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blent le port d'une manière très-pittoresque, et semblent le disputer d'éclat et de magnificence aux mille pavillons qu'étalent les navires....

« Enfin le clergé paroît, les encensoirs partent en mesure, des nuages d'encens s'élèvent en tourbillonnant dans les airs parfumés, tous les clochers carillonnent, les bourdons (grosses cloches) sonnent en volée, et le canon sert d'intermède aux chants religieux de cette innombrable multitude. »

«Mais c'est sur-tout lorsque la procession entière se déploie sur le port, c'est lorsqu'on voit sur les tillacs les matelots à genoux, tête nue, courbés, les mains jointes ou tendues vers le dais qui marche et s'avance majestueusement, porté entre le corps de ville et les ministres des autels; c'est lorsque la foule qui remplit les quais en longs essaims, frappée par cet ordre imposant, faisant trêve à sa pétulance naturelle, se recueille, s'agénouille, et ose contempler d'un ceil respectueux la superbe ordonnance de ce cortége; c'est enfin lorsque le Pange lingua, entonné au reposoir, est lentement chanté par le peuple, et répété au loin sur les vaisseaux par les équipages; c'est alors que le beau et grand spectacle, prenant de l'unité, inspire, je ne sais quelle religieuse horreur, imprime à l'ame un respect profond, et porte dans les veines le frémissement que fait éprouver l'approche de la Divinité. »

« Plus d'une fois, même dans ma première jeunesse, j'ai senti couler de mes yeux des larmes involontaires à la vue de ce tableau, dont le sujet et les accessoires flattoient mes sens, s'emparoient de mon cœur, et me commandoient l'admiration. Mon esprit étoit attéré de ce recueillement général, qui, tenant abaissés tous les fronts, lorsque les cloches et les bouches à feu discontinuoient leurs salves bruyantes, ne laissoit plus régner autour de nous qu'un vaste silence. »

Un article qui peut encore trouver place ici, est celui que je lis dans une feuille périodique allemande touchant le feu roi de Prusse. « A l'issue de la guerre de sept ans, Frédéric II se rendit à Charlottenbourg, où il fit promptement appeler le maître de concert, Benda, à qui il ordonna de faire réparer l'orgue de la chapelle du château,

endéans quatre jours. Benda le trouva en si mauvais état, qu'il déclara au roi l'impossibilité d'exécuter ses ordres dans le terme prescrit. Frédéric se contenta de cette réponse, et fit accorder l'orgue le mieux possible, pour exécuter à une certaine heure le Te Deum.... Tout le corps des musiciens se rend à l'heure marquée, dans la chapelle, dans l'attente d'y voir arriver toute la cour. Mais le roi tout seul, à leur grand étonnement, entre, prend place et fait signe d'entonner le Te Deum... Aussiôt le temple retentit des louanges du Seigneur... La tête appuyée sur la main, les yeux cachés, le monarque donne libre cours à ses larmes, et pénétré de profonds sentimens de la plus humble reconnoissance, il rend grâce à l'Eternel, au grand Maître des destinées humaines... La plupart des musiciens furent attendris de cette scène, aussi touchante qu'imprévue, et ce ne fut pas sans efforts qu'ils remplirent leur tâche en bonne contenance. »>

A propos de ce magnifique et admirable Cantique ( 1 ), je me rappelle l'effet remarquable qu'il produisoit sur de bons militaires allemands, en garnison dans une ville de ma connoissance. A portée d'un corps-de-garde il y avoit un monastère où l'office divin se faisoit alors ( les choses ont bien changé depuis ) avec autant de dignité que de ferveur. Lorsqu'à la fin des matines, chantées à minuit, on entonnoit le Te Deum, accompagné d'un orgue sonore et harmonieux, les soldats ne manquoient jamais, même en temps d'hiver, de se porter sur le parapet d'un bastion

