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qui voudront étudier l'histoire de l'Espagne au dix-huitième siècle recourront désormais à ce livre : ils y trouveront réunies toutes les notions que, jusqu'à ce jour, on était obligé de chercher péniblement dans une foule d'écrits.

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MÉMOIRES INÉDITS DE LOUIS-HENRI DE LOMÉNIE CONTE DE BRIENNE, secrétaire d'Etat sous Louis XIV, publiés sur les manuscrits autographes, etc.; par F. BARRIÈRE (1).

Le goût général du public de notre époque pour les mémoires historiques n'est qu'un symptôme de plus de ce goût plus général encore pour le naturel et le vrai, qui se manifeste dans toutes les branches des arts, aussi bien que dans les habitudes de la vie publique et de la vie privée. C'est la même tendance qui fait le succès des romans historiques et des drames romantiques, pour me servir d'une expression brève et concise, quoique d'ailleurs peu exacte. Cette disposition des esprits est née elle-même de l'éducation donnée à la génération présente par la presse libre et par la tribune publique, qui nous accoutument l'une et l'autre à juger tout conformément à la justice et à la raison, et à ne nous laisser pas emporter par l'imagination ou entraîner par l'habitude. Sans doute, chaque mémoire historique, pris isolément, renferme plus d'une inexactitude, et surtout omet une foule de vérités; mais chacun aussi renferme les dépositions d'un témoin, ou du moins la plaidoirie d'une partie intéressée : en sorte qu'après avoir lu tous les mémoires d'une époque, on peut se flatter de la connaître presque aussi bien que l'histoire du tems où nous vivons. Ainsi, nous agrandissons notre expérience au moyen

(1) Paris et Leipzig, 1828; Ponthieu et compagnie. a vol. in-8°; prix, 15 fr.

d'une étude d'ailleurs pleine de charmes pour les bons esprits, et nous augmentons d'autant notre valeur intellectuelle.

Beaucoup de mémoires contemporains s'écrivent à l'heure qu'il est, et reposent déjà dans les cartons de leurs auteurs, en attendant le moment favorable de les montrer au jour. Gardonsnous de nous récrier sur leur multiplicité. D'abord, devant la presse libre, l'homme public doit naturellement recourir à cette sorte de défense personnelle; puis, le champ sur lequel la société opère ses évolutions est tellement vaste et compliqué, qu'il n'est pas une seule publication de mémoires faite après mille autres, qui n'enseigne quelque chose de nouveau. Par exemple, les mémoires n'ont pas manqué sur le règne de Louis XIII et la minorité de Louis XIV, époque où le gouvernement était concentré dans la cour, et la politique dans les intrigues. Il n'est pas de valet de chambre, pas de dame de compagnie de ce tems - là, qui n'ait cédé à l'envie de conter prolixement ce qu'ils ont vu de près ou de loin, ce qu'ils ont fait on cru faire. Eh bien! toutes ces histoires bavardes, spirituelles et méchantes, ont été bien accueillies du public; on n'a pas fini encore d'en épuiser la source; les Mémoires de Brienne sont les derniers venus de cette mine féconde; mais ils ne sont pas les moins curieux.

Le nom de MM. de Brienne est Loménie. Ils ne sont point de l'antique maison de Brienne qui donna des rois à Jérusalem. Le premier Loménie dont parle l'histoire était greffier du conseil sous Charles IX, et de plus seigneur du lieu de Versailles. Henri IV éleva son fils et le fit secrétaire d'État en 1606. Le comté de Brienne entra dans cette famille par une alliance. Sous Louis XIII et Louis XIV, ces nouveaux comtes de Brienne se succédèrent de père en fils dans le même emploi de secrétaire d'État. Henri Auguste de Loménie, fils de celui qu'Henri IV avait appelé dans ses conseils, fut ministre de Louis XIII et de Louis XIV; il publia lui aussi des mémoires adressés à ses enfans, imprimés pour la première fois en 1719, et qu'on joindrait avec plaisir à ceux de son fils Louis-Henri, publiés aujourd'hui par M. Barrière, le même qui a été l'éditeur de la

grande collection des Mémoires sur la Révolution française. Après un siècle d'éclipse, cette famille de Brienne, qu'on croyait éteinte, reparut au ministère avec plus d'éclat que de succès, à l'époque où deux descendans de l'auteur des Mémoires qui nous occupent, le comte de Brienne et l'archevêque de Toulouse, furent à la fois l'un ministre de la guerre et l'autre premier ministre sous Louis XVI.

Le manuscrit des présens Mémoires faisait partie des papiers très nombreux de la famille de Loménie. Ils avaient été remarqués par l'Archevêque de Toulouse, qui écrivit une note à leur sujet et qui eut même l'intention de les publier. Leur existence n'était pas ignorée du public. Plusieurs biographes en avaient. parlé;Soulavie en cite des extraits dans cinq ou six pages, à la suite des Mémoires de Saint - Simon, et les attribue à M. de Luynes. Notre éditeur en a connu deux manuscrits: l'un relié en maroquin rouge, et d'une belle écriture du tems. M. Barrière en doit la propriété à M. Robert, conservateur de la bibliothèque de Sainte-Geneviève; M. Robert le tenait de son père, qui avait été lui-même attaché, comme bibliothécaire, à MM. de Brienne, descendans de l'auteur de ces Mémoires et ministres de Louis XVI. Le second manuscrit, tout entier de la main de l'auteur et signé de lui, appartenait à M. le vicomte Morel de Vindé, pair de France. M. Barrière en fit l'acquisition à la vente d'une portion de la bibliothèque de M. de Vindé. Ce dernier manuscrit offre des différences avec le premier quant à l'ordre des tems et des faits, qu'il rétablit en leur lieu. C'est sur celui-là qu'est publiée l'édition qui fait le sujet de cet article.

