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nous apparaissent depuis qu'ils ne sont plus les serviteurs des serviteurs de Dieu. Le principe de l'Évangile, qui ne cesse d'agir dans la masse croyante, produit-il quelque création inconnue au monde passé? Les papes ouvrent l'Ancien Testament, et nient la découverte; ils opposent Josué à Galilée, Moïse à Jésus-Christ. C'est contre eux, c'est au travers de leurs foudres et de leurs anathèmes que les savans ont préparé par leurs travaux la science moderne, science tellement chrétienne, que, sans l'Evangile, elle n'existerait pas.

La réforme du monde européen, manquée par l'Église, au xive siècle, fut entreprise, au moment même de leur défection, par sa fille aînée, par la nation française. Nos rois s'appliquèrent d'abord à cette 'œuvre, et marchèrent long-temps sur la ligne qui devait la faire aboutir. Mais ils s'arrêtèrent un jour, et, après avoir attendu vainement la fin de leur sommeil, la nation se mit seule en route ce fut la révolution.

Dans ces grandes assises nationales, au sein de la Constituante, chargée par le peuple de tracer le plan de ses voies à venir, le clergé gallican aurait, s'il l'eût voulu, opéré ce miracle d'un seul mot. Il n'avait qu'à y prononcer la grande formule: Celui qui sera le plus grand parmi vous sera le serviteur de tous. Au contraire, ce fat à lui que le principe du dévouement fut posé, et il y répondit par des fins de non-recevoir. Il chicana sur ses biens sans oser trop montrer son égoïsme; mais lorsqu'une subtilité théologique lui fournit l'occasion de tourner la question morale, il s'y jeta avec fareur, il ergota. Le haut clergé, les évêques, dont la plupart étaient des ignorans ou des hommes de débauche, firent, à l'é gard du peuple de France, ce que le concile de Constance avait fait à l'égard de Jean Hus, sauf que la force se trouvait alors du côté de la justice. Ils sophistiquèrent sur la juridiction, sur l'autorité du pape et des évêques, tandis qu'on leur demandait de la morale et du dévouement. Aussi ils ont beau écrire des martyrologes pour ceux qui périrent dans cette résistance, pour les prêtres abusés, dont la foi inintelligente et antisociale défendit la juridiction jusqu'à la mort. Sans doute il y a un martyrologe révolutionnaire; mais il ne doit y figurer et il n'y figurera un jour que des noms chrétiens, que le nom de ceux qui combattirent pour la fraternité universelle. Où sera, dans ce livre, la place des rois, des nobles et des prêtres ?

Aujourd'hui le clergé est-il changé ? Sans doute. Il prêche toujours l'obéissance, le devoir, le dévouement aux faibles et aux pauvres : mais excommunie-t-il les puissans, les riches et les rois, dont l'égoïsme est un blasphème qui obscurcit le ciel depuis quarante ans? Dégage-t-il le nom

de Dieu de cette éclipse? Pour cela, il lui faudrait renoncer au salaire qu'il reçoit des puissans, renoncer à sa vie de loisir et de sécurité, et entrer dans les sentiers rudes et escarpés de l'avenir; pour cela, il lui faudrait s'exposer à n'avoir ni pain, ni toit, ni lieu où reposer sa tête, et à trouver enfin la prison, l'exil ou la mort. — D'autres accomplissent sa tâche, et il les excommunie!

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FIN DE LA PRÉFACE.

DE LA

RÉVOLUTION

FRANÇAISE.

FÉVRIER 1791.

AINSI que nous l'avons annoncé dans le volume précédent, nous continuerons à exposer de suite et sans interruption l'histoire des débats parlementaires dans le mois de février, pour nous occuper après de tout ce mouvement extérieur à l'assemblée qui annonce et prépare si vivement les événemens révolutionnaires qui changèrent la face de la France et de l'Europe. Nous reprenons donc notre journal à la séance du 12 février. Elle fut remplie par un rapport de Roederer sur les tabacs qui vint donner la conclusion d'une discussion sans intérêt, commencée le 13 septembre 1790, quittée, puis reprise le 13 novembre et le 29 janvier.

M. Ræderer. Messieurs, pour terminer enfin la discussion qui s'est élevée depuis six mois relativement au tabac, il est nécessaire de marquer avec précision les points sur lesquels tout le monde paraît s'accorder, et ceux sur lesquels il reste du dissentiment, et qui ont encore besoin d'être éclaircis. Une des causes de l'incertitude qui est restée dans un grand nombre d'esprits, c'est qu'on a jusqu'à présent confondu dans la discussion l'impôt avec ses modes de perception. Plusieurs personnes pensent qu'il serait désirable de continuer à retirer de la consommation du ta

T. JX.

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bac un revenu de trente-deux millions pour le trésor public; le comité partage cette opinion. Ce n'est pas qu'il ne trouve une grande injustice à grever d'une charge inégale les citoyens qui consomment du tabac et ceux qui n'en consomment pas; à soumettre les premiers à une sorte de peine pécuniaire, comme si la société avait le droit de défendre ou de gêner certaines jouissances plutôt que d'autres, quand elles sont toutes licites de leur nature; de mettre au-dessus de la portée du pauvre le seul plaisir que la modicité de ses ressources lui permette; de lui faire acquitter, sous un vain déguisement, une taxe égale à celle du riche, pour qui le tabac n'est pas même compté entre les innombrables jouissances que chaque jour lui apporte, que chaque moment diversifie; enfin d'inviter le misérable à la contrebande par l'appât du gain, et ensuite de lui infliger des peines pour des délits qui sont l'ouvrage de la loi même, et dont la richesse est préservée, comme de bien d'autres maux.

Mais d'un autre côté, le comité reconnaît à la taxe du tabac des avantages qui, comme l'a dit M. Mirabeau, la rendent un des meilleurs des mauvais impôts: elle s'acquitte insensiblement jour par jour, heure par heure; elle n'est exorbitante pour per sonne; elle est le prix d'une sensation de plaisir; la perception peut en être assurée sans frais extraordinaires, au moyen des gardes établis pour la perception des droits de traite; elle n'a pas, comme la gabelle, ou tout autre impôt sur des consommations de première nécessité, le doublé inconvénient de renchérir la main-d'œuvre et de grever les familles en raison du nombre des enfans qui en font partie; elle n'a pas, comme le droit d'enregistrement, le défaut d'attaquer des capitaux, et de dérober à l'agriculture, à chaque mutation, des avances utiles; en un mot, il est impossible d'en trouver de plus douce, tant que la terre, ci-devant appauvrie par la féodalité, ne sera pas fécondée par la liberté et par une partie des capitaux innombrables employés maintenant dans l'agiotage des effets publics ou dans l'usure particulière, et enfin tant que les bénéfices de l'industrie, concentrés par des priviléges exclusifs entre quelques individus et

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