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d'hommes flétris qui leur étaient vendus; ils avaient corrompu par l'argent, une partie des soldats de la patrie, et enchaîné les autres à force de cajoleries, de promesses, de menaces, et, surtout par des lois arbitraires de discipline qui ne laissaient plus connaître que la voix de leur chef.

› Les mécontens, rassemblés sur les frontières sous deux chefs fameux, n'attendaient pour se réunir à une armée d'ennemis prêts à fondre sur le royaume, qu'un signal convenu. Enflés de leurs succès, ils cherchaient à en précipiter le cours.Un seul point manquait à l'établissement de leurs vœux, la fuite de la famille royale. Leur chef, qu'une renommée usurpée avait placé à la tête de l'armée citoyenne, avait fait plusieurs tentatives inutiles. Enfin, le moment était venu de brusquer les événemens, et d'allumer la guerre civile qu'ils préparaient depuis si long-temps. Que de désastres et d'horreurs ne devait pas couvrir la nuit du 28 février.

Dès la veille, le perfide Mottié avait envoyé ses émissaires au faubourg Saint-Antoine pour en soulever les habitans, pour les engager par mille insinuations à se porter à Vincennes, et à en démolir le donjon. Le lendemain à la pointe du jour, ils renouvelèrent leurs manoeuvres criminelles. La jeunesse imprudente se rassemble pour cette expédition; elle est invitée par une foule de citoyens de tout âge. Ils partent; les voilà à l'œuvre. L'agitation était extrême dans ce faubourg; elle était extrême dans la ville; mais le général, chargé de la tranquillité publique, fermant l'oreille aux cris d'alarme, concertait avec ses complices, le fatal projet. Tous les conjurés devaient s'introduire à petit bruit et en armes chez le roi; tandis que leurs suppôts, rassemblés à la brune dans les Tuileries, attendraient l'instant de frappér leur coup. Quelque événement imprévu pouvait déranger ce projet; et alors, il fallait se laver aux yeux du peuple, et lui donner le change sur ces préparatifs du complot, et sauver les apparences un stratagême bien simple leur en fournit le moyen. Dans la matinée, l'un des conjurés, ci-devant marquis de Court,

lieutenant du roi à Salins et enragé courtisan, se fait arrêter dans la chambre du dauphin. On le trouve armé d'un stylet-baïonnette. D'après l'ordre du major-général (Gouvion), il est conduit par le commandant, du Château au comité des Feuillans; et l'alarme se répand dans Paris. Pour masquer cette farce, un aide-de-camp du général, et quelques autres conjurés vont le réclamer, ils répondent de lui, tandis que le maire, l'un des principaux conspirateurs, arrive en nage, joue le transi, fait le fâché et ordonne qu'il soit traduit à la Force pour être jugé comme criminel d'État.

< Cependant, les ennemis de la révolution qui siégent dans le sénat, jettent les hauts cris, et bientôt rassemblés avec les membres du club monarchique, ils se rendent au château en bandes séparées; ils sont suivis par un certain nombre des gardes-ducorps et de leurs officiers, par ceux des gardes-françaises, ceux des gardes-suisses, ceux de plusieurs régimens étrangers et nationaux; par des officiers-généraux, en un mot, par la nombreusc séquelle de courtisans, suppôts du despotisme. Ils se rendent auprès du roi, non par les avenues accoutumées, mais par le corps-de-garde des Suisses et les logemens de leurs chefs. Ce jour-là, tous les soldats de ce régiment qui ne sont pas de service, se trouvent consignés dans leurs casernes, et ces soldats consignés sont précisément ceux que leurs perfides chefs n'ont pu corrompre. Les sentinelles étaient doublées, elles avaient l'ordre de refuser l'entrée à tout particulier qui ne demandait pas à parler avec un officier : c'était le mot d'ordre. Du corpsde-garde on fait monter les conjurés dans une pièce où l'on n'est admis qu'en présentant une carte numérotée, avec ces mots : Entrée du Club royal (club monarchique) : ils y déclinent leurs noms et qualités, qu'un officier de garde vérifie sur un ́registre. Puis il les fait passer dans une autre pièce où ils changent de costume après avoir subi une épreuve sous les yeux du sieur Fifre, capitaine-commandant. De là, ils sont admis dans l'appartement du roi, où ils s'arment de pistolets et de poignards. Avant

Avant quatre heures du soir, ils s'y trouvaient au nombre de sept cents (!).

