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gantesque et formidable image de la Mort, ayant un semblant de couronne sur un semblant de tête, avec un hurlement pareil à celui des chiens infernaux qui aboient sans fin ni cesse autour de la ceinture du Péché. C'est un monstre informe né du chaos et de l'enfer 1. >>

Dans le cours de ce débat mémorable, et au moment où Burke prononçait ces mots : Fly from the French constitution (Fuyez la constitution française), Fox ayant dit à demi-voix : « Ceci n'est pas une rupture d'amitié. C'est une rupture d'amitié 2,» avait repris Burke d'un ton sévère. Et en effet, le lien qui avait uni si longtemps ces deux hommes célèbres fut alors rompu, et pour toujours.

Un écrivain français, très-distingué d'ailleurs, prétend que Pitt sembla demeurer impartial et presque indifférent 3. C'est une erreur. Son attitude avait été celle-là, lors de la lutte de 1790; mais, cette fois, sans défier nominativement la Révolution française, il déclara hautement que « Burke avait bien mérité de son pays, pour avoir exprimé avec tant d'habileté et d'éloquence son opinion sur le danger qui existait déjà. » Il parut même, dès lors, prendre plaisir à lui tendre publiquement les bras. N'était-ce pas annoncer qu'il enlevait à l'opposition un de ses chefs, que de dire: « M. Burke peut tenir pour certain que je m'unirai à lui, du fond du cœur, dans tout ce qui sera de nature à préserver ce qu'il estime être la constitution la plus parfaite qui soit au monde, de manière à ce qu'elle soit léguée aux générations futures, comme la meilleure garantie de la prospérité, de la liberté et du bonheur de l'Angleterre s. »

1 << It was a compound (reciting the verses of Milton) of the sublimely obscure and tremendous figure of Death, having the likeness of a kingly crown upon the'seeming head, with the cry of hell-hounds that bark without ceasing around the waist of Sin. It was a shapeless monster, born of hell and chaos. » Annual Register, vol. XXXIII, ch. XII, p. 269.

2 James Prior, Memoir on the life of Burke, ch. XI, p. 283.

M. Villemain, dans son Cours de littérature française, 16e leçon.

* Voy. relativement à cette approbation publiquement donnée à Burke par Pitt, le livre de Prior, p. 382, et l'Annual Register, vol. XXXIII, p. 269. * Annual register, vol. XXXIII, p. 269.

:

Le soir, au sortir de la séance, Curven, un des membres du parti de Fox dans cette question, était à attendre sa voiture, lorsque Burke vint lui demander d'y prendre place il pleuvait. A peine étaient-ils assis, que Burke se mit à revenir avec une chaleur extrême à ses invectives contre la Révolution. Curven gardait le silence. Soudain, Burke se tourne vers lui, le loue vivement de n'être pas de ceux qui approuvent les doctrines révolutionnaires des Français, et se tait pour lui laisser le loisir de répondre. Curven n'eut pas plutôt fait sa profession de foi, que Burke, transporté de fureur, saisit le cordon de la voiture, ct s'écrie: «< Ah! vous êtes de ces gens-là? Vite, descendezmoi! » Ce fut difficilement que Curven parvint à le retenir; mais il continua la route, muet et sombre; et, aussitôt que les chevaux s'arrêtèrent, il s'élança violemment hors de la voiture, sans proférer une parole 1.

L'illustre querelle que la Révolution française venait d'allumer cut une influence considérable sur la politique de l'Angleterre. Le Morning Chronicle déclara que le grand parti des whigs s'étant rangé du côté de Fox, Burke n'avait plus qu'à se retirer du parlement 2. C'était donner un puissant auxiliaire à Pitt, et ajouter aux matériaux de l'incendie qui allait envelopper toute l'Europe.

Les Avignonnais l'avaient achetée à un prix formidable, cette qualité de Français si ardemment désirée ! Et pourtant, jamais, depuis, un regret n'entra dans leur âme, restée pour toujours française. En se donnant à la Révolution, en devenant nos frères, ils s'associaient à des douleurs épiques, ils consentaient à porter avec nous la croix sur la route de notre calvaire! Et l'hésitation leur fut impossible! Oh! qui l'expliquera, ce pouvoir fascinateur dont la France est investie? La révolution qui, en Angleterre, fit Cromwell, avait certes été bien profonde et bien vaste; elle avait ap