(1) Ce qui distingue ce cantique de tant d'autres, très-respectables d'ailleurs et tenant à juste titre une place dans la liturgie, ce n'est pas seulement ce grouppe d'idées vastes, grandes, profondes, sublimes qui en composent le fond, mais encore la manière dont tout cela est rassemblé, ou si l'on veut, jeté, avec une négligence de génie, infiniment supérieure aux efforts de l'art; ce passage rapide du ciel à la terre et de la terre au ciel, de la redoutable majesté de l'Eternel aux misères et aux besoins de l'homme; adoration, terreur, amour, espérance, affections vives et tendres, apostrophes d'admiration et de respect, de confiance et de gratitude; langage animé et en désordre, chûtes brusques et inégales, vers sans mètre, sans nombre et sans cadence; tout exprime un enthousiasme nourri au feu de la Divinité; et vérifie la manière subite et, pour ainsi dire, inspirée dont une ancienne tradition nous apprend que cet hymne inimitable fut com

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voisin (1) où ils restoient jusqu'à la fin dans le silence et un pieux enthousiasme, profondément pénétrés de l'idée de la Divinité, et de cette éternelle lumière dont les ténèbres de la nuit semblent renforcer l'éclat.

Dans une autre feuille allemande, je lis les réflexions suivantes sur l'impression des choses religieuses et du silence de la nuit, temps où comme nous l'avons vu, l'on prétend proscrire le culte de l'Eternel. Chez les écrivains du jour, ces sortes de morceaux sont rares; on ne s'engage pas dans un grand travail quand on entreprend de les recueillir. Il y a un peu de verbiage, l'auteur écrit pour un sexe qui aime à faire durer la conversation; mais la vérité s'y trouve et n'y est point en danger d'échapper à l'attention du lecteur par une marche trop rapide.

« Le jour baisse, le voile de la nuit se déploie insensiblement au-dessus de nous, un silence majestueux succède aux chants du laboureur et de la famille innombrable des oiseaux du canton. Le rossignol seul, ce chantre infatigable, va ravir les bergers d'alentour. Déjà l'astre au front d'argent embellit par ses paisibles regards les montagnes et les vallées.... Que vois-je là-haut sur la cîme de la montagne voisine? Un clocher annonce de loin le temple qu'il couronne. C'est le temple du Seigneur qui habite parmi nous, qui reçoit nos hommages, qui nous dispense libéralement ses grâces. Près du sanctuaire demeure un respectable pasteur, qui jouit d'un double spectacle, de la magnificence de la maison de Dieu, et des charmes de la nature qui répand en ces lieux les plus belles fleurs de son sein. Faut-il s'étonner de l'éloquence de cet homme apostolique lorsqu'au jour du Seigneur il essaie de tracer à ses ouailles le tableau de la gloire qui les attend audelà du tombeau ? Il n'a qu'à paroître en public; et un saint enthousiasme fait partir des torrens d'éloquence. Le bon

posé par deux grands docteurs de l'Eglise... Les Protestans qui ont fait main basse sur tant de choses catholiques, n'ont eu garde de se départir de celle-ci; ils ont senti qu'elle ne souffroit point de rempla

cement.

(1) Remarquons en passant qu'ils n'y comprenoient pas le mot, et que si au lieu de cela on avoit chanté des prieres en langue vulgaire, ils fussent restés dans leur corps-de-garde.

