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aventures ne peuvent être vraies, parce qu'elles ne conviennent ni à Dieu ni aux hommes. Permettez-moi, pour estimer Jésus, de rayer des Évangiles les miracles qui le déshonorent. Je défends Jésus contre vous (1). » Voltaire a raison. Le monde moderne ne croit plus au surnaturel; dès lors, s'obstiner à maintenir les miracles, c'est compromettre l'existence même du christianisme. Si l'on veut sauver la religion chrétienne, il en faut séparer tout ce qui tient du prodige. Ce travail se fait dans la conscience générale en dépit des efforts d'une aveugle orthodoxie.

(1) Voltaire, Dieu et les hommes, ch. xxxII. (OEuvres, t. XXX, pag. 276.)

CHAPITRE II

L'IDÉE DE LA RÉVÉLATION

§ 1. La révélation miraculeuse

No 1. La révélation miraculeuse est-elle en harmonie avec la destinée humaine?

Avec les miracles et les prophéties s'écroulent les fondements du christianisme traditionnel. Est-ce à dire que toute religion tombe avec la religion du Christ? Pendant longtemps amis et ennemis s'accordaient sur cette question capitale. Les philosophes du dernier siècle, les matérialistes du moins, comptaient bien qu'en ruinant le christianisme, ils ruinaient pour toujours toute religion, ou, comme ils disaient, toute superstition. Il y avait, il est vrai, des spiritualistes qui n'attaquaient dans le christianisme que ses dogmes absurdes, sa prétention à une origine divine, et qui voulaient mettre à sa place la religion naturelle. Mais à ceux-ci les défenseurs de l'Église objectaient que la religion révélée était la seule religion possible; qu'il y avait donc à choisir : voulait-on conserver une religion, il fallait maintenir le christianisme traditionnel si l'on détruisait le catholicisme, on détruisait par cela même toute religion, et avec la religion, la morale et la société. Il faut nous arrêter à cette nouvelle phase de la lutte entre la libre pensée et l'orthodoxie chrétienne; c'est celle qui pour nous, hommes du dix-neuvième siècle, a le plus d'intérêt, car c'est de notre avenir qu'il s'agit. Nous avons la conviction qu'il n'y a point de vie sans religion. Reste à savoir s'il n'y a point de religion possible en dehors de l'Église catholique.

Le christianisme est une religion révélée. Notre question revient donc à savoir si la révélation est de l'essence de la religion. La révélation a été considérée jusqu'ici comme une communication directe, miraculeuse de la vérité, que Dieu fait aux hommes, alors même qu'il leur parle par la bouche d'un prophète tel que Moïse. Le christianisme est une révélation plus directe encore, puisque c'est Dieu qui s'est fait homme, qui a vécu au milieu de nous, qui nous a enseigné la loi de vie. Pourquoi Dieu révèle-t-il lui-même aux hommes les conditions du salut, par une voie plus ou moins surnaturelle? On répond que l'homme, par les seules forces de sa nature, ne se serait jamais élevé aux vérités qui lui sont révélées; il les reçoit des mains de Dieu, par un bienfait de sa charité, de même qu'il est sauvé par une grâce spéciale. La révélation chrétienne est miraculeuse de son essence; elle consiste dans le plus grand, le plus inexplicable des miracles : l'Etre infini qui prend la nature finie, le Créateur qui se fait créature. De plus, la révélation chrétienne s'établit par des miracles; elle est prédite par des prophètes, qui écrivent sous l'inspiration du Saint-Esprit; elle est attestée par des faits qui sont une interversion des lois générales de la nature, interversion que la Providence a préparée de toute éternité, pour accréditer les révélateurs. Une révélation pareille est-elle en harmonie avec la notion que nous avons de Dieu et de la destinée de l'homme?

Quelle est la destinée de l'homme et comment Dieu y intervient-il? Les chrétiens répondent que l'homme est sur cette terre pour faire son salut, en gagnant la béatitude éternelle; les philosophes répondent qu'il a pour mission de développer ses facultés physiques, intellectuelles et morales, dans la plus riche harmonie. En apparence, le but que la philosophie et la religion poursuivent n'est pas le même, et les moyens qu'elles offrent pour y parvenir, diffèrent également. Toutefois il y a un principe commun. Les philosophes veulent que l'homme travaille sans cesse à sa perfection. Et Jésus-Christ ne dit-il pas à ses disciples: Soyez parfaits comme votre père dans les cieux? Comment l'homme atteindra-t-il la perfection relative à laquelle sa nature imparfaite lui permet d'aspirer? Il faut qu'il connaisse la vérité sur Dieu et sa destinée; il faut ensuite qu'il vive conformément à ses croyances. Sur ce point encore, la philosophie et la religion sont d'accord. Mais

quand on demande par quelle voie l'homme accomplira sa destinée, les chrétiens et les libres penseurs se partagent. Ceux-ci répondent que Dieu nous a donné la raison pour connaître la vérité, et la conscience pour la pratiquer. Les chrétiens prétendent que la raison est insuffisante, qu'il faut à l'homme le secours extraordinaire de la parole divine pour connaître le vrai, qu'il lui faut encore l'appui spécial de Dieu pour que ses actions méritent la vie éternelle. Dans la philosophie, tout est naturel; dans le christianisme, tout est surnaturel. Laquelle de ces deux voies convient le mieux à l'homme et à la Providence?

