pompée y entra avec plusieurs de sa suite, et vit ce qu'il n'étoit permis de regarder qu'aux seuls sacrificateurs. Les historiens romains quoiqu'ils regardassent les Juifs comme des impies (parce qu'ils n'adoroient pas de dieux visibles ) parlent de la démarche de Pompée d'une manière qui marque de l'étonnement ( 3 ).

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Caton, ce célèbre suicide, tant exalté par Lucain et les autres admirateurs d'un courage insensé, donne à M. de Crissé l'occasion de faire sur cette manie les réflexions les plus judicieuses, et de les appliquer à ce Romain avec une justesse de raisonnement et d'observations historiques dont l'ensemble forme le tableau le plus intéressant comme le plus instructif. « On a toujours admiré la mort de Caton, on l'a célébrée comme le dernier effort de la plus héroïque

(1) Crassus étoit sans doute beaucoup plus conpable. Il donna un libre essor à son avarice; et après avoir juré au grand prêtre de se contenter d'une pièce de grand prix qu'on lui offroit pour sauver le reste, il n'enleva pas moins de huit mille talens (24 millions de livres), parmi lesquels étoient au rapport de Josephe, deux mille talens auxquels Pompée avoit refusé de toucher.

(2) Ceux qui ne sont pas familiarisés avec ces sortes de réflexions, peuvent s'amuser à lire l'ouvrage du protestant anglois, Henri Spelman, Histoire et fatalités des sacrileges; moins l'auteur est suspect d'un exces de crédulité et de dévotion, plus sa narration et ses observations intéressent

(3) Hierosolymam quoque intravit et vidit illud grande impiæ gentis arcanum pat ens. Florus, Hist. 1. 3.

vertu, de la fermeté la plus inébranlable; l'antiquité a exalté ce vertueux Romain, qui, après avoir si long-temps lutté contre les ennemis de la république, l'avoir soutenue dans sa chûte, s'ensevelit sous ses ruines, expire avec sa patrie, et meurt libre, lorsque Rome étoit déjà dans les fers; mais Caton ne pouvoit-il pas prendre un autre parti plus généreux que celui de se donner la mort, que de se déchirer les entrailles, ou de tomber aux pieds de César? Malgré les succès suivis de ce tyran de sa patrie, la conquête de toute l'Italie, la victoire remportée à Pharsale, la mort de Pompée, la bataille signalée qu'il venoit de gaguer, tout n'étoit pas perdu. Les défenseurs de la république étoient, à la vérité, épars dans l'Afrique ; il falloit les rassembler; il falloit qu'il se mit à leur tête, ou pour rendre la liberté à sa patrie, ou pour mourir en la défendant. D'ailleurs, cette liberté avoit encore un asyle en Espagne; un parti redoutable s'y formoit contre le tyran. Quel autre que Caton pouvoit en être plus dignement le chef? Il prend les mesures les plus sages pour sauver les sénateurs enfermés avec lui dans Utique, il les fait monter sur des vaisseaux au milieu d'une nuit obscure et orageuse, il leur ordonne de vivre, afin qu'il existe encore sur la terre des hommes qui ne soient point esclaves de César. Pourquoi ne les suit-il point? La vie de ces sénateurs étoitelle plus chère, plus nécessaire à Rome que celle de Caton? Il ne veut pas fuir devant César, et il se donne la mort; n'est-ce pas fuir plus lâchement encore? C'étoit peut-être le moment où il alloit triompher; César ne pouvoit plus cacher ses ambitieux desseins; ce n'étoit plus contre Pompée qu'il faisoit la guerre, c'étoit contre la république. Les Romains alloient ouvrir les yeux, ils alloient peutêtre se réunir contre le tyran qui vouloit les asservir, et Caton, le sage Caton, leur donne à tous le funeste exemple du découragement; il leur annonce par sa mort, qu'il n'y a plus de liberté à attendre, et que César est leur maître. Annibal, qui fuit de contrées en contrées pour soulever contre Rome de nouveaux ennemis, se consolant de vivre par l'espoir de venger sa patrie, abaissant sa fierté jusqu'à devenir le courtisan d'un roi, me paroît plus grand que Caton qui se donne la mort, lorsqu'il peut opposer au génie

et à la fortune de César, son propre génie, son courage et

son nom. »

