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nom de la morale sociale. Les nobles surtout, parce qu'ils étaient provocateurs, parce que les traditions du duel étaient des traditions de gentilhomme, reçurent presque tout le blâme. Qu'on se rappelle la rencontre de Barnave et de Cazalès, celle de Castries et d'Alexandre Lameth, les nombreuses demandes d'une loi contre les duellistes, et, en désespoir de cause, une compagnie de spadassinicides fondée par des hommes du peuple, se déclarant champions des bons patriotes contre les aristocrates bretailleurs.

Sur ces entrefaites, la constitution civile est présentée au roi, et il ne la sanctionne qu'à son corps défendant. L'Ami du peuple l'accuse de trahir la révolution le lendemain même du jour où il avait consenti; il lui prouve, dans une adresse pleine d'une perspicacité et d'une logique que les pièces ont confirmées quarante ans plus tard, qu'il trahit et qu'il ne peut que trahir. Cependant la bourgeoisie et ses chefs redoublent de confiance envers Louis XVI, et Marat en infère plus que jamais l'existence d'une trame où le principe de la souveraineté du peuple périra, s'il n'est énergiquement et scandaleusement défendu. Connu par son intrépide audace, et centre de tous les hommes de sà trempe, qu'ils agissent d'ailleurs avec de bons ou de mauvais desseins, il abonde en renseignemens, et il les répand. Les vainqueurs de la Bastille lui dénoncent plusieurs d'entre eux qui font le métier de mouchards, et il livre au public leur nom, leur signalement et leur demeure. Vient son procès avec le mouchard favori, Estienne Languedoc, et il en sort vainqueur; vient le combat de La Chapelle, et Marat y voit de la part du peuple une juste protestation contre les droits d'entrée, et de la part des chasseurs soldés, un brigandage de mouchards, dont n'étaient pas capables les anciens commis de la ferme. Après ce hourra, qui fait saluer M. la Fayette au faubourg Saint-Antoine par le titre de général des mouchards, il lance tout à coup sur la municipalité, sur la tête de Bailly, la dénonciation des jeux et des joueurs de biribi : il entre dans tous ces repaires, nomme tous les masques, fait une sortie sur les vices qui sont, dit-il, le ferment contre-révolutionnaire le plus dangereux; et le corps municipal, éveillé par cet

éclat inattendu, arrive enfin à la barre de l'assemblée dénoncer trois mille maisons de jeu, et demander une loi.

Des poignards sont commandés; la police de Marat informe que cinq mille de ces armes vont être fabriquées, et qu'elles sont destinées à égorger les patriotes. Sur cette rumeur, la municipalité en saisit trente-six, destinés, affirme-t-elle, à la traite des nègres. Le 28 février, cinq cents aristocrates se réunissent dans le château des Tuileries pour un coup de main; la plupart sont fouillés et désarmés; on leur trouve à tous des poignards, et la journée s'appelle encore journée des poignards. Or ce jourlà, Marat qui savait qu'on discutait à la constituante la loi sur les émigrés, qui s'attendait à quelque décret insignifiant, sinon contre-révolutionnaire, qui s'était moqué de Pétion lui-même, invoquant superstitieusement la liberté individuelle, liberté, prétendait Marat, légale et constitutionnelle seulement alors que la liberté publique serait instituée; Marat, disons-nous, avait posé la question révolutionnairement, formulé son décret et invité les patriotes à se porter en foule à l'assemblée nationale. Il est averti le lendemain que le faubourg auquel il donnait ainsi rendez-vous, au lieu d'investir la salle dès représentans, était allé démolir le château de Vincennes. On lui dit que la police de la Fayette et de Bailly est venue dès le matin du 28 semer des bruits qui ont déterminé brusquement et inconsidérément cette diversion; il sait en outre que les chefs de la garde nationale et de la municipalité, instruits aussitôt de ce départ, non-seulement n'ont rien fait pour l'empêcher, mais qu'ils n'ont envoyé arrêter les démolisseurs que fort tard; et lorsqu'il lui faut expliquer la tentative d'enlever le roi, qu'on essayait ailleurs à la même heure, il juge les deux faits sur leur coïncidence, et fortifiant ses conclusions par la circonstance des poignards, qu'il avait inutilement dénoncés, il déclare plus affirmativement que jamais que les meneurs de la bourgeoisie et la cour ont pactisé pour une fin contre-révolutionnaire.

Tel était le système des démocrates purs. Doctrine, raisonnemens, conduite, nous n'avons rien omis dans cette courte ana

lyse, et surtout nous n'avons rien avancé qui ne soit surabondamment contenu dans les matériaux historiques de nos volumes antérieurs. Maintenant que nous avons indiqué à nos lecteurs les trois points de vue généraux des contemporains sur les faits dont ils furent acteurs, et que nous en avons esquissé les interprétations respectives, nous rentrons dans l'histoire.

Le récit de ce qui se passa aux Tuileries le 28 février, est uniforme dans les journaux le Patriote français, la Chronique de Paris, le Courrier des quatre-vingt-trois départemens, les Annales patriotiques, etc. D'après ces feuilles, un particulier nommé de Court, planteur de Saint-Domingue, chevalier de Saint-Louis, et lieutenant pour le roi à Salins, fut arrêté dans l'appartement dù dauphin, muni d'un couteau de chasse, qu'il déclara porter pour sa défense depuis la révolution. Du reste il fut réclamé surle-champ par plusieurs seigneurs de la cour. Le soir vers les quatre heures, commença aux abords du château un concours d'individus qui s'y introduisirent furtivement. La garde nationale de service (les grenadiers soldés) suspecta cette réunion, pénétra dans les appartemens, où elle s'était formée, et saisit sur les particuliers qui la composaient, au nombre de sept à huit cents, une multitude de poignards, de pistolets, de poires à poudre et de balles. Virieu, d'Esprémenil, Vincent d'Agout, de Poix, Berthier, etc, se trouvaient parmi les assistans. Pendant qu'on les désarmait, le tumulte ayant attiré le roi, il demanda des explications. C'est votre fidèle noblesse, lui répondirent quelques personnes, qui vient défendre votre majesté.

