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nombre des chances offertes par le chaos, le salut de l'ancienne monarchic 1.

montet.

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Quoi qu'il en soit, une députation de soldats, à laquelle s'étaient réunis, ceints de leurs écharpes, les officiers municipaux Guerry, Desbourbes et Nicolas, arrivait, vers midi, au camp de Bouillé. Bouillé leur donna audience dans une vaste cour que remplissaient des grenadiers et des gardes nationaux de Metz 2. Dumontet ouvrait la bouche, lorsque, l'interrompant, Bouillé fit entendre ces paroles sauvages: Je me propose de passer au fil de l'épée.... Ce commencement dispensait du reste. Se tournant vers les siens : Sont-ce là vos intentions? Un cri d'assentiment lui répondit. « Vous avez toujours été le père du soldat, dit timidement DuOui, du soldat soumis, mais j'abandonne le soldat rebelle, et, si je me souviens de lui, c'est pour le punir selon la rigueur des lois 3. » Alors, comme les députés militaires élevaient la voix, ceux de Metz s'écrièrent avec emportement : « Ce sont des coquins, ce sont des traîtres, il faut les pendre'! - Il faut les pendre! répétèrent les soldats suisses du régiment Vigier, en parlant de leurs compatriotes de Châteauvieux, nous rougissons aujourd'hui de notre uniforme, trop semblable à celui de ces brigands. Et ils en retournaient les revers 5. Pour ne pas regagner Nancy, les officiers municipaux prétextèrent la fatigue ". Ils se contentèrent d'y envoyer la lettre que voici :

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« Nous n'avons que le temps de vous mander les intcntions de M. de Bouillé. Il exige que la garnison de Nancy sorte de la ville, ayant à sa tête MM. Malseigne et Denoue, et que quatre hommes par régiment, reconnus chefs de la discorde, soient à l'instant envoyés à l'Assemblée, pour y

1 Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 60.

2 Mémoires de Bouillé, chap. IX, p. 150.

Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Nancy, p. 48. 4 Mémoires de Bouillé, chap. IX, p. 151.

5 Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Nancy, p. 48

6 Ibid., p. 49,

être jugés suivant la rigueur des lois. Si les régiments persistent, dans les vingt-quatre heures après l'arrivée des députés, il entrera dans Nancy à force ouverte et se proposc de passer au fil de l'épée quiconque sera trouvé les armes à la main 1.

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Demander à chaque régiment de choisir quatre hommes à livrer au bourreau, c'était évidemment demander l'impossible.

Ce fut à trois heures et demie qu'on connut à Nancy cette lettre pleine de sang. Nouvelle députation de soldats. Bouillé appelle Gouvernet, et lui dicte la réponse suivante, qu'il signe : «< Dans une heure, MM. Malscigne et Denoue seront hors la ville, ainsi que les trois régiments, reposés sur les armes. Sinon, j'entre à coups de canon 2. » En même temps, il envoyait reconnaître les abords de Nancy, et disposait des piquets de hussards de Lauzun sur les routes qui y conduisent 3.

Contre toute attente, le calme parut à la veille de renaître. Déjà les soldats du Régiment-du-Roi se sont retirés à leurs quartiers, conformément aux ordres de Bouillé ; déjà ils ont envoyé aux autres régiments l'invitation, aussitôt suivie, de les imiter, et tous ils crient la loi! la loi! Denouc est délivré, et voilà qu'à quatre heures, les trois régiments sortent de la ville pour aller se ranger en bataille dans la prairie, près du pont de Maxeville, dans le faubourg des Trois-Maisons. Un peu de défiance existait encore, mais l'espoir commençait à rayonner sur tous les visages, et la joie dominait “.

A Paris aussi, l'esprit de conciliation semblait définitivement l'emporter. Car ce même jour 31 août, presque à la même heure, l'Assemblée avait voté, sur la proposition de

1 Rapport de Sillery, p. 50 et 51.

a Ibid. Bouillé n'a eu garde d'être aussi précis dans ses Mémoires. Voy. le chap. IX de ces Mémoires, p. 153.

3 Nouveaux détails authentiques arrivés de Metz, sur la marche de l'armée de Bouillé, p. 2.

4 Rapport de Sillery, p. 53.

Barnave, l'envoi aux troupes d'une proclamation toute paternelle, destinée à calmer les soldats par la solennelle promesse d'une décision impartiale. En vain Emmery demanda que l'Assemblée approuvât ce que Bouillé avait fuit et refail; en vain les contre - révolutionnaires s'étaient promis de pousser aux mesures de rigueur; en vain la Fayette monta à la tribune pour y faire l'éloge de son cousin Bouillé..., les efforts pacificateurs de Cottin, de Robespierre, de Biauzat, de l'abbé Gouttes, finirent par triompher. Des députés de la garde nationale de Nancy étaient là: Robespierre pressa ses collègues de les entendre, et comment s'y refuser? Les députés parlèrent; ils montrèrent qu'on avait exagéré les torts des soldats, voilé ceux des officiers; ils dirent: « Autant l'insurrection est dangereuse, autant elle est facile à apaiser, en employant les moyens de douceur et de conciliation 1. » Sur quoi, les contre-révolutionnaires euxmêmes sentirent qu'en insistant pour la guerre civile, ils sc couvriraient d'opprobre. Barnave fut adjoint au comité chargé de rédiger la proclamation libératrice, et l'on décida que la force militaire serait mise à la disposition de deux commissaires choisis par l'Assemblée 2.

