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avez promise, que faut-il leur répondre? Dirons-nous que les opinions sont libres, mais seulement dans l'esprit, mais seulement dans la manifestation orale, seulement quand on est seul, ou qu'on n'est que peu de personnes? Dirons-nous que les signes, les actions extérieures, isolées ou combinées, que ces opinions commandent, ne sont point renfermées dans la liberté des opinions? Mais qu'aurait donc fait de plus l'assemblée nationale, que ce qui existait sous l'ancien régime? Est-ce que l'opinion ainsi limitée dans les petites coteries de société n'était pas libre avant l'année 89? Ce seul raisonnement répondrait à nos adversaires, si l'on voulait en tirer tout le parti qu'il présente, et en faire l'application à leurs prétendues difficultés. (On applaudit.) Mais ce n'est pas celui que je veux employer aujourd'hui. Je dis qu'à des citoyens qui viennent réclamer protection dans l'exercice d'une liberté quelconque, l'administration ne peut faire que l'une ou l'autre de ces deux réponses: Vous n'avez pas la liberté dont vous réclamez la jouissance; ou bien: l'action et la force publique vont à votre secours. Je sais que les événemens ne se présentent pas toujours dans ce degré de simplicité, et qu'ainsi, par exemple, si l'exercice de telle liberté est, soit par les circonstances, soit par elle-même, susceptible d'enfanter des chances de troubles, l'administration devra dire: Il est juste que vous ne soyez point attaqués dans vos droits; mais pour mieux gouverner les moyens de protection qui vous mettront à l'abri de vos ennemis, pour que je puisse aussi vous surveiller autant que l'exige la tranquillité publique, pour que je puisse prévenir ou réprimer promptement une liberté dont l'exercice peut amener des dangers, soumettez-vous aux règles de police que l'ordre public exige que je vous impose. Cette dernière réponse est celle qui a été faite par le directoire du département; c'est le tableau fidèle de sa conduite. Je dis que, pour que l'administration de Paris vous parût coupable, il faudrait qu'elle eût pu faire l'autre réponse, c'est-à-dire qu'elle eût pu dire à des citoyens qui réclament la protection publique pour l'exercice de leur liberté :

.

La liberté que vous vous attribuez ne vous appartient pas; elle est contraire à la loi.

Où est la loi qui défend les réunions paisibles et sans armes, quand elles ont pour objet l'exercice particulier d'un culte quelconque? Certes, si nous nous étions permis de la supposer, c'est bien alors qu'on aurait eu raison de nous dénoncer à l'assemblée nationale, de nous traiter de despotes qui veulent mettre leur odieuse intolérance à la place des lois; c'est alors qu'on aurait eu raison de nous accuser d'incompétence, et de nous appeler des usurpateurs du pouvoir législatif.

La liberté religieuse, dit-on, est une conséquence trop éloignée du principe, pour qu'il n'y ait pas eu, de la part du directoire, un peu de législation à l'avoir tirée. Quoi! est-ce que la prohibition religieuse vous aurait paru plus facile, plus innocente à déduire? est-ce que, dans le principe reconnu et proclamé par vous, il se trouverait telle vertu cachée qu'il fût permis d'en tirer une loi d'intolérance? Est-ce que l'intolérance appartiendrait de plus près au principe, de sorte que dans l'alternative forcée où je suppose le directoire de tirer du principe ou la liberté ou l'intolérance, on lui eût plus facilement pardonné d'y avoir trouvé la seconde conséquence que la première? A-ce prix, nous n'aurions donc pas été accusés d'avoir usurpé le pouvoir législatif! Quelle pensée !

Je ne saurais comprendre le degré de force que quelques personnes attribuent à la difficulté que je combats en ce moment: qu'on me permette de l'examiner sous toutes ses faces.

On dit: la liberté religieuse a été reconnue, cela est vrai; mais de là à l'exercer publiquement, il y a un intervalle immense: cet intervalle, il était réservé à l'autorité législative de le franchir. D'abord, il ne s'agit pas, dans l'état actuel des choses, de culte public. Il n'y a de religion exercée publiquement que celle des paroisses. L'édifice, les ornemens, toutes les dépenses sont nationales; et, ce qui caractérise encore plus la publicité, les portes n'en sont fermées à personne. C'est véritablement un service public, offert à tous ceux qui veulent y re

courir. Il n'en est pas de même des édifices particuliers appartenant à une ou plusieurs personnes : ces sociétés sont, comme les clubs, maîtresses chez elles; elles peuvent fermer les portes à tout ce qui n'est pas actionnaire; et l'on ne peut pas dire que le lieu de leur assemblée soit public dans le sens politique; ou bien il n'y aurait pas d'édifice qui ne fût public, car le propriétaire a bien la liberté d'y faire entrer qui il lui plaît. (On applaudit.)

Si l'on veut mettre de la précision dans ce langage, on dira que le culte des paroisses est public et commun; que celui des chapelles-oratoires, loué par la nation à certains établissemens, est public sans être commun; enfin, que celui des sociétés particulières n'est ni public ni commun, autrement que pour les actionnaires ou ceux qu'il leur plaît d'y admettre. Ainsi, il ne s'agit pas ici de culte public: reprenons la difficulté dépouillée de toute idée de publicité. De la liberté religieuse reconnue à son exercice, y a-t-il véritablement un intervalle immense? et à qui était-il réservé de le franchir? La même réponse servira aux deux questions.

