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venir s'offrir, à sept livres, rue Dauphine, à Paris. Mais je demanderai à l'auteur pourquoi il ne nous parle pas du prix du pain en Angleterre, puisqu'il s'agissait du pain dans son écrit? Pourquoi il ne nous parle pas en général du prix des aliments de première nécessité dans ce pays-là, du salaire des ouvriers et de la main-d'œuvre ordinaire? Il est vrai qu'il aurait été forcé de convenir que tout cela n'est pas plus cher, que tout cela même est moins cher en Angleterre qu'en France; il aurait vu dès lors que le numéraire doublé ne double pas le prix des choses nécessaires, et il n'aurait pas publié sa brochure. »>

Ce discours dont l'immense étendue défiait, de notre part, toute reproduction complète, et dont nous avons dû nous borner à citer quelques traits, Mirabeau le termina d'une manière imposante: « Ce n'est pas ici, dit-il, l'objet d'un choix spéculatif et libre en tout point; c'est une mcsure indiquée par la nécessité, une mesure qui nous semble répondre le mieux à tous les besoins, qui entre dans tous les projets qui nous sont offerts, et qui nous redonne quelque empire sur les événements et sur les choses. Des inconvénients, prévus ou imprévus, viennent-ils ensuite à se déclarer? Eh bien! chaque jour n'apporte pas avec lui que ses ombres, il apporte aussi sa lumière : nous travaillerons à réparer ces inconvénients. Les circonstances nous trouveront prêts à leur faire face, et tous les citoyens, si émincmment intéressés au succès de notre mesure, formeront une fédération patriotique pour la soutenir.... Il faut être grand, savoir être juste, on n'est législateur qu'à ce prix 1. » En conséquence, Mirabeau proposa de décréter :

Que la dette exigible serait remboursée en assignatsmonnaic, applicables au payement des domaines nationaux; Qu'il en serait fabriqué pour huit cents millions, ajoutés aux quatre cents millions déjà émis ;

Que les assignats seraient brûlés, à mesure de leur rentrée au trésor;

1 Moniteur, séance du 17 septembre 1790.

Qu'il n'en pourrait être émis d'autres qu'en proportion de la valeur des domaines nationaux restés invendus, en vertu d'un décret formel du corps législatif, et à la condition qu'il n'y aurait jamais à la fois une circulation de plus de douze cents millions d'assignats.

La proposition fut adoptée, et constitua le décret rendu, le 29 septembre 1790, à une majorité de cinq cent dix-huit voix contre quatre cent vingt-trois.

Mirabeau venait de servir puissamment la Révolution, et il cut raison de s'en vanter 1. Quelque formidable qu'ait été, plus tard, la crise enfantée par les assignats, cette crise ne saurait, en aucun cas, être imputée aux auteurs de l'opération, qui fut primitivement conçue avec non moins de sagesse que d'audace. La valeur des assignats solidement hypothéquée, le renouvellement de l'hypothèque par chaque décret et son inscription sur chaque billet émis, le quart de la valeur du gage assigné pour borne à l'émission, et l'obligation stricte, à mesure qu'un domaine national était vendu, de brûler les assignats qui en avaient payé la valeur, tout cela formait un ensemble de précautions parfaitement combinées. Nous dirons sous l'empire de quelle inexorable fatalité la Révolution fut conduite à forcer l'emploi d'un moyen sauveur, et par quels services les assignats, même alors, rachctèrent leurs ravages.

1 Lettres à Mauvillon, dans les Mémoires de Mirabeau, t. VIII, p. 78,

CHAPITRE IV.

ANARCHIE.

Troubles dans tout le royaume.

A Brest, soulèvement des matelots.

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Nouveau code pénal pour la marine. Dernière rébellion des parlements. Les fantômes des 5 et 6 octobre évoqués. - Mirabeau mis hors de cause. - Déchaînement des royalistes contre le duc d'Orléans. La théorie des émeutes dénoncée par Dupont de Nemours. L'émeute sccrètement recommandée par Mirabeau à la cour, comme moyen de gouvernement. La maison de Marat fouillée; coups d'épée dans le lit d'une femme. - La Comédie en pleine insurrection; d'un côté, Talma et Dugazon, patriotes; de l'autre, mademoiselle Contat, mademoiselle Raucourt, Fleary. Affaire des braconniers et des gardes-chasse. Immense désordre au sein même de l'Assemblée; Maury fait mine d'escalader les tribunes ; le président menacé par Cazalès; Mirabeau traité d'assassin et de scélérat; les après-dînées du vicomte de Mirabeau. Duel de Charles Lameth et de Castries.-Étrange conduite de Mirabeau en cette circonstance. - Sa rivalité avec Bergasse.-Attaque parlementaire contre les ministres ; éloquente sortie de Cazalès. - Les ministres dénoncés par Danton.-Changement de cabinet. Du Portail. Duport du Tertre, - Impuissance de tout pou

voir régulier; la société en gestation,

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Et ne l'oubliez pas, ne l'oubliez pas ces discussions lumineuses avaient lieu, ces illustres coups d'État de la pensée étaient frappés, au milieu d'un ébranlement universel, au bruit des clameurs poussées de distance en distance par les villes en révolte, à la lueur des torches qui çà et là brûlaient encore dans la main du paysan, lorsque la France enfin, saisie d'une impatience sublime, mais déjà haletante, éperdue, s'élançait sur cette route ignorée où elle eut jusqu'au bout l'orage sur sa tête et le Vésuve à ses pieds.

