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ris responsables de toute infraction aux lois, non poursuivie; donner l'éveil aux ministres. Tout cela fut voté presque sans discussion, sur-le-champ, dans une sorte de sombre transport, et sous la protection des canons de la Fayette. Car il s'était hâté de convoquer la garde nationale, et «< comme si l'on avait eu peur, raconte Brissot, que les uniformes bleus ne succombassent dans ce terrible combat imaginaire, le peuple, quoique irrité, était tranquille, on avait convoqué les forts de la halle en équipage guerrier 1 >> •

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Inutile d'ajouter que, de toutes parts, retentissaient des imprécations contre la Fayette. Brissot lui-même, jusque-là son admirateur, et qui, pour l'avoir défendu, s'était attiré tant d'injures, Brissot fit dans le Patriote français la déclaration suivante : « Ces horribles manoeuvres s'exécutent sous les ordres d'un homme qui m'a dit cent fois être républicain, qui se dit l'ami du républicain Condorcet, la Fayette!... Il n'y a plus rien de commun entre lui et moi 2. »

Cependant les Cordeliers et un nombre considérable d'hommes du peuple sont réunis au Champ de Mars, attendant qu'on apporte des Jacobins, pour être signée sur l'autel de la patrie, la pétition que Laclos et Brissot ont dû rédiger la veille. Les commissaires paraissent, lisent la pétition; mais à peine a-t-on entendu ces mots : Remplacement de Louis XVI par les moyens constitutionnels, qu'un violent tumulte s'élève; on apprend que le rédacteur est Brissot, et l'on s'étonne qu'une parcille phrase soit tombée de la plume d'un républicain : après débat, elle est effacée ".

Dans l'intervalle, le jour s'était écoulé, et les Jacobins se trouvaient assemblés dans leur noir sanctuaire. On leur rapporte la pétition, moins la phrase suggérée par Laclos, moins l'orléanisme. On juge si Laclos garda le silence! « Voulez

1 Le Patriote français, no 707.

La Bouche de fer, no 96.

vous, oui ou non, s'écria-t-il, renoncer au plus beau de vos titres, celui d'amis de la Constitution? Voycz M. Brissot, tout républicain qu'il est, il a reconnu qu'il ne fallait rien brusquer. » Ces paroles firent impression. D'ailleurs, le décret par lequel, dans la journée même, l'Assemblée avait statué, très-explicitement cette fois, sur le sort du roi, altérait le caractère de la pétition de Brissot. Elle fut retirée, et l'impression, qu'on avait commencée déjà, suspendue '.

Ce soir-là, vers sept heures, Robespierre, s'adressant aux Jacobins, leur disait : « J'obéirai à la loi, mais je vous dois la vérité.... terrible! » Et il se mit à tracer, de la conduite des comités réunis, de leurs artifices, de leurs sinistres desseins, un tableau qui épouvanta. On croyait entendre Raleigh, criant à ses bourreaux : « Frappez! quand le cœur est droit, qu'importe où va la tête ? »

1 Le compte rendu de cette séance manque dans le Journal des Jacobins, mais il se trouve dans le n⚫ 96 de la Bouche de fer.

2 Ibid.

CHAPITRE VII.

MASSACRE DU CHAMP DE MARS.

Irritation profonde des constitutionnels; ses causes.

Attaques frénétiques de Marat Injures de Camille. Remarquable résumé de la conduite des constitutionnels par ce dernier. — Outrages adressés à la garde nationale. Esprit de légalité, partout répandu. Démarche légale faite le 16 juillet à l'hôtel de ville. Récépissé donné par le procureur-syndic Desmousseaux : « La loi vous couvre de son inviolabilité. » — - Double assassinat commis au Gros-Caillou dans la matinée du 17. Comme quoi ce crime n'avait rien de commun avec la pétition projetée par le peuple. Efforts, à l'Assemblée, pour faire croire le contraire, et rumeurs fausses pro pagécs. — Étrange générosité de la Fayette. — Le Champ de Mars présente l'aspect d'une fête. — Attitude paisible de la foule réunie autour de l'autel de la Patrie. - Pétition signée au Champ de Mars. Commissaires envoyés au Champ de Mars par l'hôtel de ville. Ils sont charmés du

Aspect de

spectacle qui est sous leurs yeux, et approuvent la pétition. la place de Grève, pendant ce temps; fureur de la garde nationale habilement excitée. Messages de Charles Lameth à l'hôtel de ville; le drapeau rouge déployé. Retour des commissaires à l'hôtel de ville; leur rapport, favorable au rassemblement; ils protestent contre le déploiement du drapeau rouge; la municipalité passe outre. Les armes chargées sur la place de Grève. Les provocateurs des glacis. Décharge, avant les trois sommations légales; femmes et enfants massacrés. — Généreuse conduite des gardes nationaux du Marais et du faubourg Saint-Antoine, et des gardes soldés, à l'École militaire. Injustifiable absence de Danton, de Fréron, de Camille. Soirée du 17. - Le club des Jacobins insulté. Robespierre recueilli chez le menuisier Duplay. — Bailly, à la tribune, le 18. Mensonges du procès-verbal de la municipalité. - Jugement historique. - Combien ces événements ont été défigurés jusqu'ici.

