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nous blâme-t-on aussi de n'avoir pas déclaré que le soleil est l'astre de la nation, et que nul autre ne sera reconnu devant la loi pour régler la succession des jours et des nuits 1?» L'adresse defend ensuite le principe des élections populaires, en l'appuyant sur des citations du texte sacré; elle fait revivre le souvenir des intrigues auxquelles la plupart des évêques, dans les temps modernes, avaient dû la crosse et la mitre; elle établit, par les usages de la primitive Église, le droit du pouvoir temporel à circonscrire comme il lui plaît les évêchés; elle trace un magnifique tableau de l'avenir que les lois nouvelles promettent à la vraie religion, celle des hautes intelligences et des cœurs purs : « O Israël, que vos tentes sont belles! O Jacob, quel ordre, quelle majesté dans vos pavillons 2 ! »

Ce fut le 14 janvier 1791 que Mirabeau lut à l'Assemblée son projet d'adresse, communiqué, disait-on, au comité ecclésiastique et adopté par lui avec quelques légères modifications. Mais il arriva que les principes émis parurent, même aux jansénistes, d'une hardiesse effrayante; l'admiration philosophique professée pour la sublimité de l'Évangile les blessa comme une réminiscence trop libre du Vicaire savoyard et comme un déguisement du déisme. Pendant que Mirabeau lisait, l'agitation de Camus était visible. A ces mots de l'adresse : « Il y a un mois, les chrétiens éclairés se demandaient où était la religion de leurs pères,» il ne put se contenir davantage et s'écria: «< On ne peut entendre cela!... Il y a là dedans des abominations!» Regnault de Saint-Jean d'Angely ayant alors observé que peut-être le travail avait subi des changements depuis qu'il avait été remis au comité, Mirabeau, dont la loyauté était mise en question par ce doute, demanda que le bureau constatât l'état actuel de l'adresse, et il fit cette fière déclaration : « Il n'y a pas là une ligne, pas unc cxpression, dont mon honneur et ma tête ne répondent. »

1 Voy. le no 1 des documents historiques à la fin de ce volume.

2 lbid.

La séance fut levée; le comité ecclésiastique, réuni aux comités d'aliénation, des rapports et des recherches, substitua un travail, qui lui était propre, à celui de Mirabeau, dont, après tout, il ne différait pas d'une manière essentielle, et ce nouveau travail, présenté le 21 janvier 1791, fut adopté sous le nom d'Instruction sur la constitution civile du clergé 1.

Ce jour-là même, Mirabeau écrivait à la cour:

« On ne pouvait pas trouver une occasion plus favorable de coaliser un grand nombre de mécontents, de mécontents d'une plus dangereuse espèce, et d'augmenter la popularité du roi aux dépens de celle de l'Assemblée nationale. « Il faut pour cela :

« 1° Provoquer le plus grand nombre d'ecclésiastiques fonctionnaires publics à refuser le serment;

« 2o Provoquer les citoyens actifs des paroisses, qui sont altachés à leurs pasteurs, à se refuser aux réélections;

« 3° Porter l'Assemblée nationale à des moyens violents contre ces paroisses...

« 4° Empêcher que l'Assemblée n'adopte des palliatifs qui lui permettraient de reculer d'une manière insensible et de conserver sa popularité;

« 5o Présenter en même temps tous les projets de décrets qui tiennent à la religion, et surtout provoquer la discussion sur l'état des juifs d'Alsace, sur le mariage des prêtres et sur le divorce, pour que le feu ne s'éteigne point par défaut de matières combustibles;

« 6o Joindre à cet embarras celui d'un sacre d'évêque; « 7° S'opposer à toute adresse où l'on énoncerait que l'Assemblée n'a pas voulu toucher au spirituel;

«8° Quand on en serait venu à l'emploi de la force publique, provoquer des pétitions dans les départements pour s'y opposer 2. »

1 Voy. la Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de la Marck, t. II, p. 369-374.

2 Ibid., p. 374 et 375. Quarante-troisième note de Mirabeau pour la

cour.