L'idée du perfectionnement qui est commune à la philosophie et à la religion, implique un développement successif. Or, nous ne connaissons qu'un seul moyen de développer les facultés humaines, c'est l'action, le travail. Y a-t-il une autre voie de perfectionner l'intelligence que le travail intellectuel? Est-il possible de perfectionner le sentiment autrement que par des actes de charité, en pratiquant le dévoûment, l'abnégation, le sacrifice? Quant au développement des facultés matérielles, la nécessité de l'activité humaine est si évidente, qu'il est inutile d'y insister. L'homme joue donc le grand rôle dans le rude labeur de son perfectionnement. Toutefois, Dieu y intervient. Les chrétiens et les philosophes qui admettent une Providence, s'accordent encore en ce point; mais leur désaccord commence, et il est capital, quand il s'agit de déterminer le mode d'intervention du Créateur, dans le salut des créatures.

Les philosophes disent que Dieu ayant créé l'homme en lui imposant comme loi de se perfectionner, doit lui avoir donné aussi les moyens d'atteindre ce but. En sortant des mains du Créateur, la créature possède tout ce qui lui est nécessaire pour accomplir sa destinée. L'homme est doué de raison, afin qu'il puisse connaître la vérité. Il est doué de sociabilité, parce que ce n'est que dans l'état de société qu'il peut pratiquer le dévoùment, le sacrifice, la charité; ce n'est qu'en unissant ses efforts que l'humanité parvient à dompter la matière pour s'en faire un instrument de développement intellectuel et moral. Enfin l'homme est doué de liberté; ce n'est que comme être libre, qu'il a une existence à lui, qu'il est un être distinct de son créateur, distinct des autres créatures. Que faut-il de plus aux hommes pour se développer et se perfectionner? Les libres penseurs ne conçoivent pas qu'il faille

ture tels sont la Trinité, le péché originel, la prédestination, la grâce. Que les mystères soient au dessus de la raison, la chose est évidente puisqu'elle ne les comprend même pas, malgré la révélation qu'il a plû à Dieu d'en faire. Mais l'incompréhensibilité des prétendues vérités révélées est pour les philosophes le plus fort argument contre la révélation.

La raison, dit Rousseau, nous fait connaître Dieu; elle nous apprend encore que l'âme est immortelle, et que l'homme sera puni ou récompensé dans une vie future, selon qu'il aura observé ou violé les lois de la morale que le créateur a gravées dans sa conscience. Ces vérités constituent ce que l'on appelle la religion naturelle. Si cette religion est insuffisante, comme le disent les chrétiens, c'est sans doute pour l'obscurité qu'elle laisse dans les grandes vérités qu'elle nous enseigne, ou parce qu'il y a des vérités qu'elle ignore. Puisque la révélation doit suppléer à l'insuffisance de la raison, il faut qu'elle nous explique d'une manière plus claire, plus lumineuse, plus complète, les vérités qui font l'objet de la religion; et la révélation s'adressant à tous, tandis que l'on reproche à la raison de ne s'adresser qu'au petit nombre, il faut qu'elle enseigne ces vérités d'une manière sensible à l'esprit de l'homme, de façon à les mettre à la portée des plus simples. Il est facile de voir, continue Rousseau, que cette notion de la révélation est en contradiction ouverte avec celle du mystère. Les mystères impliquent l'obscurité, une obscurité telle qu'il est impossible à la foi la plus vive, à la raison la plus forte d'en pénétrer la signification. Cependant la révélation qui les fait connaître, a, dit-on, pour but, de dissiper les ténèbres naturelles de l'esprit humain. Et pour dissiper ces ténèbres, elle augmente l'obscurité (1)! L'homme comprend à la rigueur l'existence de Dieu, il se fait une idée de ses attributs connaissance insuffisante, les philosophes l'avouent, puisqu'un être fini ne peut comprendre l'être infini. Mais qu'est-ce que le mystère de la Trinité lui apprend de plus? Rien, absolument rien; il ne fait qu'épaissir les ténèbres. Convenons que voilà un singulier moyen d'éclairer l'homme!

Les défenseurs de la révélation disent que les philosophes n'y entendent rien. C'est le reproche banal qu'ils font à la philosophie;

(1) Rousseau, Ėmile, liv. IV.

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