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être contestée: c'est qu'il fallait le système entier de l'ancien régime pour retirer 32 millions de la consommation du tabac; c'est qu'un profit pareil, vrai prodige en finance, ne pouvait résulter que de l'accord de tous les moyens combinés dans le code du tabac par la cupidité et la dureté financières, aidées l'une de l'autre pour enfanter leur chef-d'œuvre : l'impôt du tabac n'a pu donner si abondamment des fruits si faciles à recueillir que dans la terre de la servitude, que dans le bois de l'ancienne finance: on n'a jamais regardé qu'aux rameaux de cet arbre; c'était au pied qu'il fallait voir; on aurait appris à déplorer sa fructification, même en en découvrant les causes; on aurait vu que sa culture était le désespoir d'un grand nombre de malheureux, et que ses racines avaient besoin d'être arrosées de sang.

Aussi, Messieurs, à compter du 15 juillet 1789, il n'y a plus eu à examiner si l'on sacrifierait une partie des récoltes de l'impôt ; dès-lors la perte en était devenue irréparable: il faut donc épargner à votre comité de l'imposition le reproche qu'on lui fait sans cesse de proposer la destruction d'un impôt de 30 millions; avant que ce comité existât, il n'y avait plus de possibilité à retirer 30 millions du tabac.

Nous venons de prouver que désormais la consommation du tabac ne produirait plus en France ce qu'elle a produit, même quand on conserverait le régime exclusif et prohibitif; nous avons prouvé qu'aux circonstances générales qui devaient affaiblir ces produits, se joignaient des circonstances particulières à l'année courante et à la prochaine, et qui pendant ces deux années réduiraient encore le produit à une somme moindre qu'elle ne pourra être à la suite.

Mais ce n'est pas tout, en adoptant le régime prohibitif, on serait obligé de sacrifier encore une forte partie du modique produit qu'on en retirerait pour sauver les difficultés de son établissement Ici, Messieurs, nous ne faisons que répéter ce que vous ont proposé nos adversaires eux-mêmes M. Mirabeau, M. Dedeley vous proposent d'indemniser l'Alsace et la Flandre;

ces indemnités coûteraient, suivant leurs propres calculs, la 'moitié du revenu que nous avons cru raisonnable d'attendre de l'impôt.

On observe à la vérité qu'à la suite il s'étendrait à ces dépar temens, qui en étaient ci-devant exempts; mais il faut considérer aussi que la contribution foncière de ces mêmes départemens baisserait d'un sixième au moins par la prohibition de culture, puisque cette culture y est comptée pour le sixième des récoltes annuelles, à cause de la prohibition qui avait lieu dans le reste du royaume.

Il ne reste donc plus qu'à conclure; la question se réduit à deux points: 1° convient-il de se ménager pour l'avenir, par la prohibition et l'exclusif, un revenu ou du moins l'espérance d'un revenu de 18 ou 20 millions sur le tabac? 2o convient-il de se ménager par le même moyen, pour l'année courante et la prochaine, un revenu de 12 ou 14 millions sur le tabac, dont encore il faudrait sacrifier environ la moitié pour indemniser les départemens belgiques et du Rhin?

Personne, je pense, ne contestera que quand le bon état des affaires publiques permettra de réduire ou de convertir les impôts, la conversion ou la réforme ne doive commencer, je ne dirai pas seulement par les plus mauvais, mais aussi par ce qu'il y a de plus mauvais dans les accessoires d'impôts tolérables par euxmêmes.

On ne niera pas non plus que quand même on pourrait qualifier de bon impôt une contribution levée sur une consommation de fantaisie, telle que celle du tabac, du moins c'est un mauvais accessoire de ce bon impôt que la prohibition de culture et le privilége exclusif de fabrication et de débit, et qu'ainsi il faudrait du moins sacrifier ces modes de perception dès que l'aisance du trésor public le permettrait, et se réduire au modique revenu qu'on pourrait retirer de moyens moins contraires aux droits naturels de l'homme.

Or, Messieurs, dans trois ans, l'intérêt de la dette sera diminuée par des remboursemens, par des amortissemens, par des

réductions amiables; dans trois ans, les pensions du clergé seront aussi considérablement diminuées, la plupart portant sur des têtes très-âgées; dans trois ans, en un mot, les dépenses publiques seront très-sensiblement diminuées dès-lors done la somme des contributions publiques sera moins forte, et l'État n'aura pas un besoin assez urgent de 18 ou 20 millions pour les acheter par le régime exclusif et prohibitif.

Si donc, il faut en 1793, renoncer à ce régime, on ne doit pas le mettre aujourd'hui en vigueur, pour n'en retirer des fruits qu'en 1793, c'est-à-dire à une époque où ces fruits seront devenus heureusement superflus.

Si le régime prohibitif et exclusif ne peut produire 18 ou 20 millions qu'à une époque où l'État ne sera pas obligé d'acheter si cher une si modique contribution, il ne s'agit plus que de voir s'il est possible de retirer d'un régime plus doux et plus régulier une somme à peu près égale à celle que produisaient cette année la prohibition et l'exclusif. Or, Messieurs, un calcul très-simple du résultat de notre projet va vous prouver que son produit doit être au moins de 8 millions.

