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Telle est la substance du livre que vient de publier M. René de Belleval. Quoique ces récits ne soient que des fragments détachés qui font passer un peu brusquement peut-être le lecteur d'un temps à un autre temps et d'un règne à un autre règne, ils se font lire avec intérêt, d'abord, parce qu'ils concernent une époque vers laquelle, nous l'avons éprouvé tous, une curiosité douloureuse nous ramène souvent, ensuite parce qu'ils sont écrits avec une grande vivacité et une grande franchise de style. On sent, dans ces récits, l'homme qui s'est identifié d'autant mieux à ces épreuves de son pays, qu'il y a pris par les siens une part directe; car le nom de Belleval se rencontre souvent dans ces pages, et toujours à une place honorable. Sur ce point, l'historien a su mettre à profit différentes pièces inédites, qui tout en éclairant l'histoire de sa propre famille, jettent aussi un jour utile sur le rôle de la noblesse française à cette époque. Il est seulement regrettable que ces pièces ne soient pas assez nombreuses, et que l'historien n'ait pas cru devoir pousser ses investigations plus avant dans les archives qu'il a consultées. Nous savons de source certaine que les dépôts publics, et principalement ceux de nos villes du Nord, renferment, sur cette période de notre histoire, des documents fort précieux et qui permettraient sans doute d'en compléter plusieurs parties essentielles. En y puisant d'une main trop discrète, M. de Belleval n'a pas seulement perdu la bonne fortune de dire quelque chose de plus nouveau; il s'est volontairement condamné à demander le complément de quelques-uns de ses récits à des écrivains de seconde main, tels que M. Henri Martin, et l'auteur de l'Histoire des capitaines français, M. Mazas, lesquels n'ont pas précisément qualité pour suppléer aux lacunes et

aux oublis de Froissart et des autres chroniqueurs de la Guerre de Cent-Ans.

Le livre de M. de Belleval n'en est pas moins digne d'une grande estime, comme une œuvre qui témoigne d'un esprit nourri de fortes études historiques, et tout plein de cette piété intelligente du passé qui est l'âme même de l'historien. Il est d'ailleurs, si je puis le dire, comme un signe des temps qui mérite bien d'être mis en lumière. L'ouvrage porte en épigraphe ces mots des Livres saints:

Lilia neque laborant neque nent, les lis ne travaillent pas et ne tissent pas. » Ces lis qui ne travaillent pas et qui ne tissent pas, ce sont évidemment les hauts et puissants barons du XIV. et du XV. siècles, qui affectaient si fort de dédaigner toute occupation qui n'était pas le maniement des armes. Nous ne voulons pas examiner si cet orgueil de caste était ce qui convenait le mieux pour conserver à l'aristocratie sa légitime influence et accroître sa part d'autorité dans les affaires du pays; nous remarquons seulement, l'ouvrage de M. de Belleval en main, que la devise des ancêtres ne serait plus celle des descendants. Cette plume que le dédain des barons laissait aux clercs et aux scribes, on voit qu'ils aiment à s'en servir eux aussi, persuadés qu'on peut aussi bien mériter de son pays par l'intelligence que par le courage, en retraçant ses annales qu'en le servant sur les champs de bataille.

H. DANSIN.

NOTES,

IV.

COMMUNICATIONS.

Une excursion archéologique à Rots,

Il existe, dans les Acta Sanctorum des Bollandistes (1), un livre Sur les miracles de saint Ouen, archevêque de Rouen. Il fut écrit, dans la première moitié du XIa. siècle, par Fulbert, moine de l'abbaye de St.-Ouen de Rouen, et dédié par lui à Nicolas, abbé de ce monastère et fils de Richard III, duc de Normandie. Or, voici ce qu'on lit dans cet auteur: « Il y a, dans le diocèse de «Bayeux, à quatre milles de Caen, un lieu que, pour « de bonnes raisons, les anciens habitants ont voulu « appeler Ros (2). » Quels étaient ces habitants, anciens par rapport à l'écrivain du XI. siècle ? Quelles étaient ces raisons qui leur firent donner à Rots ce nom plutôt que tout autre nom?

