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Sa déclaration? Mais n'étant contre-signée d'aucun ministre, elle n'était qu'un acte privé du roi, un simple brouillon pour mémoire. La France, d'ailleurs, voulait la monarchie, et, sans l'inviolabilité royale acceptée d'une manière absolue, pas de monarchie possible. Car, que vaudrait une royauté sans cesse mise en question, poursuivie sans cesse, exposée aux coups du premier calomniateur venu, perpétuellement en butte aux traits empoisonnés qui vont toujours chercher la grandeur et la puissance 1?

La conclusion des comités réunis était donc qu'il fallait renvoyer devant la cour d'Orléans et livrer à la rigueur des lois Bouillé, Heymann, Kinglin, Offlyse, Goguelat, Choiseul, Fersen, les trois gardes qui avaient servi de courriers..., et mettre Louis XVI hors de cause 2.

Robespierre savait que l'Assembléc arrivait avec un parti pris; que le débat ne modifierait pas le vote. Il aurait voulu donner à l'opinion du dehors le temps d'intervenir, et, dans ce but, il demanda l'ajournement. Mais Charles Lameth s'y opposa d'une manière fort vive, et les constitutionnels, qui avaient hâte d'arriver au dénoûment, ouvrirent la discussion sur-le-champ.

L'attitude de Robespierre, en cette circonstance, mérite qu'on s'y arrête. Quoiqu'il ne ressentît assurément pour la monarchie aucune tendresse, il avait vu avec inquiétude Condorcet et Brissot prendre une initiative qu'il jugeait trop fougueuse et intempestive. La question de République lui avait paru posée prématurément, parce que, selon lui et comme il s'en expliqua plus tard, elle était de nature alors à diviser les patriotes, et fournissait aux ennemis du peuple un prétexte pour publier qu'il existait un parti qui, sous couleur de patriotisme, conspirait contre la constitution.

En conséquence, le 13 au soir, sans plus attendre, il se rendit aux Jacobins, où il fit cette profession de foi singulière :

1 Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, depuis la page 428 jusqu'à la page 434. 2 Voy. le texte du décret dans l'Histoire parlementaire, t. II, p. 69 et 70.

«On m'a accusé, au sein de l'Assemblée, d'être républicain on m'a fait trop d'honneur; je ne le suis pas. Si on m'eût accusé d'être monarchiste, on m'eût déshonoré; je ne le suis pas non plus. Les mots république et monarchie, pour beaucoup d'individus, sont vides de sens. Le mot république ne signifie aucune forme particulière de gouvernement, il appartient à tout gouvernement d'hommes libres. On peut être libre avec un monarque comme avec un sénat. Qu'estce que la constitution actuelle ? C'est une république avec un monarque. Elle n'est ni monarchie ni république, elle est l'une et l'autre 1. »

Ce langage manquait de netteté, il manquait de franchise. Sacrifiant, cette fois, aux inspirations d'une habileté vulgaire, et oubliant que sa force avait toujours consisté à marcher en ligne droite à travers les oscillations des partis, Robespierre descendait à la politique de la petite prudence. Il était républicain, de son propre aveu, puisque c'était l'honorer que de l'appeler tel, et qu'il se fût considéré comme déshonoré, s'il eût encouru l'accusation de monarchisme: pourquoi donc jouer sur les mots ? pourquoi affecter tant de dédain pour les formes de gouvernement, toujours et partout si importantes? Il tenait à régler exactement son pas sur celui de la Révolution; il craignait d'aller plus vite que les Jacobins à la bonne heure; mais il aurait dû être alors ce qu'il avait été jusque-là et ce qu'il fut depuis : du parti de sa conscience! Ce qui explique la conduite. d'un homme n'est pas ce qui la justifie; et je n'hésite pas à dire qu'ici Brissot se montrait plus grand que Robespierre.

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A son tour, Danton prit la parole, mais sans oser davantage se déclarer républicain, tant le jacobinisme était encore timide! Il se contenta de tonner contre l'inviolabilité royale, bien sûr que, dans cette sphère d'idées, les applaudissements du club des Jacobins ne lui feraient pas

faute.

1 Journal des débats de la Société des amis de la Constitution, no 26. 2 Ibid,

A l'Assemblée, le débat, ouvert le 13 juillet, ne fut fermé que le 15.

Pétion prouva fort bien que, pour avoir le droit d'être inviolable, il faudrait être impeccable, et que, dans tous les cas, l'inviolabilité ne pouvait être étendue sans folie aux crimes privés du monarque;

L'abbé Grégoire démontra péremptoirement qu'il était impossible de séparer la responsabilité personnelle du roi de tant de circonstances accusatrices complots de Bouillé, faux passe-ports, déguisements, évasion nocturne, préparatifs hostiles de l'étranger, mémoire lancé à la manière du Parthe, qui tirait sa flèche en fuyant;

Robespierre fit ressortir ce qu'il y avait de lâche à frapper les coupables subalternes quand on épargnait les coupables puissants, et combien il était absurde de poursuivre des complices là où l'on assurait qu'il n'existait point de délit ;

Enfin, Buzot nia le droit de l'Assemblée à juger un pouvoir rival, et invoqua l'exemple de la chambre des communes d'Angleterre, qui avait laissé à une convention nationale le soin de décider du sort de Jacques II1...

