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acceptant la thèse de Maué, il y aurait eu à Nîmes d'un côté des vigiles et à leur tête le praefectus vigilum et armorum, d'autre part un collège de fabri dépendant d'un praefectus fabrum.

Les vigiles n'ont pas seulement eu à remplir les fonctions de police nocturne le titre de praefectus vigilum et armorum indique que ceux qui étaient sous ses ordres avaient des fonctions plus importantes. On ne peut pas non plus admettre qu'ils aient eu à remplir les fonctions de police et de pompiers. Comment expliquer dans ce cas que le collège ait eu à sa tête un praefectus fabrum?

Cette fonction du préfet de Nimes ne prouve pas en faveur de la thèse de Maué; si l'on accepte la supposition très-vraisemblable de Herzog, elle se tourne plutôt contre elle.

Un peu plus loin, Maué compare encore au praefectus fabrum le tribunus militum a populo (1). Il admet les conclusions de Cagnat, d'après qui ce tribun serait un fonctionnaire municipal nommé, en cas de danger, par les décurions, pour prendre le commandement des milices municipales. Des 24 inscriptions de tribuns que nous avons, sept (2) mentiounent la praefectura fabrum. Maué se hâte d'en tirer un argument en faveur de sa thèse. Le préfet et le tribun dirigent et commandent des troupes d'hommes appartenant à la population municipale organisée militairement. Tous deux ont la mission de protéger la ville contre les dangers; le préfet a en plus celle de veiller à la sécurité de l'Etat. C'est cette dernière mission, qui expliquerait la différence du mode de nomination des deux fonctionnaires; le tribun est nommé par la ville, le préfet serait désigné par l'empereur. Celui qui avait fait ses preuves comme tribun avait montré par là qu'il était apte à remplir les fonctions de préfet. C'est ce qui expliquerait que souvent le même personnage a été tribun et préfet.

Cette question des tribuni militum a populo reste encore ouverte actuellement. Des savants éminents sont en désaccord sur la façon dont il faut comprendre leurs fonctions.

D'après Duruy et Caguat, ces tribuns seraient des commandants de milices municipales, nommés par la ville en cas de danger.

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(1) DURUY, Mémoires sur les tribuni militum a populo. Mémoires de l'Acad. des Inscript. et Belles-Lettres, 1875 CAGNAT, De mun, et prov. mil. Chap. IV, pp. 41 ss. MOMMSEN, R. St., II, p. 261, n. 6; p. 562. Dr. p., tome IV (sur 3e éd. allem.), pp. 279 ss. — GIRAUD, Journal des Savants, 1875. Les bronzes d'Osuna (5 articles, pp. 244 ss ) — MARQUARDT, II, p. 354. Trad. franç. Organ, mil. chez les Romains, p. 61. MOMMSEN, Hermes, XXII, 1887. Die röm. Provinzial-Milizen.,

p. 547, surtout 556.

(2) IX, 3307-4519. X, 788-789-851-1132. XI, 3617. Trois de ces inscriptions (X, 788-789-851) se rapportent au même personnage.

D'après Giraud, Mommsen et Marquardt, ces tribuns seraient semblables aux tribuns militaires électifs de l'ancienne armée romaine. Des deux côtés, on a apporté des arguments sérieux, et il est bien difficile de discerner de quel côté se trouve la vérité. Quoi qu'il en soit, nous ne croyons pas qu'on puisse tirer des fonctions de ce tribun un argument favorable à la thèse de Maué sur le praefectus fabrum. Si l'on adopte les conclusions de Cagnat, il faut voir dans ce tribun un fonctionnaire municipal, tandis que le préfet, dont les fonctions principales sont la surveillance politique des collèges, est un fonctionnaire impérial. En admettant les conclusions contraires de Giraud, aucune comparaison n'est plus possible.

§ 12. Conclusion.

Maintenant que nous avons passé en revue et critiqué tous les arguments de Maué, nous pourrons conclure.

La double nature de la praefectura fabrum, telle qu'il l'a comprise, n'est pas marquée dans les inscriptions.