laboureur, attentif à la voix de son pasteur, se félicite soi-même de son bonheur; cassé par le travail d'une semaine entière, il respire en ce jour la fraîcheur du repos ; et tout détaché des soins terrestres, il s'élève avec l'apôtre qui lui annonce la parole de Dieu, il goûte dès-à-présent une partie des plaisirs éternels; une sainte ivresse le transporte loin de cette demeure où il se sent étranger. Déjà il se croit revêtu de la robe blanche resplendissante de l'éclat de l'innocence; déjà il tient dans sa droite la palme de paix; déjà il porte sur sa tête la couronne de l'immortalité... Avec Abraham, Isaäc et Jacob, il célèbre le festin de l'Eternel; il voit l'Agneau assis sur son trône, il entend les accords de la harpe ravissante de David, et les cantiques des habitans du ciel l'invitent à chanter l'Alleluia des siècles sans consommation... Les élans d'un si sublime transport ne peuvent à la vérité durer sans interruption l'homme ne peut jouir long-temps d'un pareil bonheur tant qu'il est ici-bas, sans qu'il ne se sente accablé du poids de la foiblesse humaine; mais l'impression d'une fête célébrée dans l'Eglise de Dieu est si profonde, que ses sublimes et consolans effets se reproduisent sans cesse, pour élever les ames vers le Créateur, pour soutenir l'homme dans sa misère, alléger son fardeau, et répandre des charmes sur ses plus pénibles travaux. C'est par cette admirable influence que le laboureur trouve des délices sous ses pas lorsqu'il cultive le champ que Dieu lui a donné. De là le sublime essor de son esprit, lorsque conduisant sa charrue, il lève les yeux vers le firmament et salue la Cité sainte, son futur héritage. Heureux, cent fois heureux, l'homme qui passe une vie pure et paisible dans les contrées où le Créateur reçoit le vrai culte, où il distribue le pain de vie, la saine et céleste doctrine! Là tout ramène vers lui, tout attache à lui, tout annonce sa grandeur.... J'entends dans ce canton la pénétrante harmonie des cloches, de ces organes de la joie de l'Eglise, placées de distance en distance, pour annoncer au peuple fidèle les jours du Seigneur. A ces époques, on remarque les regards tranquilles du villageois satisfait, qui rend grâces au Ciel de lui avoir accordé ces jours d'un saint repos; on voit de tous côtés des signes de solennité : le son des

cloches, des vêtemens plus ornés, un concours d'un monde innombrable qui va se prosterner devant les saints autels. Mon esprit est porté alors sur les ailes de la dévotion de mes frères, jusqu'à l'auteur de toute alégresse, qui verse à pleines mains les eaux de la joie céleste dans le cœur de ses enfans. Quel homme peut résister à des charmes aussi puissans?... Non, il n'y a que l'incrédule endurci qui puisse se roidir contre son Dieu et la magnificence de ses ouvrages. Mais montons sur cette colline pour découvrir un horizon plus étendu.... Nous voilà enveloppés dans un voile parsemé de brillans; contemplons le silencieux attelage de tant de milliers d'étoiles que le doigt du Seigneur amène de là-bas au-dessus de nos têtes. Méditons quelques momens dans l'école du silence. Loin au-delà de cette atmosphère je me transporte en esprit. Je vois ce bas monde comme un point dans l'immensité de l'espace, je méprise son néant, je me dépouille de mon corps, je me sens pénétré de crainte et de respect pour la céleste contrée vers laquelle je soupire. Mais la révolution de chaque jour est pour l'homme juste un pas vers le Ciel et cet objet de tous ses désirs ne tardera pas à lui tomber en partage.... Charmant calme de la nuit! c'est à toi que je suis redevable des plaisirs indicibles dont je viens de m'abreuver à longs traits! >>

Puisque je suis à copier des feuilles allemandes, voici un passage de la très-philosophique et très-cynique gazette de Neuwied; où il ne faut chercher ni ordre, ni but, ni à-propos. Ecoutons l'impromptu que j'ai sous les yeux.

Observation. « Félicité (sainte) dame romaine fut condamnée à mort en 164 sous l'empire de Marc-Aurèle, en haine du Christianisme. Quoi ! sous le règne de MarcAurèle? de ce philosophe? Oui, précisément sous son règne, et ce qui fait frémir les ames sensibles, c'est qu'elle avoit sept fils qui furent tous exécutés avec elle. L'aîné fut battu de verges garnies de plomb jusqu'à ce qu'il expira; deux furent tués à coups de bâton; les quatre autres furent décapités; la mère ne fut expédiée qu'après avoir savouré les traitemens faits à ses enfans. O Marc-Aurèle ! d'où vient qu'on trouve dans ta vie des traits d'une telle cruauté, tandis que tes écrits font les délices des lecteurs philoso

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