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seigne ramené à Nancy.

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Triomphe

rencontre avec les carabiniers de Lunéville; combat; capitulation; MalBouillé marche sur Nancy. - Députations envoyées pour le fléchir. Projet de pacification proposé par Barnave et adopté par l'Assemblée. Fatal conflit à la porte Stainville; occupation violente de Nancy. Les rues inondées de sang. Scènes d'héroïsme. Scènes d'horreur. Desille. Sauvet. Bouthillier. sauvage de la municipalité de Nancy. - Vengeance et réaction. Comment Louis XVI parle du massacre des soldats. Lettre secrète de la Fayette, trouvée, depuis, dans l'armoire de fer. Le Champ-de-Mars tendu de drap noir. Mort de Loustalot. Réhabilitation ultérieure des Suisses de Châteauvieux, condamnés aux galères; leur bonnet de galérien adopté comme la coiffure révolutionnaire 1.

ne

La Révolution française, qui remua toutes choses, pouvait manquer de mettre en lumière le danger des armées

1 Nous avons déjà parlé des trésors historiques que possède, en ce qui touche spécialement la Révolution française, le BRITISH MUSEUM, Il nous a fourni, relativement à cette affaire de Nancy, qui n'a été jusqu'ici ni bien éclaircie ni complétement racontée nulle part, des documents sans nombre et d'une valeur inappréciable. Nous avons pu écrire ce terrible drame, ayant sous les yeux, indépendamment des journaux du temps et des mémoires, seules sources où les auteurs de l'Histoire parlementaire paraissent avoir puisé :

1o Détail des événements survenus à Nancy au régiment suisse de Lullin de Châteauvieux, par le baron de Salis-Samade, major de ce régiment ; 2o Relation exacte et impartiale de ce qui s'est passé à Nancy, par Léonard; 3o Précis des principaux événements arrivés à Nancy, publié par la municipalité de cette ville; 4o Rapport de Sillery à l'Assemblée nationale ; 5o Rapport de Duveyrier et Cahier, commissaires nommés par le roi; 6o Réponse au rapport de MM. les commissaires du roi, sur les troubles de Nancy; 70 Lettre de M. Louvain Pescheloche en réponse à celle de M. Sillery, rapporteur de l'affaire de Nancy; 80 Ce qui m'est arrivé avant, pendant et après le transport armé de la garnison de Nancy à Lunéville, par Journiac SaintMéard; 90 Nouveaux détails authentiques sur la marche de l'armée de Bouillé; 10° Récit des principaux fails arrivés à Nancy et auxquels la garde nationale de Metz a pris part; 11o Détail de l'affreuse révolte de la garnison de Nancy; 12o Détail des ravages, désordres et excès commis dans la ville de Nancy; 130 Dialogue entre deux citoyens sur l'affaire de Nancy; 140 Le sens commun du bonhomme Richard, sur l'affaire de Nancy; 150 Extrait des registres des délibérations du département de la Meurthe; 16° Extrait du registre des délibérations de la municipalité de Nancy; 17° Lettre de M. de Bouillé à M. de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, etc., etc., sans compter un manuscrit contenant, sur la composition des régiments à cette époque et sur leur esprit, des détails fort curieux et très-précis.

permanentes. Dès le mois de février 1790, elle s'était, par l'organe de Charles Lameth, exprimée en ces termes :

« Les armées, faites pour défendre les peuples, ne sont occupées qu'à les contenir. Destinées à protéger la liberté, elles l'oppriment; à conserver les droits du citoyen, elles les violent. Si, dans un coin de l'empire, quelques hommes généreux ont assez d'énergie pour n'être point arrêtés par la crainte et réclament les droits naturels, on y envoie des soldats. Les faibles plient, les courageux périssent, et tout rentre dans l'ordre, c'est-à-dire dans l'esclavage. Vivant au sein, je ne dirai pas de leur patric, mais de leur pays, comme des conquérants au milieu de peuples vaincus, les officiers et les soldats, instruments aveugles des volontés du maître, ne sont occupés qu'à étendre sa gloire, c'est-à-dire son autorité. En entrant au service, ils doivent renoncer aux plus chères affections de la nature. Leur religion est de ne connaître ni parents, ni frères, ni amis, de ne savoir qu'obéir 1. »

:

Ce langage était bien celui de la Révolution. Malheureusement, l'aspect de l'Europe ne paraissait pas tel, que de ces simples et fortes paroles on se crût autorisé à tirer leur conclusion naturelle la suppression du fléau qu'elles dénonçaient. Plus d'armée permanente! Quand de toutes parts les rois unissaient déjà leurs alarmes et leurs colères ; quand déjà l'on pouvait de loin prêter l'oreille au bruit de leurs bataillons en marche; quand cette force terrible que le génie de la liberté condamnait, la patrie semblait au moment d'avoir à la réclamer pour sa défense! Devant de semblables périls, les membres même les plus ardents de l'Assemblée hésitèrent, et il avint qu'elle fit alors à l'égard de l'armée ce qu'elle avait fait à l'égard de l'Église ne se jugeant pas en mesure d'abolir une institution dont elle sentait pourtant bien tous les vices, elle s'étudia péniblement à la réformer au risque de la rendre, en la perfectionnant, plus dangercuse encore et plus funeste.

