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LIVRE NEUVIÈME.

LES PRINCIPAUX SYSTÈMES SUR LES FACULTÉS INTELLECTUELLES.

CHAPITRE PREMIER.

THEORIE DE PLATON.

S 1. VUES DE SOCRATE SUR L'INTELLIGENCE HUMAINE D'APRÈS XÉNOPHON. ➡

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§ 2. DISTINCTION DE PLATON ENTRE LES SENS ET LA RAISON. § 3. LE S 4. DISTINCTIONS ÉTABLIES PAR PLATON DANS L'IN§ 5. OBJECTIONS CONTRE LE RÉALISME PRÉSENTÉES PAR PLATON

RÉALISME DE PLATON.

TELLIGENCE.
LUI-MÊME.

S 1". Vues de Socrate sur l'intelligence humaine d'après Xénophon.

Nous avons interrogé les principaux philosophes de l'antiquité et des temps modernes sur les questions particulières que nous trouvions sur notre route dans l'étude de l'esprit humain; il nous reste à montrer comment chacun d'eux envisageait l'ensemble de l'intelligence, afin de mettre le lecteur à même de contrôler par ces théories celle que nous lui avons présentée.

Nous avons divisé l'intelligence en connaissance et croyance, et la connaissance en perception et conception. Nous entendons par perception un acte de l'âme dont l'objet est indépendant de cet acte; les objets de la perception sont les corps, l'âme elle-même dans son existence présente et passée, le temps, l'espace et une substance active éternelle. Nous entendons par conception un acte dont l'objet n'a pas d'existence en dehors de l'esprit, une pure représentation mentale; la

conception se subdivise en réminiscence et idéal. L'objet de la croyance peut exister en dehors de la pensée et peut aussi n'avoir d'existence qu'en elle. Nous avons dit qu'il ne fallait pas confondre la croyance avec le doute: celui-ci est le combat de deux croyances opposées; lorsqu'une croyance n'est pas combattue par une croyance contraire, le doute n'existe pas. Les objets de la croyance sont la constance de la nature, les signes naturels et la perfection de la cause extérieure. Il y a donc dans l'intelligence des facultés diverses, et parmi les objets de ces facultés les uns existent hors de l'esprit, les autres n'ont pas d'existence extérieure; d'autres enfin peuvent exister ou ne pas exister en dehors de l'entendement. Ces distinctions se sont lentement introduites dans la psychologie.

Socrate, suivant Xenophon, distinguait dans l'âme les sens et la raison1; il entendait que les sens nous font connaître les choses particulières2, et que par la raison nous nous souvenons du passé et prévoyons l'avenir; probablement il rapportait à la raison la connaissance des lois naturelles, la croyance en Dieu, dont il faisait un privilége de l'humanité, et la faculté d'interpréter les signes naturels, par laquelle, disait-il, les hommes font échange de leurs biens, s'enseignent les uns les autres, établissent les lois et les États". Pour Socrate la raison renfermait donc, sans distinction, toutes les facultés intellectuelles qui ne s'exercent point par l'intermédiaire du corps.

Nous devons nous attacher à faire connaître l'opinion que Xénophon attribue à Socrate sur la formation des idées abstraites et des idées générales ou des genres, à cause de la grande différence qui existe entre cette théorie et celle que