1 Travels in Ireland, t. II. Burke, p. 392 et 393.

2 James Prior, p. 394.

Citation de James Prior, dans sa vie de

porté à l'esprit humain d'étranges sujets de trouble, de joie, d'exaltation : d'où vient donc que, sur ces milliers de vaisseaux qu'elle avait à ses ordres, la grande révolte des Anglais fut impuissante à passer la mer? D'où vient que, tandis qu'elle éclatait, on voyait tout en face, sur de voisins rivages, le règne de Louis XIV ouvrir sa marche pompeuse et réglée? Ici, quelle différence! La Révolution française a beau se montrer sous un aspect effrayant, elle a beau ne promettre aux peuples qui se laisseraient séduire qu'une liberté orageuse, son apparition met en mouvement toutes choses, non-seulement autour d'elle, mais au loin. Elle parle, et d'innombrables échos qu'on ne soupçonnait pas portent sa voix jusqu'aux extrémités de la terre. Elle remuc, et la vieille Europe chancelle. Elle fait signe qu'on vienne à elle, et des peuples entiers, comme poussés par une force secrète, se précipitent à sa rencontre. Combien terrible, mais combien glorieuse, est votre destinée, ô mon pays!

CHAPITRE III.

ORIGINE DE LA COALITION.

Catherine II poursuit ses conquêtes. · Revers des Turcs. Prise d'Ismaïlow par les Russes; épouvantable carnage. Sensation produite par ces événements à Londres et à Berlin. - Tendances de Frédéric-Guillaume modifiées. Il adopte un nouveau plan. - Négociation confiée à BischofsOuvertures faites à la cour de France, de la part du roi de Vues secrètes de Montmorin; il repousse les ouvertures de la Retour de Frédéric-Guillaume à ses penchants de Reichembach.

werder. Prusse. Prusse.

- Politique occulte de Léopold. - Retraite d'Hertzberg.

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la circulaire aux ambassadeurs du 23 avril 1791. — Duplicité de Louis XVI. Fluctuations de la cour de France.

du comte d'Artois.

-

Défiances de la reine à l'égard

- Le comte d'Artois à Coblentz.

La petite cour de Coblentz, dirigée par Calonne. - Louis XVI et la reine se rapprochent tout à coup du comte d'Artois. - Mission confidentielle du comte de Durfort. Conférences de Mantoue.

-

Berceau de la coalition.

- Léopold opposé au projet de fuite. — Intrigues du baron de Breteuil, rival de Calonne. Louis XVI décidé à fuir; ses motifs déterminants; il entraîne Marie-Antoinette. Lettre inédite de cette princesse à Léopold.

Cette force attractive de la Révolution française, les rois n'en voyaient que trop bien les effets, et ils en comprenaient du reste la portée; mais des complications diplomatiques, auxquelles il leur était difficile de trouver une issue, embarrassaient leur marche, dispersaient leurs efforts, suspendaient leurs coups.

Revenons à l'extérieur, en reprenant les choses au point où nous les avons laissées.

On a vu, dans un précédent chapitre, comment, le 5 août 1790, le traité de Reichembach avait mis fin aux

longues rivalités de l'Autriche et de la Prusse; comment, presque aussitôt après, la paix de Vérela avait désarmé, dans le Nord, Catherine II et le roi de Suède; comment enfin Léopold, proclamé empereur le 30 septembre, avait profité de son rapprochement avec la Prusse pour faire rentrer, vers la fin de 1790, les provinces belgiques sous la domination autrichienne.

Pas un de ces événements qui n'eût levé un des obstacles qui s'opposaient à la coalition des souverains contre la France révolutionnaire. Mais le dernier et le plus considérable de tous subsistait encore: c'était la guerre furieuse, la guerre sans merci, que Catherine II faisait aux Turcs.

En informant la czarine du résultat des conférences de Reichembach, l'Autriche et la Prusse n'avaient pas manqué de lui présenter leur conduite comme un exemple à suivre. On avait même insinué que, si Catherine II refusait absolument d'entrer dans une politique de modération, une armée prussienne ne tarderait pas à couvrir les frontières de la Courlande. L'habile impératrice répondit que le Turc lui ayant déclaré la guerre, on ne devait pas s'attendre à ce qu'elle se laissât dicter les lois de la paix. En même temps, elle eut soin de tenir aux trois cours de Vienne, de Berlin et de Saint-James, un langage plein de douceur, leur donnant à entendre que sa sympathie à leur égard pouvait beaucoup plus, pour la pacification générale, que toutes les menaces 2.

Mais ces vaines démonstrations d'amitié ne faisaient illusion ni à la Prusse, ni à l'Angleterre. Inquiètes des progrès de la Russie, ces deux puissances avaient vu avec plaisir le roi de Suède tirer l'épée contre elle; et Gustave était à la veille de recevoir, de la première un secours en argent, de la seconde un secours en vaisseaux, lorsque tout à coup la paix de Vérela vint déjouer la jalousie satisfaite des deux cabinets, déranger leur politique, enlever à l'An

1 Extract of a letter from lord Malmesbury to the duke of Portland. Diaries and correspondence of the earl of Malmesbury, vol. II, p. 436.

2 lbid.

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