1 Moniteur, séance du 9 février 1790.

Dans l'armée comme partout, sous l'ancien régime, il y avait eu accumulation de monstruosités. Ces groupes d'hommes dressés pour donner la mort et la recevoir, qu'on appelle régiments, on les possédait de la même manière qu'une forêt, un champ, une maison; on se les passait de main en main, on les transmettait, on en formait la dot d'une fille à marier; les grades appartenaient presque toujours aux titres, ils ne revenaient de droit ni au mérite reconnu ni aux services proclamés; pendant la plus grande partie de l'année, les chefs étaient exempts de tout soin et n'avaient point à s'embarrasser de la surveillance de leurs corps; certains régiments jouissaient de priviléges odieux ou ridicules; le luxe des emplois inutiles allait jusqu'au scandale; le sort du militaire, enfin, dépendait du caprice, non de la loi 1: ce fut sur tous ces abus que l'Assemblée constituante songea d'abord à porter la cognée.

A la suite d'un débat auquel donna lieu un projet de Menou, conforme aux idées émises, soit par Noailles dans la séance du 1er février 1790, soit par Charles Lameth dans celle du 9, il fut décrété :

Que le roi était le chef suprême de l'armée;

Que l'armée était essentiellement destinée à combattre les ennemis extérieurs de la patrie;

Qu'il ne pourrait être admis ou introduit de troupes étrangères dans le royaume et l'armée qu'en vertu d'un acte du pouvoir législatif;

Que les sommes nécessaires à l'entretien de l'armée seraient fixées par chaque législature;

Que nul militaire ne pourrait être destitué de son emploi que par jugement légal;

Que le militaire conserverait son domicile malgré les absences nécessitées par le service et jouirait des droits de citoyen actif s'il en réunissait les conditions;

Que, même dans le cas contraire, ces droits lui scraient accordés après seize années de service;

1 Discours prononcé par Charles Lameth, dans la séance du 9 février 1790.

Que la vénalité des emplois militaires serait supprimée ; Que la paye du soldat serait augmentée de trente-deux deniers 1.

Il y avait loin de là à un plan général de réorganisation. Il restait à savoir :

De combien d'hommes se composerait l'armée;

A quel chiffre on en fixerait les dépenses;
Quelle serait la solde pour chaque grade;

Quelles seraient les règles d'admission et d'avancement; Comment aurait lieu l'introduction des troupes étrangères;

Comment les tribunaux militaires seraient organisés.

Deux questions surtout se présentaient, pressantes et d'une importance décisive. Il avait été décidé que le recrutement de l'armée active se ferait par engagements volontaires, ce qui était très-admissible en temps de paix; mais, en temps de guerre ?... Pouvait-on espérer que des engagements volontaires suffiraient à remplir les vides faits par les batailles? L'emploi des troupes dans l'intérieur du royaume était un autre problème à résoudre, et un problème brûlant. Il y allait ici de la liberté.

Sur tout cela, l'Assemblée enjoignit à son comité de constitution militaire de lui apporter le plus tôt possible des projets de loi indépendamment d'un plan général qu'elle attendait du ministre de la guerre, en se réservant et l'examen et les solutions 2.

Mais tel était, à cette époque de régénération sociale, le nombre des affaires à mener de front, telle était l'immensité des travaux à accomplir, que quatre mois et demi s'écoulèrent, sans amener d'autre résultat qu'un rapport du vicomte de Noailles, touchant le chiffre de l'armée. Dans ce rapport, présenté le 13 juillet 1790, le chiffre nécessaire était évalué à deux cent trente mille hommes... en cas de guerre générale seulement; car l'orateur se hâtait d'ajouter qu'en temps de paix, une pareille force serait dangc

1 Moniteur, séance du 27 février 1790.

2 Ibid., séance du 28 février 1790.

reuse, et il concluait à ce qu'une partie de cette armée fût dispersée dans les départements, employée aux travaux de l'agriculture ou du commerce, sauf à rentrer sous les drapeaux, à l'heure du péril, sur un décret de l'Assemblée, sanctionné par le roi 1. Du reste, loin de combattre l'admission des troupes étrangères dans nos rangs, le rapport énumérait avec une génércuse complaisance les services militaires qu'avaient rendus à la France les Irlandais, les Allemands, les Suisses. A Gættingue, n'avait-on pas vu ceuxci, que la pluie empêchait de se servir de leurs armes, combattre jusqu'à la fin à coups de pierre? Ah! ils étaient dignes de braver la mort à côté des enfants de la France, ceux dont les pères écrivirent, à Morat, sur un monceau d'ossements : « Les Bourguignons ont voulu conquérir un peuple libre; voilà ce qu'ils ont laissé! »

Le 19 juillet, l'Assemblée décréta que le nombre des individus de chaque grade serait déterminé par un décret législatif, et, le 31 juillet, que l'armée active se composerait, au plus, de cent cinquante-six mille hommes, dont cent treize mille infanterie, trente-deux mille cavalerie, et onze mille génie 2.

Un épouvantable drame militaire interrompit ces tra

vaux.

C'est la puissance et la gloire de l'homme d'achever ce qui est incomplet, de perfectionner ce qui est défectueux; mais prétendre à installer le bien au centre même du mal, mais viser au perfectionnement du mensonge suivant les notions qu'on a de la vérité, mais vouloir donner à la mort les lois de la vie, c'est chose insensée. L'Assemblée allait cn faire une cruelle expérience. Elle s'était bercée de l'espoir que, sans inconvénient, au gré de ses plus nobles fantaisies, elle pourrait parler aux soldats de leurs droits, leur conférer le beau titre de citoyens, leur en assurer les garanties, les ranger sous la protection de la loi commune, exalter en eux le sentiment de la dignité humaine; et elle ne s'était

1 Moniteur, séance du 13 juillet 1790.

2 Ibid., séance du 31 juillet 1790,

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