1. Ai alołńoeıç xai ó λoy:oμóg. Xénophon, Mémoires, liv. IV, chap. III. 2. Εκαστα. Ibid.

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lui prête Platon. Il disait que le mot de dialectique venait de ce que les hommes s'étant rassemblés délibéraient en distinguant les choses par genres1. Pour rendre ses disciples habiles dialecticiens, il leur enseignait à distinguer chaque chose d'avec les autres et il y parvenait par des définitions'. On voit par les définitions que donne Socrate que le genre n'était pas pour lui une essence séparée des choses particulières, mais seulement leur qualité commune. Voici comment il définit le bon : « Il faut donc, Euthydème, chercher aussi ce qu'est le bon? Comment cela? - Te paraît-il que la même chose soit utile à tous? Non pas. -Ce qui est utile à l'un n'est-il pas quelquefois nuisible à l'autre? - Certainement. - Penses-tu donc que le bon soit autre chose que l'utile? - Non vraiment. - Donc l'utile est le bon pour ceux auxquels il est utile. — Cela me semble ainsi. » Aristippe lui demanda s'il connaissait quelque chose de bon, afin que si Socrate indiquait un breuvage, des aliments, la richesse, la santé, la force, l'intrépidité, Aristippe pût lui montrer que cela était quelquefois mauvais; mais Socrate ne s'y laissa pas prendre : « Me demandes-tu quelque chose de bon pour la fièvre? répondit-il. -Non. Pour l'ophthalmie? Non. Pour la faim? Non. Si tu me demandes quelque chose de bon qui ne soit bon à rien, je ne connais pas cela et ne me soucie pas de le connaître.» « La terre, dit-il ailleurs, n'est un bien que pour qui sait la cultiver; une flûte n'est bonne que pour qui sait s'en servir". » On voit assez dans ces passages la répugnance de Socrate à reconnaître une généralité indépendante des objets particuliers. Il est à regretter que cette sagesse n'ait pas été transmise à son illustre disciple.

1. Εφη δὲ καὶ τὸ διαλέγεσθαι ὀνομασθῆνας ἐκ τοῦ συνιόντας κοινῇ βουλεύεσθαι diadéyovtas xatà yévy tá πpáyμata. Xénophon, Mémoires, liv. IV, chap. v. 2. Ibid., liv. IV, chap. vi. ·

3. Xénophon, Mémoires, liv. IV, chap. vi.

4. Ibid., liv. III, chap. vIII.

5. Xénophon, Économique, chap. 1er.

S 2. Distinction de Platon entre les sens et la raison.

Platon s'est appliqué sans doute à marquer la distinction des sens et de la raison; il a commencé même à distinguer dans la raison quelques facultés différentes, mais en donnant aux qualités générales ou aux genres un fondement distinct des individus, il a bâti une ontologie fantastique et ouvert une fausse route dans laquelle s'est longtemps égarée la philosophie. C'est ce que nous allons essayer de montrer en peu de mots.

Faisons voir d'abord comment il distingue des connaissances qui ne viennent pas des sens extérieurs. « Entendre les sons d'une langue, dit-il, et les comprendre, ce n'est pas la même chose; voir des lettres et savoir ce qu'elles signifient diffèrent l'un de l'autre ; nous connaissons par la vue la forme et la couleur des lettres, et par l'ouïe les sons aigus et les sons graves; mais ce que les grammairiens et les interprètes nous apprennent, nous ne le savons pas par la vue et par l'ouïe, nous ne le sentons pas1. Quand on a appris une chose et qu'on en possède encore le souvenir, la sait-on? Oui. Et cependant on ne la voit plus. Donc, savoir est encore autre chose que voir, à moins qu'on ne dise qu'on la sait et qu'on ne la sait pas en même temps. Si la vérité est pour chacun ce qu'il sent, chacun est la mesure de toute chose; mais le maître de géométrie est-il seul la mesure des figures géométriques, ou tous les autres sont-ils aussi une mesure pour l'astronomie et le reste3? Chacun ne croit-il pas être inférieur à ses semblables sur quelques points et supérieur sur d'autres? Dans le danger, ne s'en rapporte-t-on pas aux généraux, aux pilotes et ne les regarde-t-on pas comme supérieurs en savoir à la multitude? N'est-ce pas envisager la science comme une connaissance vraie et l'ignorance comme une croyance fausse? La beauté et la laideur, la justice et l'injustice, la piété et l'impiété changent-elles suivant la sensation? Si elles

1. Théétète, édit. H. E., t. Ier, p. 161-163; édit. Tauch., t. ler, p. 257-260. 2. Ibid., éd. H. E., t. Ier, p. 163, d, e; éd. Tauch., t. Ier, p. 260. 3. Ibid., éd. H. E., t. Ier, p. 169, a; éd. Tauch., t. Ier, p. 268. 4. Ibid., éd. H. E., t. Ier, p. 170, a; éd. Tauch., t. Ier, p. 270.

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