Qu'on suivc à travers le royaume, pendant les mois

d'août et de septembre, l'itinéraire de l'émeute: quel spectacle! Toulon, Avignon, Marseille, Niort, ne vivent plus que d'une vie fiévreuse. Dans le Languedoc, la Révolution, disent les uns, la contre-révolution, affirment les autres, promène incessamment, pour agiter les esprits, le spectre de la famine à venir. Où courent ces hommes qui, le visage éclairé par un sourire affreux, traversent en hurlant la ville de Saint-Étienne? Ils courent égorger au fond d'une prison un malheureux soupçonné d'être un accapareur, et voilà qu'une municipalité nouvelle est nommée, avec mission de baisser le prix du blé, par un conciliabule d'assassins1. A Angers, sous prétexte que le pain était trop cher, mais en réalité, suivant Fréron, parce que le royalisme est derrière cux qui les trompe, leur souffle une fureur insensée et les pousse en avant, les ouvriers employés aux carrières se soulèvent, livrent bataille au régiment de Picardie, sont écrasés, et laissent les cadavres de deux de leurs chefs attachés au gibet. Sur les troubles qui, à la même époque, effrayèrent Orléans et l'ensanglantèrent, il faut entendre Marat : « Le sicur Rimbert, gros marchand vinaigrier, citoyen d'une probité rare, indigné de voir les municipaux d'Orléans accaparer les grains, se mit à la tête des habitants d'un faubourg, pour obliger la municipalité à leur en vendre. La municipalité dissimula, fit avancer des troupes, enleva de nuit le pauvre Rimbert, lui fit faire son procès en deux heures et ordonna qu'on l'exécutât immédiatement. Qui croirait que le bourreau de la ville fut plus délicat que les municipaux? Révolté de la violence de la procédure, il refusa de faire l'exécution nuitamment. Cinq gros bourgeois, intéressés dans le monopole des grains, se disputèrent l'honneur de pendre cet infortuné. Un infâme chirurgien en eut toute la gloire 3. »

A ces récits lugubres des journaux, la tribune ajoutait les siens. Le 20 août, Dubois-Crancé, tenant à la main une

1 Moniteur, séance du soir du 7 septembre 1790.

2 L'Orateur du Peuple, t. I, no 34.

5 L'Ami du Peuple, no 225,

relation que la garde nationale d'Hesdin venait de lui adresser, avait fait savoir aux représentants du peuple qu'Hesdin se trouvait être comme une place de guerre occupée par l'ennemi; que le régiment de Royal-Champagne y avait été frappé d'une interdiction pleine d'insulte; qu'à la réquisition de la municipalité, des troupes étrangères étaient accourues; qu'elles gardaient les faubourgs, les menaçaient, les provoquaient; que, suivant une décision du congrès municipal et militaire, les portes de la ville restaient constamment ouvertes et avaient été clouées; qu'il en était de même des ponts-levis... Et tout cela, pourquoi? Parce qu'à la suite d'un dîner où les officiers aristocrates de RoyalChampagne avaient outragé la nation en paroles et chanté : Il n'y a rien de bon du côté gauche que le cœur, une trentaine de cavaliers patriotes s'étaient avisés, le soir, de faire le tour de la place, une chandelle à la main ?!

Pendant ce temps, une agitation, bien autrement à craindre, régnait parmi les matclots de l'escadre de Brest, prête à se mettre en mer.

Dans sa sollicitude pour tout ce qui était de nature à honorer l'humanité, l'Assemblée nationale avait remanié l'ancien code pénal de la marine, en s'étudiant à le coordonner selon les principes de la Constitution nouvelle.

Elle avait décidé que les peines afflictives encourues par les marins ne pourraient être prononcées que par un conseil de justice, sur le rapport d'un jury militaire.

Attentive à assurer aux matclots le bénéfice d'une décision impartiale, elle avait voulu que, dans le jury auquel serait commis leur sort, trois simples matelots fussent admis à prendre rang à côté d'un officier de l'état-major et de trois officiers mariniers.

Elle avait décrété que la procédure, faite en présence du jury, serait rédigée par écrit et annexée au rôle de l'équipage.

Il est bien vrai qu'elle avait maintenu quelques-unes de

1 Moniteur, séance du 20 août 1790. l'Orateur du Peuple, t. 1, no 20.

Voyez aussi, sur ces troubles,

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