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lutaires médicaments avec des vipères. Louis XIV craignoit l'hydre, et l'écrasa d'un seul coup. Ceux qui n'ont aperçu dans la révocation de l'édit de Nantes qu'un mouvement de zèle religieux ont la vue bien courte. Michel Le Tellier, après avoir consommé ce dernier acte de son ministère, mourut plein de toutes les joies du ciel et de toutes les espérances de la religion, en 1685, âgé de quatre-vingt-trois ans : il fut un homme distingué plutôt qu'un grand homme; il eut les qualités précieuses d'un commis supérieur plutôt que le génie si rare d'un grand ministre; mais combien de ministres n'ont pas même été de bons commis!

Des six Oraisons funèbres composées par Bossuet, il en est trois dont les sujets sont moins heureux, celles de Marie-Thérèse, d'Anne de Gonzague, et de Michel Le Tellier: elles paroissent inférieures aux trois autres; ce n'est pas la faute du génie, c'est le tort de la matière. Elles offrent des pages égales à tout ce que la verve oratoire de l'évêque de Meaux a produit ailleurs de plus vif, de plus sublime, de plus étonnant. L'Oraison funèbre de Michel Le Tellier est presque toute historique; mais quelle plénitude dans ces narrations rapides et pittoresques! quelles vues sur la judicature, sur le clergé, sur la Fronde, sur les factions, sur le protestantisme! quel philosophe que Bossuet! quel politique!

D.....LT.

ORAISON FUNEBRE

DE

MICHEL LE TELLIER,

CHANCELIER DE FRANCE,

Prononcée dans l'église paroissiale de Saint-Gervais, où il est inhumé, le 25 janvier 1686.

Posside sapientiam, acquire prudentiam; arripe illam, et exaltabit te glorificaberis ab eâ, cùm eam fueris amplexatus.

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Possédez la sagesse, et acquérez la prudence: si vous la cherchez avec ardeur, elle vous élèvera, et vous remplira de gloire quand vous l'aurez embrassée.

MESSEIGNEURS (1),

En louant l'homme incomparable dont cette illustre assemblée célébre les funérailles et honore les vertus, je louerai la sagesse même; et la sagesse que je dois louer dans ce discours

(1) A messeigneurs les évêques qui étoient présents en habit.

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n'est pas celle qui élève les hommes et qui
agrandit les maisons, ni celle qui gouverne les
empires, qui règle la paix et la guerre, et enfin
qui dicte les lois et qui dispense les graces : car
encore que ce grand ministre, choisi par la
divine Providence pour présider aux conseils
du plus sage de tous les rois, ait été le digne
instrument des desseins les mieux concertés
la sa-
que l'Europe ait jamais vus, encore que
gesse, après l'avoir gouverné dès son enfance,
l'ait porté aux plus grands honneurs et au
comble des félicités humaines, sa fin nous a
fait paroître que ce n'étoit pas pour ces avan-
tages qu'il en écoutoit les conseils. Ce que nous
lui avons vu quitter sans peine n'étoit pas l'objet
de son amour. Il a connu la sagesse que le
monde ne connoît pas, cette sagesse «qui
«< vient d'en-haut, qui descend du Père des lu-
« mières (1) », et qui fait marcher les hommes
dans les sentiers de la justice. C'est elle dont la
prévoyance s'étend aux siècles futurs, et en-
ferme dans ses desseins l'éternité tout entière.
Touché de ses immortels et invisibles attraits,
il l'a recherchée avec ardeur, selon le précepte

(1) Sapientia desursum descendens. JAC., c. 3, v. 15.

"

du Sage. « La sagesse vous élèvera, dit Salo«mon, et vous donnera de la gloire quand « vous l'aurez embrassée (1). » Mais ce sera une gloire que le sens humain ne peut comprendre. Comme ce sage et puissant ministre aspiroit à cette gloire, il l'a préférée à celle dont il se voyoit environné sur la terre: c'est pourquoi sa modération l'a toujours mis au-dessus de sa fortune. Incapable d'être ébloui des grandeurs humaines, comme il y paroît sans ostentation, il y est vu sans envie et nous remarquons dans sa conduite ces trois caractères de la véritable sagesse, qu'élevé sans empressement aux premiers honneurs il a vécu aussi modeste que grand; que dans ses importants emplois, soit qu'il nous paroisse, comme chancelier, chargé de la principale administration de la justice, ou que nous le considérions, dans les autres occupations d'un long ministère, supérieur à ses intérêts, il n'a regardé que le bien public; et qu'enfin dans une heureuse vieillesse, prêt à rendre avec sa grande ame le sacré dépôt de l'autorité, si bien confié à ses soins, il a vu

(1) Exaltabit te (sapientia), glorificaberis ab eâ, cùm eam fueris amplexatus. PROV., c. 4, v. 8.

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disparoître toute sa grandeur avec sa vie, sans qu'il lui en ait coûté un seul soupir tant il avoit mis en lieu haut et inaccessible à la mort son cœur et ses espérances! De sorte qu'il nous paroît, selon la promesse du Sage, dans « une << gloire immortelle », pour s'être soumis aux lois de la véritable sagesse, et pour avoir fait céder à la modestie l'éclat ambitieux des grandeurs humaines, l'intérêt particulier à l'amour du bien public, et la vie même au desir des biens éternels. C'est la gloire qu'a remportée très haut et puissant seigneur messire Michel Le Tellier, chevalier, chancelier de France.

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Le grand cardinal de Richelieu achevoit son glorieux ministère, et finissoit tout ensemble une vie pleine de merveilles. Sous sa ferme et prévoyante conduite la puissance d'Autriche cessoit d'être redoutée, et la France, sortie enfin des guerres civiles, commençoit à donner le branle aux affaires de l'Europe. On avoit une attention particulière à celles d'Italie; et, sans parler des autres raisons, Louis XIII, de glorieuse et triomphante mémoire, devoit sa protection à la duchesse de Savoie sa sœur, et à ses enfants. Jules Mazarin, dont le nom de

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