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« puissance ennemie qu'on peut encore le recon<< naître.

<< Adieu donc, mon pays, adieu donc, la contrée « où je reçus le jour. Souvenirs de l'enfance, adieu. « Qu'avez-vous à faire avec la mort? Vous qui dans << mes écrits avez trouvé des sentiments qui répon« daient à votre âme; 6 mes amis, dans quelque « lieu que vous soyez, adieu. Ce n'est point pour « une indigne cause que Corinne a tant souffert; « elle n'a pas du moins perdu ses droits à la pitié. << Belle Italie! c'est en vain que vous me pro« mettez tous vos charmes, que pourriez-vous pour « un cœur délaissé? Ranimeriez-vous mes souhaits << pour accroître mes peines? Me rappelleriez-vous « le bonheur pour me révolter contre mon sort?

<< C'est avec douceur que je m'y soumets. O vous « qui me survivrez! quand le printemps reviendra, « souvenez-vous combien j'aimais sa beauté; que « de fois j'ai vanté son air et ses parfums? Rappe<< lez-vous quelquefois mes vers, mon âme y est « empreinte; mais des muses fatales, l'amour et « le malheur, ont inspiré mes derniers chants.

« Quand les desseins de la Providence sont ac« complis sur nous, une musique intérieure nous << prépare à l'arrivée de l'ange de la mort. Il n'a << rien d'effrayant, rien de terrible; il porte des « ailes blanches, bien qu'il marche entouré de la « nuit; mais avant sa venue, mille présages l'an

« noncent.

« Si le vent murmure, on croit entendre sa voix. « Quand le jour tombe, il y a de grandes ombres « dans la campagne, qui semblent les replis de sa « robe traînante. A midi, quand les possesseurs « de la vie ne voient qu'un ciel serein, ne sentent << qu'un beau soleil, celui que l'ange de la mort « réclame aperçoit dans le lointain un nuage qui « va bientôt couvrir la nature entière à ses yeux. << Espérance, jeunesse, émotions du cœur, c'en « est donc fait. Loin de moi des regrets trompeurs! « si j'obtiens encore quelques larmes, si je me crois < encore aimée, c'est parce que je vais disparaî« tre; mais si je ressaisissais la vie, elle retourne«rait bientôt contre moi tous ses poignards.

<< Et vous, Rome, où mes cendres seront trans« portées, pardonnez, vous qui avez tant vu mou« rir, si je rejoins d'un pas tremblant vos ombres << illustres; pardonnez-moi de me plaindre. Des « sentiments, des pensées, peut-être nobles, peut« être fécondes, s'éteignent avec moi, et, de tou« tes les facultés de l'âme que je tiens de la nature, « celle de souffrir est la seule que j'aie exercée

• tout entière.

• N'importe, obéissons. Le grand mystère de

<< la mort, quel qu'il soit, doit donner du calme. « Vous m'en répondez, tombeaux silencieux! vous « m'en répondez, divinité bienfaisante! J'avais << choisi sur la terre, et mon cœur n'a plus d'asile. << Vous décidez pour moi; mon sort en vaudra « mieux. »

Ainsi finit le dernier chant de Corinne; la salle retentit d'un triste et profond murmure d'applaudissements. Lord Nelvil, ne pouvant soutenir la violence de son émotion, perdit entièrement connaissance. Corinne, en le voyant dans cet état, voulut aller vers lui; mais ses forces lui manquèrent au moment où elle essayait de se lever: on la rapporta chez elle; et depuis ce moment il n'y eut plus d'espoir de la sauver.