Mais ni Pétion, ni l'abbé Grégoire, ni Robespierre, ni Buzot, ne touchaient à la vraie question du moment : la vraie question était celle qui, posée aux Jacobins, y avait soulevé une tempête: Lequel vaut mieux d'un gouvernement monarchique ou d'un gouvernement républicain? Car, si l'on admettait que le gouvernement doit être maintenu, il ne restait plus aux constitutionnels qu'à prouver une chose savoir que le principe de l'inviolabilité royale, quels que pussent être d'ailleurs les inconvénients de cette fiction politique, était une condition nécessaire d'existence pour la monarchie. Voilà ce qu'avait parfaitement compris Barnave, et en appuyant sur ce point, il se tenait assuré du triomphe. Mais pour ôter d'avance à la victoire ce que la

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1 Voy. les Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 437-441, et l'Histoire parlementaire, t. II, p. 30.

culpabilité de Louis XVI, implicitement avouée, lui aurait donné d'immoral, le parti constitutionnel avait senti qu'avant de défendre le principe, il fallait s'attacher à défendre l'homme; et, dans le partage des rôles, Barnave s'étant chargé du premier, Salles prit le second.

Le discours de Salles fut un chef-d'œuvre d'habileté insinuante. Il établit, ce qui était vrai au fond, que la fausselé de Louis XVI le mot ne fut pas prononcé - ne provenait que de l'excès de sa faiblesse. Il le peignit entouré de courtisans qui calomniaient devant lui la Révolution, le trompaient sur les sentiments et les volontés du peuple, mettaient un art infernal à égarer son esprit et à épouvanter son cœur. Il présenta le complot qu'on accusait Louis XVI d'avoir tramé contre la nation comme un piége infâme dans lequel l'infortuné monarque avait été lui-même attiré par des serviteurs criminels. Il éveilla la pitié, qui, quelquefois, est la justice. Il prononça ces mots, qui, appliqués à Louis XVI, avaient une signification touchante: «< Combien est malheureuse la condition d'un roi 1! »

Barnave se leva. Il avait toujours visé, même étant tribun, à la gloire de l'homme d'État. Toujours, même dans l'emportement de ses luttes contre Mirabeau, il avait commandé le calme à sa parole et la gravité à son maintien. A plus forte raison devait-il garder cette attitude, maintenant que, lassé du rôle d'agitateur, il se posait en futur ministre. Il fut donc sec, compassé, contenu, dogmatique. Rien, dans son discours, qui fût donné à l'imagination, à l'éclat. Il semblait avoir de propos délibéré éteint son cœur, et ne laissa parler que sa tête. Mais de tout ce qui pouvait servir la cause des constitutionnels, rien ne fut omis par lui.

Vous avez voulu que le roi sanctionnât vos décrets. Il doit pouvoir le faire avec indépendance : s'il n'est pas inviolable, sera-t-il indépendant? Et, s'il doit être inviolable pour que son indépendance soit garantic, ne doit-il pas l'être aussi pour que l'État soit stable? Car c'est l'inviola

1 Mémoires de Ferrières, t. II, liv. X, p. 441-449.

bilité qui, le mettant à couvert des efforts de tous les factieux, le maintient à sa place, et maintient avec lui le gouvernement dont il est le chef. Il existe pour le roi deux genres possibles de délits : délits politiques et délits civils. Quant aux premiers, il faut observer que ce n'est pas le roi qui, à proprement parler, exerce le pouvoir exécutif, ce sont ses ministres, dont le contre-seing est nécessaire; or, ils sont responsables. Pour ce qui est des délits civils, l'avantage qui résulterait de la punition d'une faute de cette nature est en vérité bien peu de chose en comparaison de l'avantage qui résulte pour le peuple de sa tranquillité conservée et de la forme du gouvernement maintenue. Ainsi donc, si le monarque commet un délit civil, le remède à ce mal, c'est la supposition de démence; supposition heureuse qui protége la stabilité du pouvoir, et assure la paix publique, à chaque instant compromise dans le système contraire, par les accusations auxquelles le prince serait en butte.

Telle fut, résumée en peu de mots, l'argumentation de Barnave; et, quoique très-faible contre les républicains, elle avait beaucoup de force contre ceux qui étaient assez inconséquents pour vouloir une monarchie sans les conditions, choquantes mais indispensables, qui la constituent. Barnave finit par ce remarquable appel aux intérêts et aux craintes de la bourgeoisie :

la

« La Révolution ne peut faire un pas de plus sans péril. Si, dans la ligne de la liberté, le premier acte qui suit est l'anéantissement de la royauté, le premier acte qui pourrait suivre, dans la ligne de l'égalité, serait l'attentat à la propriété. Quelle nuit du 4 août reste à faire maintenant ? Tout le monde doit sentir que l'intérêt commun est que Révolution s'arrête. Ceux qui ont perdu doivent s'apercevoir qu'il est impossible de la faire rétrograder; qu'il ne s'agit plus que de la fixer... Régénérateurs de l'empire! présentons une occasion de triomphe aux hommes qui, dans les pays étrangers, ont pris intérêt à notre révolution. Ils nous crient: Vous êtes puissants, soyez

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