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notre nourriture, comme celle de notre Sauveur, est de l'accomplir (1). Nourrissez-nous donc de ce pain qui n'est pas moins nécessaire à l'ame que l'autre l'est au corps; que nous n'avons pas moins besoin de recevoir journellement de votre main. Donnez-le-nous aujourd'hui; donnez-le-nous dans ce jour qui ne finit point. Que je commence aujourd'hui ce jour bienheureux! que je commence à vivre pour l'éternité!

Il falloit joindre à ces exercices de l'amour, celui de l'amour pénitent. Et le voici : Pardonnez-nous. Que je puisse, comme la pécheresse, entendre de la bouche du Sauveur cette douce et consolante parole Plusieurs péchés lui sont remis, parce qu'elle a beaucoup aimé : celui à qui on remet plus, aime plus: celui à qui on remet moins, aime moins (2). C'est la vérité éternelle qui l'a ainsi prononcé. Pardonnez-moi donc; et faites que je vous aime autant que j'ai besoin de votre pardon.

Songeons aux larmes de cette sainte pénitente; songeons à ces baisers qu'elle ne cessoit de donner aux pieds de Jésus. Le Publicain n'osoit lever les yeux au ciel : celle-ci n'ose pas même tenir la tête levée. Prosternée de tout son corps aux pieds du Sauveur, elle ne met point de fin à ses regrets, parce qu'elle n'en mettoit point à son amour. Disons dans le même esprit et avec les mêmes sanglots : Pardonnez-nous.

Comme nous pardonnons. Afin que rien ne manque, voici encore la charité fraternelle. Rien n'em

(1) Joan. iv. 34.- (2) Luc. vII. 43, 47.

BOSSUET. IX.

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pêche notre union avec nos frères, si les offenses mêmes ne l'empêchent pas. Nous les pardonnons, ô Seigneur! comme nous voulons obtenir notre pardon, avec la même sincérité. Nous ne réservons rien, comme nous ne voulons pas que vous réserviez rien à notre égard. Nous lui rendrons notre amour, comme nous voulons que vous nous rendiez le vôtre.

Et ne nous induisez pas en tentation. On nous a donné le remède aux péchés passés, en voici un pour l'avenir. O Seigneur ! ne nous livrez pas entre les mains du tentateur. O Seigneur! vous pourriez avec justice lui permettre tout sur nous, par une juste punition de nos péchés ne le faites pas, nous vous en prions, à cause de votre bonté.

Il ne suffit pas de dire que nous ne succombions pas à la tentation. Prions que nous n'y soyons jamais induits. Car notre foiblesse est si grande, que si nous étions tentés, nous succomberions; ou du moins si nous n'étions pas tout-à-fait vaincus, nous recevrions quelque blessure. C'est pourquoi le même Sauveur qui a dit : Veillez et priez, de peur que vous n'entriez en tentation (1), nous fait demander ici, non pas seulement que nous n'y succombions point; mais que nous n'y soyons point induits, que nous n'y entrions point.

Que nous sommes aveugles! hélas! si pendant que nous demandons à Dieu qu'il ne nous induise pas en tentation, nous nous y jetons nous-mêmes : si nous nous jetons dans ces occasions, où notre chute a toujours été trop certaine ! Fuyons, fuyons; et nous pourrons faire sincèrement cette demande. (1) Matth. xxvi. 41.

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Délivrez-nous du mal: C'est notre parfaite délivrance que nous demandons. Délivrez-nous du péché, de ses causes, de ses effets, de ses peines. Ainsi, libres de tout mal, nous serons des enfans parfaits, et nous pourrons dire véritablement et parfaitement Notre Père. En attendant cette parfaite délivrance, qui n'est autre chose que le salut éternel, délivrez-nous du péché; qu'il ne règne point en nous. Délivrez-nous des mauvais désirs; que nous cessions de les combattre et de les vaincre. Délivrez-nous des peines du péché, de la mort, des maladies, des autres peines. Délivrez-nous de la crainte et de la servitude où elles nous jettent. Délivrez-nous de leur malignité; et faites qu'elles nous tournent à remède. Délivrez-nous des maux de cette vie, ou donnez- nous la grâce qu'ils nous servent à l'autre, où nous serons parfaitement libres. Hâtez-vous de nous délivrer: nous soupirons après cette bienheureuse délivrance. L'amour divin est notre liberté : c'est lui qui nous délivre de l'amour du monde. Régnez donc, ô amour divin! je vous livre mon cœur : Délivrez-nous de tout mal.

