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danger qu'il y aura toujours de ne pas rencontrer des hommes qui puissent porter un pareil fardeau, ont conduit le comité à une disposition qui lui semble réunir des avantages de tous les genres. Nous vous proposons de partager en cinq divisions les fonctions du département de l'intérieur, et de confier chacune de ces divisions, sous les ordres du ministre, à un directeurgénéral responsable et nommé par le roi.

Nous ne le dissimulerons point, les corps administratifs ont été abandonnés à eux-mêmes depuis leur formation, parce que le ministère n'a pas su, n'a pas voulu, ou, si l'on aime mieux, n'a pas pu les guider ou les contenir.

Il faut que la confusion, qui à la longue perd tout, ne puisse s'établir: il est donc indispensable de répartir l'administration intérieure dans des divisions particulières subordonnées séparément à un agent qui éclaire le ministre d'une manière complète, C'est en effet le seul moyen qu'on puisse donner à celui-ci, pour saisir et gouverner l'ensemble.

Le rapport des corps administratifs jouissant, dans leur ressort, d'une grande considération et d'un grand pouvoir, doit avoir lieu par des intermédiaires qui jouissent eux-mêmes de quelque considération, qui aient le pouvoir de faire le bien, et qui puissent répandre la lumière sans perdre leur temps à consulter un ministre sur des choses qu'il ne saura pas, ou à lui demander sa signature au bas d'une lettre qu'il n'entendra point. Il faut donc les tirer de la classe des premiers commis, les rehausser dans l'opinion par la nomination royale, leur donner les moyens d'agir promptement, les intéresser, par la gloire et par la cra nte, au succès de leurs travaux, et pour cela, leur permettre de faire exécuter les détails, et de tenir une partie de la correspondance d'instruction, que le roi et son ministre surveileront et dirigeront en chef.

Outre l'organisation matérielle du ministère, il en est une autre qu'on peut appeler morale: c'est dans celle-ci qu'il faut régler en détail l'action de l'autorité royale en matière d'administration. Vous avez déjà reconnu le principe et arrêté la prin

cipale base, en déclarant, par votre décret du 22 décembre 1789, que les départemens, à l'égard de leurs fonctions administratives, seraient sous l'autorité du roi, comme chef suprême de l'administration générale.

Il s'agit maintenant de déterminer le mode et l'étendue de l'action du pouvoir exécutif.

Pour obtenir plus sûrement de bons résultats, pour différer, pour rendre inutiles les voies de rigueur, pour profiter de l'heureux caractère de la nation française qui se montre si soumise à la voix de la raison, pour les intéresser par un sentiment avec lequel on obtient tout des Français, nous avons songé à les contenir par l'honneur; ét il y a lieu de croire que vous accueillerez une disposition qui préscrit au ministre de la justice et au ministre de l'intérieur de rendre compte chaque année au corps-législatif de l'état de l'administration de la justice et de l'administration générale, des abus qui auraient pu s'y introduire, et en particulier de la conduite des juges et officiers des tribunaux, ainsi que des membres des corps administratifs. Les événemens très-multipliés qui peuvent mettre en péril la chose publique, le secret que l'intérêt général oblige souvent de garder, nous ont conduits à une disposition très-simple : c'est, dans les cas qui, intéressant la sûreté de l'État ou la personne du roi, exigeront une marche rapide et secrète, de donner au ministre de la justice, sous sa responsabilité, le caractère et le pouvoir de jugé de paix en matière de police de sûreté; de lui déléguer le droit de délivrer un mandat d'amener, et après avoir interrogé le prévenu, de délivrer, s'il y a lieu, le mandat d'arrêt sous l'expresse condition, à l'égard des délits de nature à être portés à la haute-cour nationale, qu'il dressera l'acte d'accusation, et le transmettra sur-le-champ à la législature si elle est assemblée, et que si d'après les réponses des prévenus, le délit paraît être un simple délit ordinaire, il les renverra dans la maison d'arrêt du district où la poursuite aura licu, conformément à ce qui a été décrété sur la justice criminelle. Vous ménageriez ainsi au gouvernement le moyen de prévenir les complots dans nos ports,

et de déjouer les menées des étrangers ou des nationaux tramant ces grands forfaits qui sont des calamités nationales. Afin de dissiper toutes les inquiétudes, on déclarerait que le ministre de la justice répondra de ses mandats d'amener et d'arrêt ; et la loi sur la responsabilité déterminerait en détail la nature des réparations qu'on pourra prononcer dans le cas d'abus de ce pouvoir. La délégation que nous réservons au ministre de la justice appartient à tous les ministres, dans la constitution d'un peuple voisin de nous; elle y produit les effets les plus heureux. Ces ministres en font un fréquent usage; jamais ils n'en abusent; et ce qui le prouvè bien, les tribunaux qui les ont plus d'une fois condamnés à de fortes amendes, pour avoir, par précipitation ou par négligence, omis des formalités essentielles, ou employé des expressions générales dans leur warrants, n'ont jamais pu les surprendre exerçant ce pouvoir sans cause légitime.

Les précautions qui assurent le droit des citoyens, contre l'usurpation du ministère, sont très-multipliées dans le plan.