Jamais celles-ci n'indiquent qu'un rapport quelconque ait existé entre les collèges de fabri et les praefecti fabrum.

Il est invraisemblable, impossible même, que des fonctions entièrement différentes aient porté à la même époque un seul et même nom. C'est d'autant plus invraisemblable que la préfecture des collèges serait une fonction nouvelle créée au commencement de l'Empire.

Pourquoi ui aurait-on donné un titre qui existait déjà, et qui était porté par un officier ?

La nécessité d'une surveillance spéciale des collèges n'est nullement démontrée pour les premiers siècles de l'Empire. Ni la politique des empereurs vis-à-vis des corporations romaines, ni l'organisation des trois collèges ne permettent de conclure à l'existence d'une pareille surveillance. Les textes que Maué allègue pour la prouver se rapportent à des circonstances toutes particulières et on ne peut en tirer des conclusions générales.

Quant à la classification, qu'il a voulu introduire dans les inscriptions des préfets, nous avons cité des exemples, empruntés à luimême, pour montrer combien elle était peu rigoureuse et arbitraire.

La suppression de la préfecture des collèges au commencement du me siècle ne se comprendrait pas. Si elle avait existé, ce n'est certainement pas au moment où l'Empire réglemente et surveille tout, qu'il aurait songé à la supprimer. Et pourquoi sa disparition coïnciderait-elle avec celle de la préfecture militaire?

Nous admettons donc, qu'il n'y a qu'une seule fonction appelée prae

fectura fabrum et qu'elle est une fonction militaire. Les inscriptions prouvent à toute évidence que les préfets, au moins pendant les deux premiers siècles de l'Empire, doivent être rapprochés.des officiers de l'armée romaine. En effet, dans toutes celles où l'on énumère des fonctions militaires, la préfecture se trouve toujours placée immédiatement à côté de celles-ci. Maué lui-même l'a remarqué (p. 109, n. 55), mais l'explication qu'il donne de ce fait est complètement fausse. D'après lui, c'est parce que le préfet aurait été commandant de pompiers dans un municipe, qu'on aurait placé, dans son cursus honorum, cette fonction à côté des fonctions militaires, comme p. ex. le tribunat militaire d'une légion. Il suffit d'énoncer cette explication pour la réfuter.

La place qu'occupe la préfecture dans les inscriptions, où l'on énumère exclusivement des magistratures municipales et des fonctions sacerdotales, démontre, comme le fait remarquer Maué, qu'elle ne fait pas partie des dignités municipales Dans une inscription (II, 4205) trouvée à Tarraco, on dit que L. Clodius a occupé toutes les dignités municipales et a été praefectus fabrum : omnibus honoribus jure publica sua perfunct(us), [p]ra[ef.] fabrum. La préfecture, dit Maué, est mise en opposition avec les fonctions municipales. Nous admettons qu'il en est ainsi, mais on comprend très bien qu'on ait agi de la sorte, si l'on donne à la préfecture le sens qu'il faut toujours lui donner, si l'on admet que c'est toujours une fonction militaire.

Nous pensons que le titre de praefectus fabrum s'applique toujours à une seule et même fonction militaire, que nous étudierons dans la seconde partie de ce travail.

L'INFLUENCE

DE

SÉNÈQUE LE PHILOSOPHE

PAR

ALBERT COUNSON,

Docteur en philosophie et lettres, lecteur à l'Université de Halle.

Une philosophie où il y avait un peu de tout, et que le christianisme, croyait-on, avait éclairée de sa première aube; des réflexions tour à tour profondes et familières sur les circonstances ordinaires de la vie, une conversation « à pièces décousues (1) » dont les fragments se présentaient comme une espèce de menue monnaie de la sagesse, «< sable sans chaux » comme disait Claude, mais dont chacun pouvait emporter un grain voilà plus qu'il ne fallait pour assurer pendant longtemps à Sénèque des lecteurs nombreux et divers.