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Je n'ai pas besoin de défense; je suis content du service des gardes nationales. -Après cette sèche réplique, le roi se retira, On procéda ensuite à l'arrestation de trente environ de ces conjurés, et on chassa le reste par les épaules. Les journaux que nous analysons sont remplis surtout de plaisanteries sur les corrections pédestres, sur les croquignoles, taloches et coups de pieds qu'auraient reçus par-derrière Duval d'Esprémenil, dit le fou des îles Marguerites.

Le bulletin du Moniteur sur cette journée lui attira la récla

mation suivante, qu'il inséra dans son numéro du 5 mars, avec la note qui l'accompagne.

[ < Vous moquez-vous, monsieur, de vos souscripteurs, en leur donnant votre récit infidèle et plat de la soirée du 23 février aux Tuileries? Comment! lorsque sept à huit cents assassins, ci-devant nobles, ci-devant chevaliers, vicomtes, barons, comtes, ducs et marquis, se réunissent et assiègent le trône, armés de pistolets, de dagues, de stylets, de poignards, pour prendre en sous-œuvre la garde nationale qu'ils faisaient assaillir d'un autre côté par une troupe de peuple égaré, lorsqu'à cette horde de brigands se joint une foule de spadassins sans aveu, qu'ils ont soudoyés, vous dites froidement plusieurs particuliers armés de pistolets. PLUSIEURS! ils sont venus par centaines, je les ai vus.... DES PARTICULIERS! quels particuliers que tous ces ci-devants..... ARMÉS DE PISTOLETS; et les poignards, et les stylets, et toutes ces machines infernales que nous leur avons arrachées; auxquelles on ne peut pas même donner de nom, tant ceux qui les ont imaginées ont raffiné sur la scélératesse des assassins qui les ont précédés dans cette infâme carrière! Je voudrais bien savoir dans quelle intention vous empoisonnez ainsi le public de votre dégoûtante rapsodie. Est-ce que vous seriez leur écriturier à gages? Et nous aussi, nous vous payons; mais c'est pour nous dire la vérité; et quand vous aurez, par vos récits infidèles, enhardi tous les ennemis du bien public à multiplier leurs trames perfides, que vous en reviendra-t-il, à vous et à nous ? la guerre civile. Est-ce que vous seriez partisan de ce malheur extrême? En vérité, je vous le dis, il faut que le parti dominant ramène l'autre à son niveau; sans cela point de salut. Et lorsque ce parti vaincu se rend coupable de perfidie, il faut le crier sur les toits, afin que tout le peuple puisse apprécier les ennemis qu'il a à combattre. Trempez donc votre plume, une autre fois, dans de meilleure encre, ou bien, taisez-vous. Si votre récit de Vincennes et du faubourg Saint-Antoine est aussi fidèle que celui des Tuileries, nous voilà bien instruits avec votre feuille. J'espère que vous profiterez de ces vérités patriotiques; je vous en gratifie,

parce que j'aime votre feuille. Purgez-la donc de pareilles platitudes, ou sinon je vous dissèque publiquement, de manière à ne pas vous faire rire.

Bonsoir, sans rancune.

J***, grenadier de la sixième division, sixième bataillon.

Note du rédacteur. Nous publions cette lettre avec la plus scrupuleuse fidélité, après cependant l'avoir purgée de toutes les expressions que le grenadier a écrites avec de l'encre de corps-degarde. En la mettant sous les yeux de nos lecteurs, sans garantir l'authenticité des faits qu'elle contient, nous voulons prouver notre amour pour la vérité, et les laisser juges.]

Marat consacre deux numéros de l'Ami du peuple, 7 et 8 mars, à réfutér une feuille que venait de faire paraître Estienne Languedoc, intitulée: Nouvelle conspiration découverte par M. la Fayette. Selon son habitude, il commence par calculer les frais du pamphlet, papier, composition, tirage, distributeurs ou colporteurs, calcul dont il fait toujours précéder la critique de ces espèces d'écrits, Celui-ci a dû coûter au moins 15,000 livres au dieu Mottié. Après une réfutation mot à mot, il développe luimême l'affreuse conspiration qui devait éclater dans la nuit du 28 février, par l'enlèvement de la famille royale et le massacre de la garde parisienne.

<Les ennemis de la révolution qui n'ont jamais cessé un instant de s'occuper du projet de rétablir le despotisme ont d'abord eu recours à la ruse, Mille honteux artifices avaient été employés avec succès pour saper la liberté dans ses fondemens, et déjà le législateur ne travaillait plus qu'à remettre légalement dans la main du roi, les ressorts de l'autorité. Bientôt ils songèrent à corrompre la liberté à sa source, en l'éteignant dans tous les cœurs par le sentiment de la misère, les persécutions clandestines, la peur des légions nombreuses de brigands rassemblés de tous côtés, qui étaient cachés dans la capitale, sous prétexte de la garder; ils avaient formé dans son sein plusieurs corps de coupe-jarrets à leurs ordres, l'état-major de l'armée citoyenne n'était composé que

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