S'il était permis d'en croire l'étymologie, il y aurait, selon nous, des motifs de faire remonter jusqu'à l'époque des Celtes l'origine de ce village. Bullet, dans ses Mémoires sur la langue celtique, veut en effet que Rots signifie un village dans un marais, et il le fait dériver de Rhos, qui veut dire en celte terrain aquatique, marais. Dans son Dictionnaire celtique, il attribue aussi aux mots Rhos, Ros, Ross le sens de lieu plein de bruyères,

(1) Au 24 août.

(2) (Miracul. s. Dadonis, episc., cap. v, no. 58): a Est locus infra (intra) Bajocensem diœcesim quatuor a Cadomo millibus distans, quem certis de causis veteres coloni Ros appellari volucrunt. »

tertre couvert de fougères, ou encore de tertre, hauteur, terrain en pente douce.

Le village de Rots s'étend, en effet, des deux côtés d'un vallon très-marécageux, et de toute antiquité on voit figurer, dans les papiers de la Commune, une delle du Maresq, sise sur les bords de la Mue, et dont la moitié appartient à Lasson ou à Rosel.

On remarque aussi que la plaine élevée qui sépare de Caen le village de Rots s'abaisse doucement au midi, vers Carpiquet et Norrey, et à l'ouest en arrivant sur le ruisseau de la Mue.

Enfin, dans un quartier qui avoisine le village à l'orient de la Mue, le sol n'a que fort peu d'épaisseur et présente les apparences d'une terre de bruyère; il formait autrefois un bien communal, qui̟ a fini par être partagé; mais les anciens se souviennent que naguère il n'y avait là qué des terres vagues, où les bergers faisaient paître leurs troupeaux.

Le moine de St.-Ouen pouvait donc avoir quelqué peu raison de dire que le nom de cette localité était fort ancien, et ne lui avait pas été donné au hasard.

Il nous paraît incontestable que l'existence de Rots date au moins du VII. siècle. Il y avait là, dès cette époque, une église et une paroisse, dont la collation appartenait déjà à un monastère de Rouen, qui, quatre cents ans plus tard, s'appelait l'abbaye de St.-Ouen. Mabillon a enregistré, dans ses Annales Bénédictines, une charte d'Odon de Conteville, évêque de Bayeux, et frère de Guillaume-le-Conquérant, laquelle semble constater formellement ces faits. Scriptis et privilegiis S. Audoeni perfractus, quibus recitatis, etc. (1).

(1) Voyez Annales Bénédictines, lib. LXVIII, no. dice, p. 650 du t. V.

xxxv, et l'Appen

Les Bénédictins ont pareillement consigné ainsi les mêmes faits dans le Gallia christiana (1).

Or, on sait que saint Ouen, archevêque de Rouen, dont l'autorité est ici mentionnée, était, au VII. siècle, en grand crédit auprès des rois Clotaire II, Dagobert ler. et Clovis II. Il fut sacré archevêque en 646 et mourut en 689.

Suivant les habitants de Rots, cette église primitive était sous l'invocation de saint Germain. Elle était bâtie, non pas au lieu où s'élève l'église actuelle, mais à un kilomètre au sud de celle-ci, « à l'entrée du groupe de maisons qui bordent la route de Caen à Bayeux. » Ils ajoutent, à l'appui de cette tradition, que « c'est pour cette raison que ce quartier s'appelle encore le bourg de Rots; qu'on a découvert près de là, sur un vaste terrain occupé par deux maisons d'habitation et leurs dépendances, une grande quantité d'ossements et mème un cercueil en granit ; que, jusqu'à la Révolution, on avait religieusement conservé une grande pierre provenant des ruines de cette église et désignée sous le nom de pierre de St.-Germain (2). » Enfin, les papiers terriers marquent dans le voisinage une delle portant aussi le nom de St.-Germain.

On dit encore que cette église mérovingienne n'a disparu que depuis environ six cents ans, c'est-à-dire dans le cours du XIII. siècle. Elle aurait donc échappé, dans le IX., aux fureurs des Normands, ou elle aurait été rétablie après leur conversion au christianisme, et maintenue sous la juridiction quasi-épiscopale de l'abbé de St.-Ouen de Rouen.

(1) Voyez t. XI, col. 358 Á.
(2) Mss. de M. l'abbé De Gron.

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