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Nous voici à une date sanglante: 17 juillet 1791! D'où naquit la violence des passions qui rendirent cette journée si funeste? C'est ici surtout qu'il importe de ne rien omettre. L'historien n'est pas accusateur public, il est juge; et l'ap

préciation des circonstances atténuantes fit toujours partic de la justice.

Depuis le retour de Louis XVI à Paris, une irritation, profonde régnait parmi les constitutionnels. Elle avait pour

causes :

Les attaques frénétiques dirigées contre eux;

La honte secrète des artifices auxquels leur politique de fictions les condamnait;

La naissance d'un parti qui menaçait de détruire leur œuvre et de les rejeter dans l'ombre;

Enfin le déclin rapide d'une popularité dont ils ne voulaient plus subir les exigences, mais dont ils regrettaient l'encens.

Et d'abord, quant aux attaques, deux citations donneront une idée suffisante de la rage qui les dictait :

O indignes représentants de la nation! ce ne sont point les mensonges, les perfidies, les crimes de Louis XVI et de sa femme qui me révoltent. Qu'un roi soit corrupteur, accapareur, féroce, faux monnayeur, parjure, escroc, traître, c'est sa nature de dévorer la substance des peuples et d'être mangeur de gens, et je ne peux pas avoir plus de haine contre lui que contre un loup. Comme le tigre, quand il suce le sang du voyageur, l'animal-roi ne fait que suivre son instinct, quand il suce le sang du peuple; mais c'est vous qui méritez toute notre haine, vous, nos représentants, que nous avons choisis pour nous défendre. C'est vous qui ne cessez d'appeler sur votre tête la peine portée par la loi des douze tables, qui permettait au premier passant de courir sus au mandataire infidèle qui clienti fraudem fecerit sacer esto 1. »

Mais quoi! ce langage n'était rien auprès de celui de Marat, de Marat, devenu fou de cruauté :

«Que faire?... couper les pouces à tous les valets-nés de la cour et aux représentants de la ci-devant noblesse et du haut clergé, non comme infidèles, mais comme ennemis. Quant aux députés du peuple, qui ont vendu au despote les

1 Révolutions de France et des royaumes, etc,, no 83.

droits de la nation, aux Sicyès, aux le Chapelier, aux Duport, aux Target, aux Thouret, aux Voidel, aux Barnave, aux Emmery, aux Bureaux de Puzy, aux Prugnon; empalez-les tout vivants, et qu'ils soient exposés sur les créneaux du sénat, pendant trois jours, aux regards du peuple 1. »

Ces fureurs étaient trop odieuses pour enrégimenter de nombreuses colères; mais, outre qu'elles accoutumaient insensiblement les esprits à l'image des supplices, elles avaient cet effet, même sur ceux qui ne les prenaient point au sérieux, qu'ils se croyaient modérés en se contentant de mépriser les constitutionnels ou de les haïr.

L'homme est ainsi fait que les attaques exagérées ou injustes l'irritent moins que celles qu'il a méritées : les constitutionnels auraient encore pu peut-être pardonner à leurs adversaires des emportements qui touchaient au délire; mais la dénonciation de leurs fautes, de leurs contradictions, de leurs ruses, de leurs sourdes menées, voilà ce qui remplissait leur âme de fiel. Bien plus que des injures de Camille Desmoulins, ils durent s'émouvoir de ce foudroyant résumé qu'il publiait de leurs actes :

« Ce qu'il fallait faire? quand la nation, seule et en se jouant, enfante à la liberté des armées bien plus innombrables que celles que le despotisme leva jamais à Xerxès et à Tamerlan, dans vingt royaumes, il fallait prendre l'attitude convenable à la liberté d'un tel peuple. C'est le faible qui trompe. Il fallait appeler le crime de Louis XVI de son vrai nom, et ne point le pallier par le mensonge du mot enlèvement.

« Il fallait constituer Louis XVI prisonnier, parce qu'il était pris en flagrant délit, et en le constituant prisonnier, déclarer qu'on le mettait en état d'arrestation, et non pas qu'on lui donnait une garde.

« Il fallait se moquer de Malouet et de Duport, invoquant l'inviolabilité du roi, parce qu'il avait cessé d'être roi, du mo

1 L'Ami du peuple, no 514.

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