Il en trouvera, d'abord, chaque fois que la pensée antique et le christianisme seront aux prises de tous temps on a voulu concilier David et la Sibylle, Virgile et les prophètes, la sagesse romaine et les idées modernes et la philosophie de Sénèque était pour ces dernières le terrain d'entente le plus propice. De là la tradition de ses relations avec saint Paul, de là aussi le succès que lui fit la renaissance quand, en face de l'épicurisme élégant et facile, le stoïcisme se trouva ressembler davantage au christianisme. Celui de Sénèque y avait toujours ressemblé quelque peu, et l'Imitation de Jésus-Christ ne pouvait mieux prêcher la solitude et le silence qu'en citant un passage de l'épître où l'ancien recommandait de fuir le monde (2). En outre, les maximes

(1) Montaigne, Essais, II, 10 (Des livres).

(2) Avarior redeo, ambitiosor, luxuriosor, immo vero crudelior et inhumanior, quia inter homines fui » (Sén., Ep. 7). — « Dixit quidam. Quoties inter homines fui : minor homo redii » (Imit., I, 20), ce que Corneille traduira, ayant lu Sénèque :

Un paien nous l'apprend, tous chrétiens que nous sommes :

« Je n'ai jamais, dit-il, été parmi les hommes

Que je n'en sois sorti moins homme et plus brutal ».

du philosophe frappaient tellement les esprits que dès le haut moyen âge on lui en prêtait qu'il n'avait point prononcées. Son nom devenait synonyme de sage, passant même, en portugais, dans la langue vulgaire avec ce sens (1), et depuis les Seneca Leren d'un poète hollandais (2) jusqu'au Savi ou Libre de Senequa en vers provençaux, et au Seneca de quattuor virtutibus cardinalibus (5), Sénèque a servi de parrain aux traités de morale de toute l'Europe. Le goût des sentences et apophthegmes continuant au xv et au XVIe siècle, des « fleurs de Sénèque » paraissent en latin, en espagnol, en français (4). Erasme s'en mêle et JusteLipse va ébaucher un néo-stoïcisme dont le philosophe latin lui a fourni tous les éléments.

Les écrivains français ne devaient pas échapper à une influence si universelle, et ils ont souvent parlé du sage latin, et ont fini par parler et par penser comme lui. Au moyen àge ils répètent telle ou telle de ses maximes, ou rapportent les légendes qui se forment autour de sa mémoire : car le moyen âge refait la biographie des personnages antiques d'après la conception qu'il s'est faite de leur caractère ou de leur pouvoir. La mort tragique de Sénèque demande une explication: pour Jean de Meung (5) Néron a fait tuer son maître pour n'avoir plus à lui «< porter révérence » et à se lever à son approche. Cette version bizarre se retrouve encore au XIVe siècle chez Eustache Deschamps (6). Un autre auteur, qui composa les Proverbes de Séneke le philosophe, petit recueil de sentences tirées soit de recueils latins analogues, soit des œuvres du philosophe lui-même, explique dans sa préface la mort du maitre de Néron d'une façon qui peint la pédagogie du temps: « Séneke son maistre fist Nérons mourir à pou d'occoison,

(1) Seneca, sengo.

(2) V. Arturo Graf, Roma nella memoria e nelle imaginazioni del medio evo (Turin 1883), t. II, passim.

(3) Ce traité que Gargantua lisait encore (Rabelais, I, xiv). Il a été paraphrasé dans un poème provençal (The romance of Daude de Pradas on the four cardinal Virtues, edited by Austin Stickney, Florence 1879), et traduit en français : Le livre Senecque des quatre Vertus cardinaulz translaté en françois par Jehan de Courtecuisse l'an mil. CCCC. et trois.

(4) Il en parait encore au XVIe siècle en Allemagne Des Seneca Weisheit —, Lehr und Tugend-Blumen aus seinen Schriften gezogen durch S. v. Butschky,

Leipzig 1661.

(3) Roman de la Rose, ed. F. Michel, v. 6970 sqq.

(6) OEuvres, éd. de la Société des Anciens textes français, t. II, p. 348.

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