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mourrez cette nuit. Mais comment? explique-t-on la mort? On vous redemandera votre ame (1) : elle n'est pas à vous, vous n'avez la vie que par emprunt. On vous la redemandera: on vous en demandera compte. Et quand? Cette nuit. On vous trouvera demain mort dans votre lit : sans que tout ce grand bien que vous vantiez, vous ait pu procurer le moindre secours, ni prolonger votre vie d'un moment.

Que ferai-je, dit cet homme riche (2), dans une si grande abondance de toutes sortes de biens? Voilà le premier effet des grandes richesses : l'inquiétude. Que ferai-je ? Où les mettrai-je ? Comment les garder? Mes greniers n'y suffisent pas : j'en ferai d'autres, et je dirai à mon ame: Réjouis-toi : fais grand'chère (3): ne refuse rien à tes sens: Bois, mange, repose-toi dans ton abondance. Et pendant que tu t'imagines pouvoir te reposer dans tes richesses, on t'ôte, non pas ces richesses, mais cette ame même que tu invitois à la jouissance. Et à qui sera ce grand bien que tu avois acquis (4)? Qui est-ce qui en jouira pour toi quand tu n'y seras plus pour en jouir ?

Ainsi est celui qui amasse des trésors sur la terre, et qui n'est pas riche en Dieu (5); qui ne met pas en lui toutes ses richesses. Telle est son aventure: tel est son état telle est la fin de sa vie : c'est à cela qu'aboutissent toutes ses richesses.

Après toutes ces réflexions, revenez encore aux paroles du Fils de Dieu relisez-les, savourez-les encore une fois : vous les trouverez sans comparai

(1) Luc. X11. 20. — (2) Ibid. 17. — (3) Ibid. 18. (5) Ibid. 21.

· (4) Ibid. 20.

son plus fortes par elles-mêmes, que tout ce que nous avons pu dire ou penser, pour vous en faire sentir la vertu.

XXXIV. JOUR.

Considérer ce que Dieu fait pour le commun des plantes et des animaux : se regarder comme son troupeau favori. Luc. x11. 22, 24, 29, et suiv.

C'EST pour cela que je vous dis: Ne soyez point en inquiétude: considérez les corbeaux (1).

Dans saint Matthieu il est dit en général les oiseaux du ciel (2). Dans saint Luc on lit les corbeaux, animal des plus voraces; et néanmoins sans greniers, ni provision: qui sans semer, et sans labourer, trouve de quoi se nourrir. Dieu lui fournit ce qu'il lui faut, à lui, et à ses petits qui l'invoquent, dit le Psalmiste (3). Dieu écoute leurs cris, quoique rudes et désagréables: et il les nourrit aussi bien que les rossignols, et les autres, dont la voix est la plus mélodieuse et la plus douce.

Jésus-Christ nous apprend, dans ce sermon admirable, à considérer la nature, les fleurs, les oiseaux, les animaux, notre corps, notre ame notre accroissement insensible; afin d'en prendre occasion de nous élever à Dieu. Il nous fait voir toute la nature d'une manière plus relevée, d'un œil' plus perçant, comme l'image de Dieu. Le ciel est son trône la terre est l'escabeau de ses pieds: la

:

(1) Luc. X11. 22, 24. — (2) Matth. vi. 26. (3) Ps. CXLVI. 9.

capitale du royaume est le siége de son empire: son soleil se lève, la pluie se répand pour vous assurer de sa bonté. Tout vous en parle : il ne s'est pas

sans témoignage.

laissé

Nous avons déjà remarqué, que pour signifier l'inquiétude, Jésus-Christ se sert de ce mot dans saint Luc Ne demeurez pas comme suspendus en l'air (1), comme quand on ne sait ni comment, ni sur quoi on est soutenu, et qu'on se croit toujours prêt à tomber. Ne soyez point dans cette terrible inquiétude, mais croyez que Dieu vous soutient.