Elle fit demander un prêtre respectable en qui elle avait une grande confiance, et s'entretint longtemps avec lui. Lucile se rendit auprès d'elle; la douleur d'Oswald l'avait tellement émue, qu'elle se jeta elle-même aux pieds de sa sœur, pour la conjurer de le recevoir. Corinne s'y refusa sans qu'aucun ressentiment en fût la cause. « Je lui pardonne, dit-elle, d'avoir déchiré mon cœur; les hommes ne savent pas le mal qu'ils font, et la société leur persuade que c'est un jeu de remplir une âme de bonheur, et d'y faire ensuite succéder le désespoir. Mais, au moment de mourir, Dieu m'a fait la grâce de retrouver du calme, et je sens que la vue d'Oswald remplirait mon âme de sentiments qui ne s'accordent point avec les angoisses de la mort. La religion seule a des secrets pour ce terrible passage. Je pardonne à celui que j'ai tant aimé, continua-t-elle d'une voix affaiblie; qu'il vive heureux avec vous! Mais quand le temps viendra qu'à son tour il sera près de quitter la vie, qu'il se souvienne alors de la pauvre Corinne. Elle veillera sur lui, si Dieu le permet; car on ne cesse point d'aimer, quand ce sentiment est assez fort pour coûter la vie. >>>

Oswald était sur le seuil de la porte, quelquefois voulant entrer malgré la défense positive de Corinne, quelquefois anéanti par la douleur. Lucile allait de l'un à l'autre : ange de paix entre le désespoir et l'agonie.

Un soir, on crut que Corinne était mieux, et Lucile obtint d'Oswald qu'ils iraient ensemble passer quelques instants auprès de leur fille; ils ne l'avaient pas vue depuis trois jours. Corinne pendant ce temps se trouva plus mal, et remplit tous les devoirs de sa religion. On assure qu'elle dit au vieillard vénérable qui reçut ses aveux solennels: «Mon père, vous connaissez maintenant ma triste destinée, jugez-moi. Je ne me suis jamais vengée

du mal qu'on m'a fait; jamais une douleur vraie ne m'a trouvée insensible; mes fautes ont été celles des passions, qui n'auraient pas été condamnables en elles-mêmes, si l'orgueil et la faiblesse humaine n'y avaient pas mêlé l'erreur et l'excès. Croyezvous, ô mon père! vous que la vie a plus longtemps éprouvé que moi, croyez-vous que Dieu me pardonnera? - Oui, ma fille, lui dit le vieillard, je l'espère; votre cœur est-il maintenant tout à lui? Je le crois, mon père, répondit-elle; écartez loin de moi ce portrait (c'était-celui d'Oswald), et mettez sur mon cœur l'image de celui qui descendit sur la terre, non pour la puissance, non pour le génie, mais pour la souffrance et la mort; elles en avaient grand besoin. » Corinne aperçut alors le prince Castel-Forte qui pleurait auprès de son lit. « Mon ami, lui dit-elle, en lui tendant la main, il n'y a que vous près de moi dans ce moment. J'ai vécu pour aimer, et sans vous je mourrais seule. » Et ses larmes coulèrent à ce mot; puis elle dit encore : « Au reste, ce moment se passe de secours; nos amis ne peuvent nous suivre que jusqu'au seuil de la vie. Là commencent des pensées dont le trouble et la profondeur ne sauraient se confier. >>

Elle se fit transporter sur un fauteuil, près de la fenêtre, pour voir encore le ciel. Lucile revint alors, et le malheureux Oswald, ne pouvant plus se contenir, la suivit, et tomba sur ses genoux en approchant de Corinne. Elle voulut lui parler, et n'en eut pas la force. Elle leva ses regards vers le ciel, et vit la lune qui se couvrait du même nuage qu'elle avait fait remarquer à lord Nelvil quand ils s'arrêtèrent sur le bord de la mer en allant à Naples. Alors elle le lui montra de sa main mourante, et son dernier soupir fit retomber cette main.

Que devint Oswald! Il fut dans un tel égarement, qu'on craignit d'abord pour sa raison et sa vie. Il suivit à Rome la pompe funèbre de Corinne. Il s'enferma longtemps à Tivoli, sans vouloir que sa femme ni sa fille l'y accompagnassent. Enfin l'attachement et le devoir le ramenèrent auprès d'elles. Ils retournèrent ensemble en Angleterre. Lord Nelvil donna l'exemple de la vie domestique la plus régulière et la plus pure. Mais se pardonna-t-il sa conduite passée? le monde qui l'approuva le consola-t-il? se contenta-t-il d'un sort commun, après ce qu'il avait perdu? Je l'ignore; je ne veux, à cet égard, ni le blâmer, ni l'absoudre.

FIN DU TOME PREMIER.

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