› Le général, que son devoir appelait à Vincennes, était resté à Paris pour voir comment s'acheminait l'affaire, mettre le holà, et sauver ses complices de la fureur des grenadiers de garde, en cas d'événement. Lorsqu'il croit n'avoir plus rien à redouter, il fait battre la générale. Le voilà à Vincennes, où il fait vainement tous ses efforts pour révolter les esprits, et mettre aux

(1) Marat qui dressait son réquisitoire huit jours après l'événement se sert des détails qui lui ont été fournis par des patriotes suisses. La lettre qu'il en reçut, et qu'il inséra dans son numéro du 5 mars, explique un fait que tous les journaux avaient déclaré mystérieux et impénétrable, à savoir les moyens que les chevaliers du poignard avaient employés pour entrer aux Tuileries. Les colporteurs qui distribuaient le numéro où cette lettre était contenue furent dévalisés de fond en comble par la police municipale. Marat la réimprima dans l'Orateur du peuple qu'il rédigeait alors parce que Fréron était malade. Voici l'extrait principal de cette lettre : « L'artifice que les officiers suisses ont employé lundi dernier est le comble de la scélératesse. Ils étaient dans le complot de l'enlèvement du roi. Ils étaient tous bottés comme les officiers aux gardes-françaises et les gardes-du-corps; leurs chevaux étaient prêts à Paris et à Courbevoie; et depuis long-temps ils avaient cherché à préparer les esprits des soldats en se promenant avec eux dans leurs cours de la caserne. La veille encore ils leur disaient il y aura du tintamarre ce soir; il faut bien laisser écraser ces bleus avant que d'agir; après nous verrons; mais ça ne se passera pas comme le 6 octobre le roi a pour lui toute l'armée, tous les chevaliers de St-Louis, tous les régimens étrangers et toute la noblesse. Ces propos avaient inquiété les soldats qui se disaient entre eux, il y a long-temps que nos officiers trahissent la nation, et qu'ils voudraient nous mettre dans la nasse ; ne les écoutons pas, soyons fermes, conduisons-nous comme les gardes nationales, et soyons toujours pour les citoyens. Il faut observer que lundi, les compagnies qui n'étaient pas de service, étaient consignées. On se demandait le soir au château et le lendemain dans Paris, par où avaient pu entrer ces traîtres. Il faut vous le dire : par la cour des suisses, où est leur corps-de-garde et le logement de leurs officiers. Ils nous ont assuré que les sieurs Châteauvieux, Diesbach, les d'Affry, Maillardoz, tout l'état-major du régiment, se sont trouvés dans ce concours; que Mottié leur avait envoyé de Vincennes plusieurs messagers, et même qu'il leur avait écrit. La conduite du vieux d'Affry n'est pas bien connue des soldats; mais ils le croient tout aussi criminel que les autres; sans doute vous êtes informé des scènes du château, où le vieux maréchal de Mailly, àâgé de quatre-vingt-huit ans, s'est trouvé avec deax pistolets.

Achevez, notre cher prophète, de démasquer cet affreux complot que vous nous aviez annoncé d'avance. Il est à observer que l'on savait à Fribourg, en Suisse, l'époque où il devait éclater. Ils en attendaient l'issue de jour en jour avec la plus grande impatience. Signé, plusieurs patriotes liés par les liens du sang aux habitués du château,» (L'Ami du peuple, n° CCCXC.) (Note des auteurs).

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prises les soldats nationaux, divisés de sentimens sur son compte. Il en était revenu triomphant au centre des bataillons, escortant lui-même une poignée de citoyens qu'il avait fait arrêter. Mais la fortune, qui s'est jouée tant de fois de ses perfides complots, lui préparait de cruelles alarmes. A peine est-il rentré chez lui qu'il apprend que tout est manqué.