On jugera peut-être que l'auteur a eu trop l'esprit de Commentation, qu'il s'arrête à des récits qui méritent à peine l'attention d'un lecteur ordinaire, qu'il fait trop d'honneur à l'obscur, verbiageur et superficiel Hirtius, en raisonnant sur des assertions qui ne méritoient pas d'être relevées parce qu'elles ne pouvoient pas être crues : mais telle est la disposition des bons esprits, des hommes vertueux et zélés pour le bien, qu'ils ne peuvent laisser échapper aucune occasion d'instruire, d'éclairer, de corriger, de faire sortir le bon et le vrai (1).

(1) Cette ardeur d'instruire quoiqu'elle entraîne quelquefois une surabondance de leçons, n'est pas du tout blamable dans son principe, puisqu'elle part de l'amour de la vérité et du désir de la répandre; elle tient d'ailleurs à l'amour de nos semblables et au désir de les rendre heureux. Et sans s'arrêter à ce qu'il y a d'utile et de louable dans une telle disposition, elle trouveroit son excuse, si elle en avoit besoin, dans la richesse de ses moyens. Il est difficile, comme l'observe un critique judicieux, à l'homme de bien de ne pas commu. niquer ce qui lui paroît, raisonnable et utile, sur-tout s'il l'a pénible. ment et laborieusement acquis. C'est, dit le P. Sacchini, cet homme qui a donné de si sages principes d'institution (Parænesis ad magistros), le cas d'une mère, d'une nourrice, qui se soulage en donnant son lait à des enfans chéris; et c'est ce qu'a voulu exprimer un de ces interlocuteurs qui intervient dans l'histoire de Job, et qui souffroit cruellement de devoir concentrer en lui-même des connoissances qu'il croyoit pouvoir répandre au loin la vérité, la paix et le bonheur. Plenus sum sermonibus, et coarctat me spiritus uteri mei. En venter meus quasi mustum absque spiraculo, quod lagunculas novas disrumpit. Job 32.

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(La Religion chrétienne justifiée au tribunal de la philosophie et de la politique, ouvrage relatif aux erreurs dominantes. Par Mr. l'abbé B***. A Liége 1788.)

L'auteur a rassemblé les réflexions et les témoignages les plus propres à remplir le titre de son livre; on peut même dire qu'il tient beaucoup plus qu'il ne promet, parce que non-seulement il justifie la religion de tout reproche, mais il fait voir qu'au tribunal de la philosophie et de la politique, elle est le plus sûr garant de la sécurité publique, le plus solide fondement des états, la source la plus abondante comme la plus pure du bonheur général et parti

culier.

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Le discours préliminaire où l'auteur montre les rapports naturels de l'homme avec la religion, où il prouve que l'homme est par sa constitution et les propriétés de son ame un être religieux, présente des points de vue tout-à-fait intéressans et dont le lecteur attentif saura apprécier la justesse. « Les animaux inférieurs à l'homme semblent faits pour partager avec lui, du moins à plusieurs égards, les fonctions de la vie sensitive et les plaisirs qui y sont attachés. Mais aucun d'eux n'offre des signes qui dénotent qu'ils soient capables de se former la moindre idée d'une Divinité, des devoirs de la morale et des principes de la religion (1). Cette noble prérogative de l'homme d'être une créature religieuse, d'entrer, pour ainsi dire, dans le conseil du Très-Haut, distingue essentiellement l'homme des animaux, est une preuve bien manifeste de la supériorité de sa nature sur toutes celles de ce bas monde,

(1) Nullum bruta præ se ferunt religionis indicium, ut propria nobis sit mentis in Deum coeli erectio, sicut corporis in cœlum erectio propria : cultusque divinus ita fermè hominibus naturalis, quemadmodum equis hin nitus canibusque latratus. Marsilii Ficini opusc. Catéch, philos. n° 149,

173, édit. 1787.

T. III.

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