Ce n'est pas le directoire qui avait besoin de liberté religieuse. Les administrateurs ne demandent en cette qualité d'autre faculté que celle de remplir les fonctions qui leur sont confiées. C'est pour les citoyens que vous avez reconnu le principe; c'est aux citoyens à jouir de toutes les libertés, hors des fonctions politiques : ce sont eux qui ont tiré cette conséquence, que nos adversaires regardent comme si éloignée, et qui, dans le vrai, n'est autre chose que le principe lui-même. Daignez remarquer que par cette dernière observation, la question vient enfin d'ètre mise à sa véritable place. Laissons le directoire qui n'a eu ni à consacrer des principes, ni à tirer des conséquences, ni à franchir des intervalles grands ou petits. Établissons la discussion où elle doit être entre l'assemblée nationale, qui reconnaît la liberté. religieuse, et les citoyens qui, en conséquence, se mettent en jouissance de cette liberté. Vous me pardonnerez les répétitions, si elles deviennent nécessaires. Y a-t-il une loi qui défende aux

citoyens de se mettre en possession d'une liberté que le législateur leur a reconnue? Pouvez-vous dire qu'en promulguant, de la manière la plus solennelle, le grand principe de la liberté religicuse, votre intention véritable était qu'on devait s'en priver jusqu'à nouvel ordre? Croyez-vous que la jouissance d'une liberté reconnue et proclamée, est un acte réservé au pouvoir législatif, qu'aucun particulier ne doit se permettre, sans devenir coupable d'usurpation de la souveraineté ? Entre le principe de telle liberté et sa réalisation individuelle, y a-t-il d'autre intermédiaire à placer que la volonté de l'individu? On détache les conséquences du principe. Est-ce qu'une liberté peut être en principes sans être en conséquences? Et de quoi jouiront les citoyens, quand vous leur dites qu'ils sont libres, si ce n'est des conséquences de cette liberté, c'est-à-dire des applications du principe? Il n'est pas possible que nos adversaires aient mûrement réfléchi aux raisonnemens qu'ils nous opposent; ils seraient eux-mêmes effrayés des extrémités où ils nous conduisent; car, prétendraientils, par exemple, que chaque application d'un principe, chaque acte de liberté n'est permis qu'autant qu'il a été détaillé, et nominativement énoncé dans une loi particulière? La liberté ne serait donc, suivant eux, qu'un dépôt d'abstractions, dont le législateur se serait réservé la clé, pour n'en laisser sortir que à peu et à son gré quelques parcelles propres aux circonstances. (On applaudit.)

peu

Si telle est la liberté qu'ils veulent nous donner, elle ne vaut pas la révolution. Ce n'est pas le législateur, c'est le citoyen qui tient la clef de la liberté, avec cette seule obligation, de ne jamais désobéir à la loi. Si j'avais besoin d'appliquer ma pensée à un exemple, je prendrais le premier qui se présente. Il n'est pas brillant, mais il ne s'agit pas de comparer les deux termes par leur degré d'importance. —Il n'existe pas de loi particulière qui fixe la longueur de nos habits, ou la forme de nos coiffures. La liberté dont nous usons en ce genre, tient au principe le plus général, que hors de la loi tout est permis, et que la loi ne s'occupe que des actions qui nuisent aux droits d'autrui. Si donc,

armé de cette absence de loi particulière, on venait vous dire que vous n'avez pas le droit de déterminer la forme de l'habit et de la coiffure que vous portez en public; que vous devez attendre que le législateur ait tiré du principe la conséquence que vous réclamez, à travers des intermédiaires plus ou moins longs....... Je m'arrête. Vous ririez de cette intolérance; et si vous aviez besoin que la police vint à votre secours pour vous préserver des frénétiques, sûrement vous ne trouveriez pas mauvais que les corps administratifs vous protégeassent de toute la force publique; sûrement vous ne leur reprocheriez ni de tirer des conséquences trop éloignées d'un principe, ni d'empiéter sur le pouvoir législatif..... Non, on n'a point dans l'esprit des idées nettes, quand on se permet de faire des objections de cette nature. Peut-être, dira-t-on, l'exercice de la liberté religieuse est plus susceptible qu'un autre de troubler l'ordre public. Je réponds que cette différence s'accroît malheureusement de tous. les efforts que l'on oppose dans cette assemblée à l'établissement d'une tolérance universelle. Je réponds que cette différence, telle qu'elle soit, prouve seulement que la police doit y veiller avec plus de soin. Eh! ne voit-on pas qu'avec des observations de ce genre, on anéantirait peu à peu toutes les libertés? car de l'une à l'autre, il serait aisé de leur trouver, ou d'en faire sortir des inconvéniens souvent très-graves. Si la liberté des individus n'avait jamais d'inconvéniens, nous n'aurions presque pas besoin d'un établissement public; le code civil et pénal se réduirait à rien. (On applaudit.)

Lorsqu'une liberté est susceptible de sortir de ses limites, c'est au législateur à voir s'il la laissera subsister: s'il se tait, les magistrats, les administrateurs ont des fonctions plus pénibles à remplir; mais quand ils s'y livrent avec zèle, on ne doit pas les accuser d'usurper le pouvoir législatif. On s'étonnera bien davantage de l'attaque qu'on fait essuyer au directoire, si l'on daigne faire attention que ceux à qui nous avons affaire, se montrent d'ailleurs extrêmement faciles sur la liberté à accorder à tous les cultes, hòrs un seul. Ici percent leurs véritables motifs.

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