Ainsi dans toutes ces demandes, on ne demande et on n'exerce que l'amour divin. Mais remarquons bien qu'on ne l'exerce que comme une chose qu'on demande à Dieu. Car, que lui demandons-nous, lorsque nous disons: Que votre nom soil sanctifié; que votre règne arrive; que votre volonté soit faite ; délivrez-nous du mal: que lui demandons-nous sinon dans un amour chaste, le saint et parfait usage de notre volonté ? Et cela même doit encore

redoubler notre amour, puisque notre amour étant un don de Dieu, il nous oblige toujours à une nouvelle reconnoissance; ce qui enfin le doit multiplier jusqu'à l'infini.

Certainement c'est un don de Dieu, que d'aimer Dieu: Celui qui nous a aimés, lorsque nous ne songions pas à l'aimer, nous a donné la grâce de l'aimer, dit saint Augustin. Aimons-le donc de tout notre cœur, sans fin et sans cesse.

On se tourmente à demander, quand est-ce qu'il faut exercer l'acte d'amour : la réponse est claire. Il faut l'exercer autant qu'on peut autrement on n'aime pas de tout son cœur. Quand l'amour est sincère, et dans le cœur, il s'exerce assez par luimême, et il ne lui faut point d'autre loi que luimême pour son exercice. Il faut l'exercer toutes les fois qu'on dit le Pater; puisque si on l'entend, et qu'on le dise en esprit, on ne le peut dire sans aimer.

Rien ne manque dans cette divine oraison : l'amour de Dieu et celui du prochain, où réside l'accomplissement de la loi, y sont accomplis dans leur perfection.

On demandera, pourquoi Jésus-Christ ne nous y fait pas parler de lui-même, ni prier en son nom, comme il l'ordonne si souvent ailleurs. Mais pouvoit-on plus prier par lui, et en son nom, que de dire la prière qu'il nous dicte par sa parole, et qu'il nous inspire par son esprit?

Pouvons-nous seulement nommer notre Père, sans songer au Fils unique, à qui nous sommes unis par cette nouvelle qualité?

Je m'en vais, dit-il, à mon Père, et à votre

pas

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Père (1). Il n'est quoi il use de cette distinction: à mon Père, et à votre Père. C'est le premier qui a droit de dire, Mon Père, parce qu'il est le fils par nature: c'est en lui et par lui que nous l'avons, parce que nous sommes faits en lui enfans d'adoption. C'étoit donc aussi à lui à nous apprendre, comme il fait dans cette admirable oraison, à appeler Dieu notre Père. C'est en envoyant en nous l'esprit de son Fils, que Dieu même nous fait dire: Abba: Père (2). C'est donc en toutes façons, et au dedans et au dehors, qu'il nous forme à parler à Dieu comme ses enfans. Aimons le Père en Jésus-Christ son Fils unique, par leur esprit qui est en nous. Aimons aussi tous ceux qui sont appelés à la même grâce, et qui peuvent dire comme nous dans le même esprit : Notre Père. Ainsi toute la Trinité sera adorée et aimée; la fraternité chrétienne sera exercée : et en disant de bon cœur dans le Saint-Esprit ce seul mot, Notre Père, nous accomplirons toute justice.

fils comme nous, c'est pour

LII. JOUR.

Jésus-Christ, Médiateur: Dieu : Roi: Pontife.
Matth. xxII. 41, 44.

QUOIQUE ce qui étoit dû à Jésus-Christ fût compris dans le précepte de l'amour de Dieu, puisqu'il est un même Dieu avec son Père et le Saint-Esprit : néanmoins il nous falloit encore expliquer ce qui étoit dû à Jésus-Christ, en tant que Christ, média(1) Joan. xx, 17. — (2) Rọm. vii. 15. Gal. IV. 6.

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