Voilà dans quels piéges honteux Mirabeau voulait qu'on fit tomber une assemblée dont, en ce moment-là même, il briguait la présidence! Ses abominables conseils étaient, du reste, superflus. Les prêtres, par malheur, n'avaient pas besoin que la cour les aidât à bouleverser le royaume, et Cazalès ne caractérisa que trop bien les maux déposés au fond de la constitution civile du clergé, lorsque, le 26 janvier 1791, dans un des plus vifs discours qui fussent jusqu'alors tombés de sa bouche éloquente, il s'écria:

« Plût à Dieu que la nation tout entière pût tenir en cette enceinte ! Le peuple de France nous entendrait, il jugerait entre vous et moi. Je vous dis qu'un schisme se prépare. Je vous dis que le corps des évêques et la grande majorité du clergé inférieur jugent l'obéissance à vos décrets attentatoire aux principes de la religion. Je vous dis, je vous dis que ces principes sont supérieurs à vos lois. Chasser les évêques de leurs siéges et les prêtres de leurs paroisses est un mauvais moyen, croyez-moi, de vaincre leur résistance. Pensez-vous donc que les évêques chassés n'excommunicront pas leurs successeurs? Pensez-vous que les fidèles ne demeurerout pas en grand nombre attachés à leurs anciens pasteurs et aux préceptes éternels de l'Église? Voilà donc le schisme qui se déclare, voilà les disputes religieuses qui commencent. Le peuple doutera de la validité des sacrements; et tremblez de voir se retirer de lui cette religion sublime qui, prenant l'homme au berceau et l'accompagnant jusqu'à la tombe, lui ménage la plus douce des consolations dans les misères de cette vie. Ainsi les victimes de la Révolution se multiplieront, et le royaume scra divisé. Vous verrez les catholiques errer sur la surface de l'empire, à la suite de leurs ministres persécutés, qu'ils accompagneront jusque dans les cavernes et les déserts. Vous les verrez réduits à cet état d'oppression et de misère où les protestants furent plongés par la révocation de l'édit de Nantes. Ah! si vous n'êtes pas insensibles aux malheurs que vous déchaîneriez de la sorte sur votre pays, si vous l'aimez, prenez du

temps, attendez l'approbation de l'Église de France, attendez, attendez ! »

Avant Cazalès, Montlosier avait dit :

« Je ne crois pas que les évêques puissent être forcés d'abandonner leurs siéges. Si on les chasse de leurs palais, ils se retireront dans des cabanes. Si on leur enlève leurs crosses d'or, ils en prendront de bois; et, après tout, c'est une crosse de bois qui a sauvé le monde 1.

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Mais à ce bois sauveur pourquoi donc les prêtres avaientils substitué l'or?.....

1 Bertrand de Moleville, Annale de la Révolution française, t. III, chap. xxxv.

CHAPITRE VII.

LE SALUT DE L'HUMANITÉ EST LA SUPRÊME LOI.

Fausseté de Louis XVI; une lettre de lui au roi de Prusse. Changement dans le système politique de l'Europe. Histoire des circonstances qui amènent ce changement. - Rapprochement entre Léopold et FrédéricGuillaume, en haine de la Révolution française. Congrès de Reichembach. Paix de Vérela entre Catherine II et le roi de Suède. Tous les souverains, l'œil fixé sur la France.- Les calomniateurs de la Révolution française en Europe: Calonne, Lally-Tollendal, Burke. - Pamphlet furieux lancé par Burke; immense impression qu'il produit. — Concert des rois pour complimenter l'auteur. Que ce fut le premier coup de canon réellement tiré contre la France. - Les Autrichiens à Bruxelles. Louis XVI songe à s'enfuir. - Plan de politique intérieure soumis sccrètement à la cour par Mirabeau. Correspondance occulte de Louis XVI avec Bouillé. · Machinations du comte de Provencc.- Troubles à Aix.Complot découvert à Lyon. - Bruits Sanglante affaire à la Chapelle. d'émigration; inquiète vigilance exercée sur les routes. Les tantes du roi sortent de Paris. Agitation universelle. Le peuple au Luxembourg. Hypocrisie du comte de Provence. Voyage tumultueux à Vincennes pour démolir le donjon. Une loi contre l'émigration, discutée. Grand rôle de Mirabeau dans cette circonstance. Incident des chevaliers du poignard. Une séance du club des Jacobins. - Que c'est le SALUT DE L'HUMANITÉ et non le SALUT DU PEUPLE qui est la suprême loi. Réalité et importance tragique de cette distinction.

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....

Dans le grave et solennel document par lequel Louis XVI avait annoncé à l'Assemblée nationale qu'il acceptait le décret sur le serment des prêtres, il s'était exprimé en ces termes : « Puisqu'il s'est élevé sur mes intentions des doutes que la droiture connue de mon caractère devait éloigner, ma confiance en l'Assemblée nationale m'engage à accepter. Il n'est pas de moyens plus sûrs, plus propres à calmer les agitations, à vaincre toutes les résistances, que la

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