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faire des bâtimens qui n'aient point de défauts effentiels, & qui puiffent égaler les vaiffeaux qui fe font fait une réputation.

Sans doute que ceux qui font inftruits de l'art que je traite, me blâmeront de l'indécifion qui regne dans tout mon ouvrage. Au lieu de donner plufieurs dimenfions qui ont été fuivies en différens temps par divers conftructeurs, n'auroit-il pas été à propos de ne parler que de celles qu'on croit préférables aux autres? Au lieu de faire une longue énumération des raifons qui pourroient engager à fuivre l'une ou l'autre des pratiques que j'ai rapportées fans prendre de parti, n'auroit-il pas été mieux de décider les questions? Les jeunes gens même pour qui cet ouvrage eft fait, auroient probablement préféré un ton affirmatif à des efpeces de plaidoyers contradictoires qui les laiffent dans une indécifion embarraffante : il eft jufte de rapporter les raisons qui m'ont déterminé à fuivre une route diffé

rente.

Si j'avois pris un parti, je n'ai pas la présomption de croire que c'eût toujours été le meilleur : un ton de maître, étayé de quelques raifons fpécieuses, auroit pu cependant en imposer à la jeuneffe, & leur faire adopter de faux principes.

D'ailleurs mon intention étoit d'abord de faire appercevoir les différens degrés par lefquels l'Architecture navale a passé avant que de parvenir à l'état où elle eft aujourd'hui : c'est dans cette vue, que je m'étois propofé de rassembler dans mon ouvrage toutes les pratiques dont j'avois connoiffance. Mais pour remplir ce projet, il auroit fallu multiplier les volumes; c'est ce qui m'a déterminé à omettre beaucoup de pratiques, furtout les plus an

ciennes : mais c'auroit été tomber dans un défaut oppofé; que de ne donner qu'une feule pratique. Enfin j'ai toujours penfé qu'il falloit exciter les jeunes gens à faire ufage de leur efprit, & les engager à acquérir de la fagacité, ou du moins à augmenter celle qu'ils tiennent de la nature or, rien n'eft fi utile pour cela, que le doute falutaire que confeille Defcartes, que des difcuffions qui laiffent dans une forte d'indécifion, & qui obligent les jeunes gens à approfondir l'objet fur lequel ils travaillent. En un mót, j'ai jugé qu'il feroit avantageux de les mettre dans un embarras dont ils ne peuvent fe tirer que par des réflexions qui font naître des idées, par des méditations qui font diftinguer les idées fauffes des vraies, par des combinaifons qui mettent en état de décider fur le parti qu'on doit prendre au contraire, un ton décidé fait des gens dé routine. C'est ce ton qui a fait que les Phyficiens fe font contentés, pendant plufieurs ficcles, des qualités occultes; que dans les ficcles les plus éclairés on a été longtemps à s'appercevoir que les tourbillons ne pouvoient cadrer avec les loix de la méchanique; & nous touchons peut-être au temps où l'on fera honteux de la doctrine mal entendue de l'attraction, telle que la foutiennent quelques outrés fectateurs de l'illuftre Newton : mais il convient d'éviter les excès; & comme le foin que j'ai pris de ne point laiffer appercevoir mon fentiment, auroit pu m'engager à trop faire valoir les raisons qui y font contraires, j'aurai attention, dans l'expofé que je vais faire de tout mon ouvrage, de faire appercevoir les pratiques qui me paroîtront mériter la préférence : je prie néanmoins qu'on n'adopte point mes idées fans examen, car je n'ai garde de vouloir fubftituer une routine à une autre.

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Il pourroit appartenir à d'anciens constructeurs qui auroient joint beaucoup de pratique à une théorie fuffifante, d'être décidés fur les principes de leur art: mais les jeunes gens feront bien de fe rendre compte de tout ce qu'ils feront, & d'éviter de s'abandonner à une pratique avcugle qui est toujours préjudiciable aux progrès des arts.

PLAN DE L'OUVRAGE.

CHAPITRE PREMIER.