Le comte de Brienne avait été élevé dès l'enfance avec Louis XIV, qu'il ne devançait dans la vie que d'un bien petit nombre d'années. Survivancier avec exercice de la charge de secrétaire d'État possédée par son père, il eut la confiance du cardinal Mazarin, et après le cardinal celle du roi. Il est bon de remarquer toutefois, qu'à le juger même d'après ses récits, sa position dans les conseils fut toujours secondaire; toujours il y fut beaucoup plus occupé de se conserver dans son poste, que d'acquérir de l'influence et de gouverner les affaires. C'était

pourtant un homme d'esprit; il avait fait des études littéraires très-approfondies, comme l'attestent les écrits de diverse nature qu'il a laissés; il avait visité la plupart des cours de l'Europe, il connaissait bien le personnel des hommes d'État de son tems, et recueillait chaque jour de la bouche de son père, homme d'un caractère intègre et d'un sens droit, les traditions, les renseignemens et les observations utiles à sa position. Enfin il écrivait le francais avec une élégance et une propriété d'expression si remarquables, que, dans sa prose, on ne trouve point de ces expressions et de ces tournures vieillies, dont le commun des écrivains n'était pas encore parvenu à se purger. Mème on a voulu faire de cette observation unc objection contre l'authenticité des Mémoires de Brienne, ou du moins on posé que l'éditeur en aurait retouché le style. L'imputation serait grave et aurait besoin d'être prouvée. Peut-être on n'a point assez remarqué que sous Louis XIV, la cour et les écrivains qui la fréquentaient apurèrent les premiers notre langue, et conservèrent long-tems, sous ce rapport, une distiuction marquée relativement au langage de la ville et au style des auteurs qui ne fréquentaient qu'elle.

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La première portion des Mémoires de Brienne, qui roule sur le règne de Louis XIII et le gouvernement de Richelieu, est écrite d'après les souvenirs et les témoignages du père de l'auteur. Mazarin et les premières années de Louis XIV sont de sa propre époque, et du tems précis où il fut le plus avant dans les affaires. Aussi les négociations de Fontarabie, qui amenèrent le mariage du jeune roi avec l'infante d'Espagne, les derniers jours de Mazarin, l'arrestation du surintendant général Fouquet sont-ils racontés avec un charme de détail et une précision de souvenir qu'il eût été difficile pour un autre d'égaler. Mais dans tous ces récits, point de suite, point de fil conducteur: Brienne était un peu plus près que le public du secret des événemens; mais il ne pénétrait probablement dans leur intérieur qu'accidentellement et par intervalle. Ce sont toujours des anecdotes cousues à la suite l'une de l'autre, tantôt piquantes, tantôt même licencieuses, toujours bien con

tées; mais le récit d'un événement n'est jamais complet et suivi. N'en faisons point le sujet d'un reproche pour l'auteur de ces Mémoires ceci prouve qu'il a mis de la conscience à n'écrire scrupuleusement que les choses dont il avait une connaissance certaine et personnelle; et même, à dire vrai, les jouissances de pure curiosité gagnent quelque chose à la méthode qu'il suit. On ne saisit pas bien les motifs qui amenèrent la disgrace de notre secrétaire d'État. Ses Mémoires ne s'expliquent à ce sujet qu'avec un vague plein de mélancolie. Les biographes de Brienne ont varié sur ce point, et l'éditeur des Mémoires luimême ne fait pas cesser toutes les incertitudes. Les notes manuscrites de l'Archevêque de Toulouse renferment cette phrase remarquable : « La passion du jeu l'aveugla et le précipita dans des désordres que les exemples du tems ne peuvent excuser, et qui forcèrent Louis XIV à lui retirer sa confiance. » Depuis sa disgrace, Brienne gâta tout-à-fait sa position, et l'on peut croire que la triste terminaison de sa vie eut quelque part à l'obscurité qui vint, pour un siècle, envahir sa famille. Il entra d'abord dans la congrégation de l'Oratoire, et s'engagea dans les ordres sacrés, seulement jusqu'au diaconat. Il rentra depuis dans le monde, « on parla de nouveau, de vin, de jeux, de femmes. » Il s'enfuit en Allemagne, revint en France, et fut enfermé, par lettres de cachet, dans diverses prisons, notamment à Saint-Lazare, où il vécut dix huit ans, interdit à la sollicitation de sa famille, qui réussit en effet, par ce procédé, à lui déranger le cerveau. C'est là pourtant que Brienne écrivit ses Mémoires, dans lesquels on ne remarque rien que de fort bon sens, et lors même qu'il parle de ses disgraces et de sa situation, un calme et une résignation touchante, sans aucun mélange d'aigreur, soit contre le roi, soit contre les siens. On peut en juger par ces mots d'une digression que renfermait le manuscrit des Mémoires, et que l'éditeur a jugé à propos de supprimer.

« Je puis le dire sans mensonge et sans vanité, le Brienne d'autrefois ne valait pas celui d'aujourd'hui : les malheurs fortifient l'ame, lorsqu'ils ne la jettent point dans le décourage

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