Nous proposons d'abord d'établir des licences de fabrication; nous en estimons le produit... 1 million.

2o Des licences de débit........

3° Un droit d'entrée de 40 livres par quintal, qui produira pendant chacune des deux années prochaines...

4° Une fabrique nationale............

1

4

8 millions.(1)

(1) Si l'on contestait le produit des quatre articles que nous venons de vous exposer, il nous serait facile d'en justifier l'espérance.

M. Mirabeau lui-même a estimé le produit des licences de fabrication et de débit à deux millions : nous ne portons le produit d'une fabrique nationale qu'à deux millions: d'après M. Mirabeau, nous pourrions le porter au-delà de quatre, puisque, suivant cet honorable membre, la ferme générale vend à l'étranger seul pour trois à quatre millions de son tabac.

Nous serons d'accord aussi sur le produit du droit d'entrée, si M. Mirabeau, qui par inadvertance a supposé que nous le fixions à 50 sous par quintal, fait attention que c'est à 50 livres que nous avons proposé de l'imposer:

• Nous ne comptons pas dans ce calcul l'accroissement que pourra éprouver la contribution foncière par une culture qui va donner une valeur.considérable à des terres qui en avaient peu; cet avantage sera peu sensible pour le trésor public, et il est éloigné; mais quoi qu'il en soit, nous pouvons espérer huit millions: le sacrifice que nous vous proposons d'offrir à la liberté est donc nul, si l'on indemnise les départemens belgiqués et du Rhin; il ne sera que de 4 à 6,000,000 pendant deux ans, si l'on ne les indemnise pas.

Mais dussions-nous gagner de 4 à 6,000,000 au régime prohibitif et exclusif, sera-ce pour un si modique intérêt que vous voudrez la couvrir d'un voile et l'asservir dès sa naissance? Sera-ce pour un si chétif revenu qu'on arrachera aux départemens belgiques et du Rhin une culture ancienne, et à laquelle ils sont habitués ; qu'on y ruinera des fabriques considérables et nombreuses; qu'on y fera des milliers de malheureux; qu'on y multipliera tous les gens inquiets; qu'on y autorisera les mécontens; qu'on y justifiera des calomnies; qu'on y jettera des semences de guerre civile?...... Non, Messieurs, la nation n'a sans doute point à craindre que vos décrets lui imposent une souffrance stérile, et lui fassent courir d'inutiles dangers; dès que le régime prohibitif et exclusif a perdu l'unique avantage qui pût le faire absoudre, celui d'un grand produit pour le trésor public, il ne faut pas hésiter à le détruire: le nombre, heureusement trèsborné, des personnes qui réduisent en calculs les avantages de la liberté, ont bien pu la sacrifier à un revenu de 52,000,000; mais il n'est personne qui voulût en faire marché pour six.

Répondrons-nous à une objection qui a été répétée jusqu'à satiété sur le prétendu danger de voir la France manquer de grains si on lui rend la liberté de cultiver le tabac?

cette laxe est celle dont le tabac est chargé à l'entrée des ports d'Angleterre : d'ailleurs, le tabac américain sera long-temps nécessaire en France, même en supposant que la culture y devienne florissante; enfin, il le sera surtout dans les deux années qui nous occupent particulièrement. »

(Note du rapporteur.)

Observerons-nous qu'une pareille objection tendrait à faire proscrire ou limiter toute autre culture que celle du blé, puisqu'il n'y aurait pas plus de danger à une culture immodérée du tabac, que des turneps, des colzas, des chanvres, à celle de la vigne?

Rappellerons-nous que c'était sur le même principe que les parlemens faisaient arracher dans leur ressort des plantations de vigne, comme si les excès en ce genre ne portaient pas avec eux leur peine et leur remède!

Redirons-nous encore que si l'on veut jouir de l'aspect de campagnes riches en blé et en pâturages, il n'y a qu'à tourner ses regards sur les départemens belgiques et du Rhin, seules parties du royaume où l'on cultive du tabac?

Non, Messieurs, il n'est pas besoin de relever davantage des objections que l'expérience de tous les temps et de tous les pays repousse, et qu'on ne pourrait accréditer sans mettre en problème les droits les plus sacrés de la propriété.

Je conclus donc que la nation n'a pas plus d'intérêt que de droit à maintenir le régime prohibitif et exclusif, et je demande que l'assemblée aille aux voix sur l'article premier du projet de décret du comité dont je vais vous faire lecture.

>Art. I. A compter de la promulgation du présent décret, il sera libre à toute personne de cultiver, fabriquer et débiter dų tabac dans le royaume.

II. L'importation du tabac étranger fabriqué continuera à être prohibée.

III. Il sera libre d'importer, par les ports qui seront désignés, du tabac étranger en feuilles, moyennant une taxe de 50 liv. par quintal.

IV. Le tabac en feuilles provenant de l'étranger pourra être mis en entrepôt dans les magasins de la régie, qui seront destinés à cet usage, et réexporté à l'étranger sans payer aucun droit.

V. Nul ne pourra fabriquer ou débiter du tabac dans le royaume, s'il n'a acquitté la taxe qui sera réglée, et s'il n'en peut produire la quittance.

› VI. Une régie nationale fera fabriquer et vendre du tabac au

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