Votre comité a long-temps discuté en quel cas et sous quel mode les citoyens pourraient former une action en dommages et intérêts contre un ministre, pour faits de son administration. Trois systèmes se présentent ici : dans le premier, une autorisation spéciale du corps-législatif serait nécessaire; dans le second, on abandonnerait cette action aux risques et périls de ceux qui voudraient l'entreprendre; et enfin, dans le troisième, l'action en dommages et intérêts ne serait ouverte qu'à la suite des faits d'administration, sur lesquels le corps-législatif aurait prononcé qu'il y a lieu à l'accusation contre le ministre.

Ce dernier système, en conservant dans toute leur intégrité les droits des citoyens et ceux de la nation, a l'avantage de laisser aux agens immédiats du pouvoir exécutif la tranquillité d'esprit nécessaire aux devoirs multipliés du gouvernement. C'est celle que nous avons adoptée, et vous penserez sans doute que l'action en dommages et intérêts ne doit s'ouvrir qu'à la suite des faits d'administration, sur lesquels le corps-législatif aurait prononcé qu'il y a lieu à accusation contre le ministre.

Vous fixerez un intervalle de temps après lequel les actions en dommages et intérêts de la part de tous les citoyens seront pres crites; et nous croyons qu'on peut le fixer à deux ans à l'égard du ministre de la marine et des colonies, et à une année à l'égard des autres.

Le projet de décret renferme d'autres dispositions que peutêtre on ne contestera point. Outre l'économie du temps, il sera plus utile d'en exposer les motifs lors de la discussion: je me contenterai d'ajouter qu'en traçant le cercle des devoirs de chaque ministre, nous nous sommes efforcés d'établir nos réunions ou nos divisions d'après le rapport des objets entre eux, et de tenir les affaires étrangères, la marine et la guerre, bien séparées de l'administration intérieure. Si les tableaux ont de l'ordre et de la netteté, ils frappent tous les esprits, et l'explication devient inutile.

L'organisation du ministère, telle que nous la présentons aujourd'hui, ne parle point de l'ordonnateur du trésor public.

Le comité des finances vous a déjà rendu compte de quelques-unes des vues du comité de constitution sur le trésor public, et les moyens d'en écarter les dilapidations et le désordre; mais je crois remplir les intentions de l'assemblée en développant davantage notre opinion.

Nous ne pensons pas que l'ordonnateur du trésor public puisse, sans de graves inconvéniens, être nommé par le corps-législatif.

1° En pareille matière, un corps nombreux ne saurait faire un bon choix. L'élection serait livrée à l'intrigue et à la cabale, puisque les sujets aspirans à cette place seraient à peine connus de la soixantième partie des députés.

2o On affaiblirait la vigilance du corps-législatif, car il aurait naturellement de la prévention pour un homme nommé par lui, ou par les représentans de la nation qui l'auraient précédé. Le membre du comité de l'imposition qui a soutenu ce système l'a si bien senti, qu'il propose de le faire nommer par une législature, le dernier jour de session; mais demande-t-il que l'ordonnateur du trésor public n'exerce ses fonctions que deux ans, à

moins qu'il ne soit réélu? Et si ce n'est pas là son idée, qu'arrivera-t-il lorsque, dans le cours d'une législature, cette place sera vacante par mort, démission ou suspension?

5° On a laissé au roi, et avec raison, la nomination de son commissaire auprès de la caisse de l'extraordinaire. Ce décret fait plus que préjuger la question, et il faut le changer ou suivre le même principe à l'égard de l'ordonnateur du trésor public.

4o Enfin le roi est chargé de l'exécution des lois sur les finances, ainsi que de toutes les autres. On doit rendre sévère la responsabilité de son agent; mais pour conserver l'unité des principes dont s'est trop écarté le rapporteur du comité de l'imposition, en offrant une théorie qui ne nous convient pas, il faut abandonner au roi, avec les précautions convenables, le soin de faire exécuter les lois sur le versement des dépenses publiques, ainsi qu'on lui abandonne le soin plus important de maintenir la constitution. En effet, il est d'autant plus nécessaire de ne point affaiblir son action, que le travail de la répar· tition et du recouvrement des contributions a besoin chaque jour d'un moteur puissant et d'un moteur unique. De véritables dangers nous environnent si, dans de pareilles discussions, on se laisse frapper de terreur; si l'on attribue au corps-législatif d'une vaste monarchie ce qu'il ferait très-mal ou ce qu'il ne fera point; si l'on ne concentre pas la puissance pour la rendre plus efficace, si l'on s'obstine à regarder en arrière au lieu de porter ses regards en avant.

En examinant les dangers dont on nous menace, on y aperçoit beaucoup d'exagération. Sans doute on ne doit pas un instant perdre de vue l'emploi des deniers de l'État; la surveilIance doit être de la plus grande sévérité; mais il en résulte sculement qu'outre la comptabilité et la responsabilité continuelle au corps-législatif, il faut établir un comité d'administration des finances, auquel Fordonnateur du trésor public rendra compte fréquemment, sans prejudice de sa responsabilité, et composer ce comité de manière à écarter les abus; que, pour avoir la double action de la force royale et du corps-législatif, on peut y

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