Les conjurés étaient convenus d'attendre paisiblement le moment de frapper leur coup. Vers le milieu de la nuit, ils devaient faire enivrer la garde, poignarder les sentinelles, et enlever la famille royale. Des Anglais, des Italiens, des Espagnols, auraient gardé le plus profond silence, tranquilles dans les coins; mais pour les Français, rester en place et ne pas babiller, c'est la chose impossible, lors même qu'ils n'ont pas sujet d'être contens; jugez du vacarme lorsqu'ils sont transportés de liesse. Les voilà donc, au bout de quelque temps, à causer tout haut, à aller et venir sans gêne. La vue de tant de personnages assemblés sans qu'on sache par où ils sont venus, donne de l'inquiétude aux sentinelles qui les observent. Elles remarquent la bizarrerie de leur accoutrement. La plupart sont en redingotes ou en manteaux; grand nombre en culottes de peaux, et grand nombre en bottes. L'inquiétude des sentinelles redouble. Elles aperçoivent quelques gardes-du-corps en uniforme sous les manteaux; elles en reconnaissent plusieurs en habits bourgeois. Bientôt l'alarme est répandue: touté la garde arrive; elle veut fouiller les conjurés, et leur enlever leurs armes : l'indignation est extrême. L'état-major de l'armée parisienne, rassemblé avec les conspirateurs au château, accourt pour mettre le holà, et empêcher les soldats de désarmer ces traîtres: efforts inutiles ! ceux qui résistent sont maltraités.-Français, c'en était fait de vous, si vos grenadiers volontaires avaient été de garde ce jour-là. Aisés la plupart, presque tous sans lumières, sans vertus, sans courage (1), sans caractère, et tous pétris de prétentions et de

(1) Je crois bien qu'un garçon épicier, fier de son bonnet et de son sabre, tenant Javotte sous le bras le dimanche, fera l'insolent avec ses voisins en habits bourgeois, mais ce n'est pas là du courage. Voyez ces faux braves

vanité, ils eussent prêté l'oreille à la voix perfide de leurs chefs, qui les rappelaient à l'obéissance aveugle, au respect dû aux funestes décrets, et les conspirateurs consommaient leurs horribles projets. Mais le ciel, sensible à nos maux, avait placé nos braves grenadiers soldes auprès du monarque. L'amour de la patrie, qui brûle au fond de leur cœur, les rend sourds à de dangereuses maximes; la voyant en danger, ils n'écoutent que sa voix, et leur vertueux courage sauve en un moment la patrie prête à périr. Aveugles citoyens, rendez grâce à ces braves guerriers d'avoir été plus clairvoyans que vous: c'en était fait de la liberté, s'ils n'eussent point foulé aux pieds le décret de la force publique essentiellement obéissante. ».

Marat raconte ensuite les corrections paternelles, les coups de pied, etc.; et il ajoute; Tandis que ces scènes de comique larmoyant se passaient aux Tuileries, le chef des conspirateurs était à l'Hôtel-de-Ville dans l'attente des événemens. On lui annonce la déconfiture des conjurés. Le voilà à déplorer son malheur, à s'en prendre à sa mauvaise étoile, à maudire la doctrine de l'Ami du peuple qui avait tant fait de proselytes; il l'accuse d'avoir empêché nos grenadiers d'avoir été essentiellement obéissans à la voix des chefs vendus; comme si cette doctrine n'était pas gravée dans l'âme de tout patriote qui pense! comme si l'amour de la patrie n'avait pas suffi pour la graver dans le cœur de ces vertueux guerriers!

› Livré à ses douloureuses rêveries, il craint de reparaître en public; il voudrait fuir. Mille pensées diverses l'agitent tour à tour, et il ne sait quel parti prendre.

› Bientôt des barbouilleurs à ses gages se mettent à l'œuvre : j'ai fait voir de quelle manière ridicule ils s'y sont pris pour en imposer au peuple, dans la feuille intitulée: Nouvelle conspiration découverte par M. la Fayette.

› Bailly, le bas valet du héros des deux mondes, se met de

devant une batterie de canon; or, pour l'affronter, il faut une passion puissante. C'est l'honnêteté du cœur qni fait les citoyens intrépides.

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