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comme pouvant seules conduire à la vérité, réduites à zéro tant que la réalité, l'immatérialité, l'éternité de notre sentiment d'existence, de notre sensibilité, de notre âme, n'est point absolument, rationnellement, incontestablement démontrée.

M. Cousin est également d'avis: que, l'incontestabilité est nécessaire : du moment que l'examen ne peut plus être comprimé; et, que l'incontestabilité n'est autre : que, la vérité absolue rationnellement démontrée.

« Le jour, dit-il, où dans le monde paraîtra la vérité absolue, il n'y aura plus de contradiction et de lutte, tout combat cessera : car c'est la vertu de la vérité de rallier à elle tous les esprits.

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(Déjà cité.)

C'est vrai. Mais aussi, c'est la vertu de l'incompressibilité de l'examen, de diviser les esprits : tant que l'ignorance n'est pas évanouie. Or, l'incompressibilité de l'examen existe; et, la division des esprits c'est l'anarchie. Il faut donc que, l'ignorance sociale soit anéantie; ou, que l'anarchie persiste : ce qui serait la mort de la société.

Il y a plus de deux mille ans que la nécessité de l'incontestabilité était reconnue par Platon.

« Je ne sais, dit-il, produire qu'un seul témoin en faveur de ce que je dis, c'est celui-là même avec qui je converse, et je ne tiens nul compte de la multitude; je ne reconnais d'autre suffrage que le sien pour la foule, je ne lui adresse pas même la parole. »

(GORGIAS, Socrate interlocuteur.)

C'est, qu'en effet tant que, l'ignorance n'est

point socialement évanouie, il n'y a et il ne peut y avoir, socialement que, vile multitude; et, alors : M. Thiers en fait partie tout autant que l'Académie des sciences morales et politiques; tout autant que l'ensemble de Charenton.

La nécessité de l'incontestabilité, rationnelle, en présence de l'incompressibilité de l'examen, est exposée de la manière la plus incontestable, dans le passage suivant de Bonald.

« Le Code civil, dit-il, discuté au conseil d'État avant de l'être au Corps législatif, commence par cette maxime :

« Art. 1. Il existe un droit universel et immuable, source de toutes les lois positives il n'est que la raison naturelle, en tant qu'elle gouverne tous les hommes.

« Mais cette proposition abstraite et indéterminée : il existe un droit ou une règle, donnée comme fondement de toute législation à un peuple à qui l'on apprend depuis cinquante ans qu'il n'existe point de régulateur, ne peut lui présenter aucun sens ou ne lui présente qu'un sens incomplet.

<< Lorsqu'on commence par dire aux hommes qu'il existe une règle, source de toutes les règles qu'on impose à leurs passions, ils doivent, quand ils sont éclairés, demander où est cette règle, d'où elle vient et qu'on la leur montre, pour comparer les règles que le législateur humain leur donne à la règle donnée au législateur lui-même; voir si elles sont conformes, et s'il y a pour lui une raison suffisante de prescrire, et pour eux-mêmes une raison suffisante d'obéir. Après une révolution de législateurs et de lois, où l'on a vu paraître et disparaître tant de lois trèspositives, qu'il est assurément difficile d'attribuer au droit immuable et universel, n'est-on pas fondé à conclure qu'il existe un droit contradictoire, variable et local, et par conséquent qu'il n'en existe AUCUN? Mais si ce droit immuable est la raison naturelle et si cette raison n'est naturelle qu'autant et en tant qu'elle gouverne tous les hommes (car ici il y a équivoque dans l'expression parce qu'il y a absurdité dans l'idée), les hommes qui ne peuvent entendre par ces mots raison naturelle que leur propre raison, ne sont-ils pas en droit de conclure qu'il n'existe point, dans ce sens, de raison naturelle, puisque certainement elle ne gouverne pas tous les hommes, et par conséquent point de droit immuable et universel? Et comment peut-on donner aux hommes, comme fondement unique de toute législation, cette raison naturelle, qui nous prescrit de

recueillir l'enfance, même abandonnée, et qui permettait aux Romains, à ces Romains si raisonnables, d'exposer à leur naissance même leurs propres enfants; qui nous défend à nous de laisser périr, sans le défendre, un homme exposé aux coups d'un assassin, et qui permettait aux Romains d'élever, de former des hommes à s'entretuer sur l'arène pour l'amusement des citoyens; qui nous prescrit à nous de veiller sur les mœurs de nos enfants, et qui permettait aux Grecs, si polis et si ingénieux, de prostituer les filles dans les temples; en un mot, qui ne nous permet à nous que des plaisirs légitimes, et qui permettait à ces peuples des amours abominables? >>

(Législat. primit., t. 1, p. 146.)