Mais de toutes les paroles qui sont particulières à saint Luc dans ce discours du Fils de Dieu; les plus capables de nous inspirer du courage parmi nos misères et nos foiblesses, sont celles-ci : Ne craignez point, petit troupeau, parce qu'il a plu à votre Père céleste de vous donner son royaume (2). Dans tout ce qui précède, on nous apprend à ne pas craindre de manquer de nourriture: car Dieu y pourvoit ; et sa conduite ordinaire est de ne pas laisser manquer du nécessaire ceux qui se fient en lui. Mais ici, il nous élève plus haut. Car après tout, quand vous viendriez à manquer de pain, qu'en seroit-il? Vous auriez encore un royaume. Et quel royaume ? Celui de Dieu. Ne craignez pas, petit troupeau, car Dieu vous donne son royaume. Ce royaume n'est pas' pour les grands du monde : c'est pour les petits, c'est pour les humbles, c'est pour ce petit troupeau que le monde compte pour rien, mais que le Père regarde qui en effet semble n'être rien en comparaison de la multitude immense, et de l'éclat des

(1) Luc. XII. 29.

(2) Luc. au. 32.

impies.

impies. Mais c'est pour ce petit troupeau que Dieu conserve le reste des hommes.

Que craignez-vous donc ? De mourir de faim? Combien de martyrs en sont morts dans les prisons? cette mort les a-t-elle empêché de recevoir la couronne du martyre? Au contraire, c'est par elle qu'elle a été mise sur leur tête. Ne craignez donc rien, petit troupeau. Vendez tout: donnez tout aux pauvres ; et faites-vous un trésor, qu'on ne puisse ni voler, ni diminuer (1) : c'est celui des bonnes

œuvres.

XXXV. JOUR.

Le même sujet. Se garder de toute avarice.
Luc. XII. 15, 21.

On ne sauroit trop méditer cet admirable discours de notre Seigneur; Donnez-vous garde de toute avarice (2). Il y a plusieurs sortes d'avarice. Il y en a une triste et sordide, qui amasse sans fin, et sans jouir qui n'ose toucher à ses richesses, et qui semble, comme dit le Sage, ne s'être réservé sur elles aucun droit, que celui de les regarder, et de dire : Je les ai (3). Mais il y a une autre avarice plus gaie et plus libérale, qui veut amasser sans fin comme l'autre ; mais pour jouir, pour se satisfaire ; et telle étoit l'avarice de l'homme qui nous est dépeint dans cet évangile.

Un tel avare a beaucoup de dédain pour cette

(1) Luc. XII. 33.. (2) Ibid. 15. — (3) Eccle. v. 9, 10:

BOSSUET. IX.

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sorte d'avarice, où l'on se plaint tout à soi-même au milieu de l'abondance. Il s'imagine être bien plus sage, parce qu'il jouit mais cependant Dieu l'appelle Insensé (1),

L'un est fol par trop d'épargne, et parce qu'il s'imagine pouvoir être heureux par un bien dont il ne fait aucun usage: mais l'autre est fol pour trop jouir, et parce qu'il s'imagine un repos solide dans un bien qu'il va perdre la nuit suivante. Donnezvous donc de garde de toute avarice; et autant de celle qui jouit, que de celle qui se refuse tout. Soyez riche en Dieu : faites de Dieu, et de sa bonté tout votre trésor. C'est ce trésor-là, dont on ne peut trop jouir c'est ce trésor-là où il n'y a jamais rien à épargner, parce que plus on l'emploie plus il s'augmente.

XXXVI. JOUR.

Ne point juger. Matth. vII. 1, 2, et suiv.

NË jugez pas (2). Il y a un Juge au-dessus de vous un Juge qui jugera vos jugemens, qui vous en demandera compte : qui, par un juste jugement, vous punira d'avoir jugé, sans pouvoir et sans connoissance, qui sont les plus grands défauts d'un jugement.

. Sans pouvoir. Qui êtes-vous pour juger le serviteur d'autrui? S'il tombe, ou s'il demeure ferme, cela regarde son maître (3) : c'est à lui de le juger.

(1) Luc. XII. 20. — (2) Matth. vII. 1. — (3) Rom. XIV. 4.

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