Hélas! il était déjà trop tard. L'inexorable Bouillé avançait toujours, et tandis que l'Assemblée votait le salut de Nancy, lui touchait aux portes de cette malheureuse ville.

On a vu que les soldats s'étaient soumis, on les a suivis sortant de Nancy.... Il ne restait plus, aux deux portes de Stanislas et de Stainville, que des Suisses de Châteauvieux, mêlés à quelques gardes nationaux. Pour éviter l'effusion du sang, que fallait-il? Que Bouillé consentît à suspendre son entrée. Denoue, qui l'avait rejoint, l'en supplia; il alla jusqu'à se jeter à ses genoux, lui disant qu'il répondait de la ville. Mais non: Bouillé cntendait entrer tout de suite,

1 Moniteur, séance du 31 août.

2 Ibid.

3 Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 68.

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en triomphateur. Il est au moins permis de le croire, d'après sa conduite; car non-seulement il refusa de s'arrêter, mais, au lieu de marcher lui-même à la tête des siens, il s'éloigna de la tête de la colonne pour aller s'entretenir à l'écart avec les officiers municipaux et Malseigne accourus à sa rencontre 1, abandonnant ainsi aux chances d'une collision, trop facile à prévoir, les Suisses de Vigier et ceux de Châteauvieux qu'ils avaient si cruellement outragés. Déjà, du reste, sûr de sa victoire, il avait envoyé préparer les logements et ordonné à la première colonne, qui devait d'abord forcer la porte Stanislas, d'entrer directement par celle de Stainville. Comme Rodais, son aide de camp, portait cet ordre Qui vive? cria, de derrière la porte, un garde national. Ami, répond l'aide de camp. Si vous êtes amis, retirez-vous. Nous venons apporter ici le bon ordre. En avant! marche 2. » A ces mots, se jugeant perdus s'ils cèdent, quelques-uns des défenseurs de la porte Stainville sont saisis de cette fureur aveugle que le désespoir inspire: l'ordre de tirer le canon est donné! Alors, se précipitant sur les pièces et les couvrant de son corps : «Non! s'écrie un jeune officier du Régiment-du-Roi, nommé Désille, vous ne tirerez pas! » On le saisit, on l'arrache de dessus les pièces; mais, avec une obstination héroïque, il se place de nouveau devant la gueule des canons, tombe percé de quatre coups de feu, et pendant qu'un ami l'emporte sanglant dans ses bras, le coup part. On ignore qui mit le feu, si ce fut un cavalier de Mestre-deCamp, lequel aurait tiré son mousqueton sur la lumière, ou un soldat suisse, qui fut ensuite trouvé parmi les morts, tenant encore dans ses mains une mèche allumée . Aussitôt d'affreuses clameurs retentissent, mêlées au bruit de la fusillade; le fantôme de la trahison se dresse devant tous les

1 C'est ce qui résulte du procès-verbal de la municipalité de Nancy et du récit de Bouillé lui-même.

* Nouveaux détails authentiques arrivés de Melz, sur la marche de l'armée de M. Bouillé, p. 7.

B Rapport de Sillery, p. 57.

yeux; les troupes qui sortaient de la ville y rentrent au pas de charge, à la fois incertaines et exaspérées. Deux officiers, Danglant et Bassignac, ont de la peine à contenir Mestrede-Camp1, mais cependant ils y parviennent. Indécis, surieux, partagés entre mille sentiments divers, ceux du Régiment-du-Roi regagnent leurs quartiers, le cœur plein de trouble, et la plus grande partie de Châteauvieux monte à la citadelle. Que pouvaient les défenseurs de la porte Stainville? Elle est emportée, tandis que Bouillé, qui avait sur-le-champ repris ses anciennes dispositions, faisait voler en éclats à coups de canon la porte Stanislas 2. Alors commença un épouvantable massacre. Une pauvre femme, nommée Humbert, courant le risque d'être égorgéc, jeta sur la lumière d'un canon où on allait mettre le feu un vase d'eau et empêcha ainsi le coup de partir. Mais l'humanité avait perdu sa sainte contagion, car l'heure de la rage venait de sonner. Bien décidés à ne point périr sans vengeance, les combattants de la porte Stainville se dispersent, mais pour continuer la lutte. Les uns grimpent au haut des maisons et se placent aux fenêtres; d'autres, réfugiés dans des caves, font feu par les soupiraux; quelquesuns, se jugeant victimes des trahisons de la municipalité, courent à la salle de l'hôtel de ville... et ne s'arrêtent qu'à la vue d'un citoyen qui tombe à genoux devant eux en leur tendant les bras 3. Mais les soldats de Bouillé ne s'arrêtaient point, eux. Le pavé des rues ruisscla de sang; les maisons furent fouillées et marquées pour jamais par l'homicide; on égorgea des enfants, on égorgea des femmes enceintes 4. A sept heures du soir, l'ordre régnait, il régnait appuyé sur trois mille cadavres 5, et les commissaires envoyés par l'Assemblée purent écrire : « Nous

1 Rapport de Sillery, p. 58.

2 Ibid., p. 59.

Extrait du registre des délibérations de Nancy, p. 59.

▲ Histoire abrégée de la Révolution française, par l'auteur de l'Histoire du règne de Louis XVI, t. I, liv. II, p. 71.

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