Avant d'exposer les confidérations qui peuvent guider pour fixer les principales dimensions du corps d'un vaifseau, la longueur, la largeur & le creux, auffi-bien que les proportions des différentes partics qui le compofent, comme la longueur de l'étrave, de l'étambot, de la lisse de hourdi, l'élévation des ponts, la rentrée des œuvresmortes, &c, nous avons cru qu'il convenoit de traiter dans un chapitre particulier, de l'usage, des dimenfions & de l'échantillon des pieces de charpente qu'on emploie pour la construction des vaiffeaux : ces connoiffances feront utiles à ceux qui n'ont aucune idée de l'architecture navale, ne fût-ce que pour apprendre la fignification de plufieurs termes qui font propres à l'art que nous traitons; mais notre intention n'étant point d'approfondir ce qui regarde la charpente des vaiffeaux, nous nous fommes reftreints à ce qui nous a paru le plus effentiel, comptant que les planches 1, 2, 3 & 4 fuppléeront à la brièveté du

difcours.

CHAPITRE SECOND.

Après quelques réflexions générales fur l'Architecture navale, & après avoir fixé le point de vue fous lequel je

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me propose de la confidérer, je paffe à la diftinction des vaisseaux fuivant leur rang. On voit dans cet article, qu'on a conftruit un grand nombre de vaiffeaux de guerre, qui different les uns des autres par le nombre & le calibre de leurs canons, la quantité de leurs ponts, l'étendue de leurs gaillards, châteaux & dunettes.

Si l'on n'avoit en vue que le progrès de la construction & la facilité du fervice à la mer, on pourroit penfer qu'il est avantageux de multiplier les rangs & les ordres des vaiffeaux : ce feroit le moyen de forcer les constructeurs à étudier plus à fonds les principes de leur art, puisqu'une fimple routine ne pourroit leur fervir pour fatisfaire avec honneur à toutes les demandes qu'on leur feroit. A l'égard du fervice à la mer, il eft clair qu'ayant à choifir dans un grand nombre de vaiffeaux de différente grandeur, on pourroit destiner pour chaque expédition les vaiffeaux qui y paroîtroient les plus convenables.

Mais des vues d'économie qu'il ne faut point négliger quand il s'agit d'objets auffi confidérables, & la fimplicité du fervice dans les ports, exigent qu'on reftreigne les rangs & les ordres des vaiffeaux au plus petit nombre poffible. Effectivement, quelle fimplicité dans le fervice des ports, & en même temps quelle économie, fi les mâtures, les agrès & les manœuvres de toute efpece pouvoient être rangées en cinq ou fix claffes qui fuffiroient à tous les befoins de la marine!

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En adoptant cette idée, cinq rangs de vaiffeaux pourroient être fuffifans; encore le premier rang feroit-il des vaiffeaux à trois ponts (en cas que le Roi jugeât à propos d'en avoir quelques-uns dans fes grands ports); & on ne doit pas diffimuler qu'on ne connoît prefque pas un vaif

feau à trois ponts qui n'ait eu de grands défauts, comme de ne point porter la voile ou de manquer de batterie. Le Royal-Louis, qui, fuivant tous les marins, étoit un chefd'œuvre, eût manqué de batterie, fi on l'eût armé en guerre & avec l'artillerie qu'il devoit porter : ce n'eft pas qu'on ne pût procurer une batterie suffisamment élevée à des vaisseaux de ce rang; mais il y auroit tout lieu de craindre que ce ne fût aux dépens des autres bonnes qualités qui ont fait la réputation du Royal-Louis.

Je fçais qu'on a conftruit, à Breft, un autre Royal-Louis qui a eu le malheur de brûler fur fon chantier : ce vaisseau étoit percé à fa premiere batterie, de 16 fabords pour des canons de 36 liv., & il portoit à fa feconde batterie 17 canons de 24. Mais afin que des vaiffeaux chargés d'une auffi groffe artillerie puiffent naviguer & avoir leur premiere batterie suffisamment élevée, il leur faut une carene de très-grande capacité; il eft furtout néceffaire d'augmenter leur largeur, d'où s'enfuit une mâture fort élevée, de groffes manoeuvres, & généralement des agrès très-pefans, qui fatiguent beaucoup les équipages: on peut, il est vrai, les rendre plus nombreux; mais il n'est n'est pas poffible d'augmenter la force particuliere de chaque homme: c'est cependant ce qui feroit néceffaire, puifque quelquefois on ne peut employer qu'un certain nombre d'hommes pour exécuter une manoeuvre. Ces confidéra- Premier tions me font penfer qu'il n'eft pas du bien du fervice de rang. faire d'auffi gros vaiffeaux, & qu'on pourroit fixer ceux du premier rang à porter fur leur premier pont 30 canons de 36 livres; fur le fecond 32 de 18 de 18; fur le troisieme pont, 30 canons de 12; fur les gaillards, 18 de & de 6 liv. : ce qui fait en tout 110 canons. Un tel

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