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ration invariable, et il avait vu sans colère, avec admiration presque, le député royaliste Guilhermy jeter au loin son chapeau dans la foule, en mettant au défi de le lui rapporter ceux qui criaient : « Restez couverts! » Mais de même que les corbeaux suivent les armées en marche, il est des hommes de proie que les révolutions attirent toujours à leur suite, par l'espoir de quelque pâture sanglante. Au moment où la famille royale allait entrer au palais, des furieux s'élancèrent, impatients de frapper, et, la garde nationale repoussant le choc, il y eut une mêlée où les trois gardes furent meurtris, une mêlée d'où Mathieu Dumas, après y avoir laissé son chapeau, son ceinturon et le fourreau de son épée, ne sortit que les vêtements en lambeaux 1. Dans ce désordre, en présence de ces dangers, la reine eut un mouvement honorable: elle ne voulut descendre de la voiture que la dernière 2. Deux hommes qu'elle détestait, le duc d'Aiguillon et le vicomte de Noailles, étaient généreusement accourus pour la couvrir de leur popularité ; ils l'enlevèrent en quelque sorte malgré sa répugnance; et, sans lui dire un seul mot, la conduisirent, presque en courant, du côté du château, tandis qu'un autre membre de la gauche, Menou, emportait le dauphin dans ses bras".

Rentrée dans ses appartements et n'apercevant pas son fils, Marie-Antoinette fut saisie d'une terreur poignante : elle crut qu'on venait de le lui ravir 5. Mais c'était assez de douleurs pour son cœur brisé : la fortune lui épargna, du moins, ce dernier coup.

Ainsi se dénoua la tragédie de Varennes. 25 juin! date funèbre pour Louis XVI, presque aussi funèbre que le fut, plus tard, celle du 21 janvier! Car, le 21 janvier, on tua l'homme; mais, le 25 juin, on avait tué le roi.

1 Souvenirs de Mathieu Dumas, t. I, liv. V, p. 503.

2 Relation de l'archevêque de Toulouse, t. II, et p. 138 des Mémoires de Weber.

3 Ibid.

4 Souvenirs de Mathieu Dumas, t. I, liv. V, p. 503.

* Relation de l'archevêque de Toulouse, ubi supra, p. 139.

CHAPITRE VI.

INTERRÈGNE.

Politique de l'Assemblée.

liers.

- L'intérieur du château.

Politique des Jacobins. — Politique des Corde

- Men

Effort des constitutionnels pour mettre Louis XVI hors de cause. Le roi et la reine interrogés. - Profession de foi de Philippe d'Orléans. — Injures de Suleau. - Louis XVI sacrifié par l'égoïsme du parti royaliste; manifeste des 290. Lettre de Bouillé. Comment Suleau l'apprécie. — Réponse de Roederer à Bouillé. - Visite au club des Jacobins; leur répugnance pour la république; en quoi ils différaient des constitutionnels. Violences de Marat et de Camille. songes de Fréron. - Bonneville. -- Son rôle en 1791. - Thomas Paine; injustice de ses détracteurs. Affiche de lui, traduite par Duchatelet et demandant la république. Lettre de Duchatelet à Chabroud et à le Chapelier. - Fondation du Républicain. - Initiative hardie prise par Brissot. Condorcet et sa feminc, républicains. — Voltaire porté au Panthéon. - Débats sur le sort du roi. Déclaration ambiguë de Robes

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pierre, aux Jacobins, touchant la république. — Barnave, réactionnaire. Décret du 15 juillet 1791. Le peuple fait fermer les spectacles. Projet de pétition. Sage prévoyance de Robespierre. - Combinaisons politiques de Laclos. — Pétition rédigée par Brissot. - Desmeuniers pare Réunion des Cordeliers au Champ de Mars. - Préparatifs mePalinodie de Vadier. Séance du soir, aux Jacobins, le La pétition de Brissot retirée. · Tableau sinistre tracé par

le coup. naçants. 16 juillet. Robespierre.

Que faire? Telle fut la question que s'adressèrent à la fois tous les partis, dès que la famille royale se trouva ramenée aux Tuileries.

Or, à cet égard, nous allons voir se développer, à travers les péripéties du drame intellectuel le plus intéressant qui fut jamais, trois opinions bien diverses :

L'une aboutissant à conserver la monarchie et à sauver le roi ce fut celle de l'Assemblée ;

La seconde concluant au maintien de la monarchie, mais à la déchéance de Louis XVI: ce fut celle des Jacobins;

La troisième demandant la république : ce fut celle des Cordeliers.

Étudions d'abord la marche de l'Assemblée.

Parmi les constitutionnels, qui surpassaient de beaucoup en nombre les partisans de l'ancien régime, il avait toujours existé, à côté de la fraction parlementaire, conduite par Thouret, d'André, le Chapelier, Desmeuniers, une fraction qui avait son point d'appui au dehors, et qui, poussée en avant par les Jacobins, servie par le Palais-Royal, acclamée par la presse révolutionnaire, s'était composée principalement, jusqu'à la fuite de Varennes, des deux Lameth, de Duport, de Barnave, de Buzot, de Pétion, de l'abbé Grégoire, d'Antoine, de Robespierre.