Que répondre à cela? Rien si ce n'est que, la raison naturelle, signifie la raison réelle ou incontestablement rationnelle; et, que cette raison est encore couverte du voile de l'ignorance. Mais, à présent que cette raison est la seule base qu'il soit possible de donner aux lois, il faut que, sa réalité puisse être incontestablement démontrée, vis-à-vis de tous et de chacun sous peine de mort sociale.

C'est là ce qu'il faut continuellement crier à une société ignorante, pour ainsi dire, au degré suprême; et qui, cependant, a la vanité de se croire à l'apogée de l'instruction. Il est vrai, qu'en époque d'ignorance, la société est toujours composée seulement d'une faible minorité de faux savants conduisant le reste en troupeaux. Mais, la presque généralité de ces faux savants est toujours composée d'individus, dont Bonald fait, avec raison, le portrait suivant.

« A la vérité, dit-il, il est beaucoup d'hommes qui se piquent de raison et même d'instruction sur d'autres objets, qui ne veulent être ni convaincus de certaines vérités, ni entraînés dans certaines voies, et qui prennent le parti, très-peu raisonnable, de nier ce qu'ils n'osent pas approfondir. »

(Législat. primit., ch. xx.)

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Ce portrait est tracé, d'après nature, pour la généralité des partis de l'époque d'ignorance et d'incompressibilité d'examen. Et, dans chacun, il y a d'autant moins d'exceptions: que, la société approche davantage soit de sa mort; soit de sa rénovation. C'est seulement l'excès du mal social qui peut forcer de malheureux fous à convenir de leur folie; et encore la plupart d'entre eux préfèrent la mort à ce qu'ils appellent la honte de céder à la vérité. C'est surtout au nom de société nouvelle, au nom de perfection sociale, qu'ils rugissent de fureur. La seule idée de cette perfection fait sur eux l'effet de l'eau sur les hydrophobes. Comment donc est-il possible que Bonald en ait compris la nécessité? Cette conception, par un homme élevé au sein de l'anthropomorphisme, est plus étonnante que celle des antipodes, lorsque cette doctrine était foudroyée et par la science; et, par l'Église.

« La perfection, si l'on veut, est, dit Bonald, une chimère pour l'individu qui, dans le court espace de sa vie, ne peut apercevoir de pro- grès sensible vers le mieux; mais elle est réelle et sensible pour la société qui embrasse une longue durée de siècles et une longue suite d'événements. LA VÉRITÉ CONSISTE DANS LA CONNAISSANCE DE CETTE PERFECTION, et le devoir de l'écrivain est de la présenter à la société comme le terme auquel elle doit tendre sans cesse. »

(Législat. primit., ch. xII.)

Il est probable que Bonald a voulu dire jusqu'à ce qu'elle y soit arrivée. Car, sans cela, il aurait professé la sottise du progrès continu. Du reste le passage suivant va élucider sa pensée.

- « L'homme, dit-il, qui croit à la nécessité de l'ordre dans la so

ciété, doit, s'il est conséquent, croire à la nécessité des moyens de cet ordre, donc à la nécessité du ministère public et de sa meilleure constitution; car il faut prendre garde que ce moyen n'est bon que lorsqu'il est PARFAIT, et que tout ce qu'il y reste d'imparfait et de vicieux, loin d'être un moyen d'ordre, est un principe de destruction. >>

(Id., ibid.)

- Il y a même plus. il n'y a d'ordre, non éphémère possible, qu'au sein d'une société parfaite réellement ou illusoirement. La société parfaite, illusoirement, est la société basée sur une révélation; la société parfaite, réellement, est la société incontestablement rationnelle. Entre les deux il n'y a de possible : qu'ANARCHIE.

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Ce qui va suivre a été écrit en 1796. On parle d'avancer et de reculer. Certes il faut avancer vers la vérité. Mais, pour y arriver, il faut absolument reculer vers ce que Bonald disait, à la fin du siècle der

nier.

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« Dans tous les temps, dit-il, l'homme a voulu s'ERIGER en législateur de la société religieuse et de la société politique, et DONNER une constitution à l'une et à l'autre. >>

-Par l'expression dans tous les temps, Bonald blâme implicitement jusqu'aux révélations qui, elles aussi, sont des constitutions données par le législateur. Mais, au moins, ici le législateur véritable est caché sous le voile de l'éternél législateur. Bonald entend : qu'une constitution ou plutôt que la constitution réelle ne peut être arbitraire; mais qu'elle doit être basée sur la vérité; et que la vérité, étant une, la constitution sociale réelle est nécessairement unique.

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