On a vu de quelle douleur jalouse l'influence croissante de Robespierre aux Jacobins avait pénétré le cœur des Lameth, et comment, sur la pente rapide de la Révolution, Duport s'était arrêté tout à coup, saisi de lassitude, et comment le sourire d'une reine captive avait subjugué Barnave à dater du retour de Louis XVI à Paris, ces quatre importants personnages n'hésitèrent plus. Rompant avec la place publique, rompant avec la fraction jacobine de l'Assemblée, ils se réunirent sans conditions comme sans réserve à la fraction purement parlementaire, qui, dès lors, devint tout à fait dominante, soit à la tribune, soit dans les comités.

J'ai dit ailleurs, en parlant de la bourgeoisie de nos jours: « La bourgeoisie qui n'a pas le sentiment démocratique, est cependant républicaine. Elle n'a, faisant violence à sa nature, adopté la monarchie que par égoïsme. Elle a cru que la royauté l'aiderait à contenir le peuple; que le trône serait comme ces bâtons vêtus qu'on plante dans les champs pour empêcher les oiseaux de s'y abattre '. » Eh

1 Histoire de dix ans, t. V. CONCLUSION.

bien! cet esprit était celui de la bourgeoisie en 1791. Elle voulait un roi qui lui fût asservi, qui consentît à vivre en sous-ordre, qui prît sa majesté au rabais, un roi sans initiative, sans pensée, sans mouvement, mais enfin elle voulait un roi. Considérant le trône comme une niche qui, dans l'intérêt de l'ordre, doit être toujours occupée, elle avait besoin d'y placer une statue, et s'attendait naïvement à la voir rester immobile, lorsque, après tout, cette statue était un homme.

Aussi, que Louis XVI, en punition de sa fuite, fût dégradé publiquement et frappé de déchéance, les constitutionnels de l'Assemblée n'y auraient peut-être pas trouvé trop à redire, ne tenant à la monarchie par aucun sentiment tiré d'une croyance superstitieuse ou d'une fidélité chevaleresque, si le remplacement de Louis XVI sur le trône eût alors été possible d'une manière immédiate, effective et paisible. Mais le dauphin n'était encore qu'un enfant; on se trouvait en pleine révolution, et il y avait, à greffer sur les complications d'une vaste rénovation sociale les embarras d'une régence, un péril qui parlait vivement à l'imagination, déjà fort effrayée, des Thouret, des le Chapelier, des Sieyes, des Goupil de Préfeln, des Barnave, des Duport. Ils résolurent donc de détourner autant que possible, de la tête de Louis XVI, la responsabilité d'une fuite qui, aux yeux de l'opinion et eu égard aux circonstances, était un vrai crime d'État, et cette résolution les conduisit à une série de mesures où il ne pouvait y avoir ni franchise, ni droiture, ni dignité.

La tortueuse politique qui, même après la déclaration si explicite de Louis XVI, avait fait appeler sa fuite un enlèvement, reparut dans le projet de décret suivant, présenté par Thouret, le jour de la rentrée de la famille royale à Paris.

Aussitôt que le roi sera arrivé au château des Tuileries, il lui sera donné provisoirement une garde qui, sous les ordres du commandant général de la garde nationale parisienne, veillera à sa sûreté et répondra de sa personne.

« Il sera provisoirement donné à l'héritier présomptif de la couronne une garde particulière, et il lui sera nommé un gouverneur par l'Assemblée nationale.

« Tous ceux qui ont accompagné la famille royale seront mis en état d'arrestation et interrogés; le roi et la reine seront entendus dans leur déclaration, le tout sans délai. « Il sera provisoirement donné une garde particulière à la reine.

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Jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, le décret du 21 juin, qui enjoint au ministre d'apposer le sceau de l'État aux décrets de l'Assemblée nationale, sans qu'il soit besoin de la sanction et de l'acceptation du roi, continuera d'être exécuté dans toutes ses dispositions.

« Les ministres et les commissaires du roi préposés à la caisse de l'extraordinaire, à la trésorerie nationale et à la direction de la liquidation, demeurent autorisés provisoirement à faire, chacun dans son département, et sous sa responsabilité, les fonctions de pouvoir exécutif 1. »

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Si ce décret avait pu laisser quelques doutes sur l'esprit qui l'avait inspiré, ils eussent été levés par le débat. Roderer ayant laissé échapper le mot d'arrestation provisoire du roi, les constitutionnels éclatèrent en murmures, et Thouret se hâta de protester, en leur nom, contre cette interprétation injurieuse à la royauté. Alexandre Lameth, de son côté, eut grand soin d'établir qu'il ne s'agissait en aucune façon d'altérer la forme du gouvernement. « Envoyés ici, dit-il, pour donner une constitution à notre pays, nous avons cru que l'étendue du royaume et une population de vingt-cinq millions d'hommes demandaient une unité de puissance et d'action qui ne pouvait se trouver que dans une constitution monarchique?» Enfin, Malouet, s'élevant contre des mesures qui, selon lui, constituaient le roi prisonnier, et transportaient tous les pouvoirs dans l'Assemblée, Goupil proposa,« pour tranquilliser M. Malouet, » d'ajouter que la personne du roi serait toujours inviolable et sacrée.

1 Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. X, p. 360 et 361.

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