Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Le roi donne des gages aux comédiens, et le curé 1727. les excommunie. Le magiftrat de la police a grand foin d'encourager le peuple à célébrer le carnaval; à peine a-t-il ordonné les réjouiffances qu'on fait des prières publiques, et toutes les religieufes se donnent le fouet pour en demander pardon à DIEU. Il est défendu aux bouchers de vendre de la viande les jours maigres, les rôtiffeurs en vendent tant qu'ils veulent. On peut acheter des eftampes, le dimanche, mais non des tableaux. Les jours de la Vierge on n'a point de fpectacles, on les repréfente tous les dimanches.

On lit dévotement à l'église les chapitres de Salomon, où il dit formellement que l'ame'est mortelle, et qu'il n'y a rien de bon que de boire et de fe réjouir.

On fait brûler Vanini, et on traduit Lucrèce pour monfieur le dauphin, et on fait apprendre par cœur aux écoliers, formofum paftor Corydon, &c. On fe moque du polythéifme, et on admet le trithéifme et les faints.

En Angleterre les ducs font appelés princes. La communion anglicane eft oppofée au gouvernement qui la tolère; la liberté, et les matelots enrôlés par force; défense d'injurier perfonne, mais permis de mettre la première lettre du nom, &c.

[ocr errors]

LETTRE XXXIII

VOICI

A M. THIRIOT.

A Londres, 4 augufte.

1728.

OICI qui vous furprendra, mon cher Thiriot, c'eft une lettre en français. Il me paraît que vous n'aimez pas affez la langue anglaise pour que je continue mon chiffre avec vous. Recevez donc en langue yulgaire les tendres affurances de ma conftante amitié. Je fuis bien aife d'ailleurs de vous dire intelligiblement que fi on a fait en France des recherches de la Henriade chez les libraires, ce n'a été qu'à ma follicitation. J'écrivis, il y a quelque temps, à M. le garde des fceaux et à M. le lieutenant de police de Paris, pour les fupplier de fupprimer les éditions étrangères de mon livre, et furtout celle où l'on trouverait cette miférable critique dont vous me parlez dans vos lettres. L'auteur est un réfugié connu à Londres, et qui ne se cache point de l'avoir écrite. Il n'y a que Paris au monde où l'on puiffe me soupçonner de cette guenille; mais odi profanum vulgus, et arceo; et les fots jugemens et les folles opinions du vulgaire ne rendront point malheureux un homme qui a appris à fupporter des malheurs réels; et qui méprise les grands peut bien méprifer les fots. Je fuis dans la réfolution de faire inceffamment une édition correcte du poëme auquel je travaille toujours dans ma retraite. J'aurais voulu, mon cher Thiriot, que vous cuffiez pu vous

[ocr errors]

1728.

en charger pour votre avantage et pour mon honneur. Je joindrai à cette édition un Effai fur la poëfie épique qui ne fera point la traduction d'un embryon anglais mal formé, mais un ouvrage complet et très-curieux pour ceux qui, quoique nés en France, veulent avoir une idée du goût des autres nations. Vous me mandez que des dévots, gens de mauvaise foi ou de très-peu de fens, ont trouvé à redire que j'aye ofé, dans un poëme qui n'eft point un colifichet de roman, peindre DIEU comme un être plein de bonté et indulgent aux fottifes de l'efpèce humaine. Ces faquins-là feront tant qu'il leur plaira de DIEU un tyran; je ne le regarderai pas moins comme auffi bon et auffi fage que ces meffieurs font fots et méchans.

Je me flatte que vous êtes pour le préfent avec votre frère. Je ne crois pas que vous fuiviez le commerce comme lui; mais fi vous le pouviez faire, j'en ferais fort aife; car il vaut mieux être maître d'une boutique, que dépendant dans une grande maison. Inftruifez-moi un peu de l'état de vos affaires, et écrivez-moi, je vous en prie, plus fouvent que je ne vous écris. Je vis dans une retraite dont je n'ai rien à vous mander, au lieu que vous êtes dans Paris où vous voyez tous les jours des folies nouvelles qui peuvent encore réjouir votre pauvre ami, affez malheureux pour n'en plus faire.

Je voudrais bien favoir où eft madame de Bernières, et ce que fait le chevalier anglais Defalleurs mais furtout parlez-moi de vous, à qui je m'intéresserai toute ma vie avec toute la tendreffe d'un homme qui ne trouve rien au monde de fi doux que de vous aimer.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

J

E ferais un homme bien ingrat, Monfieur, fi en arrivant à Paris je ne commençais pas par vous remercier de toutes vos bontés. Je regarde mon voyage de Rouen comme un des plus heureux événemens de ma vie. Quand nos éditions fe noieraient en chemin, quand Eryphile et Jules-Céfar feraient fifflés, j'aurais bien de quoi me dédommager puifque je vous ai connu. Il ne me refte plus à préfent d'autre envie que de revenir vous voir. Le féjour de Paris commence à m'épouvanter. On ne pense point au milieu du tintamarre de cette maudite ville.

Carmina feceffum fcribentis et otia quærunt.

Je commençais un peu à philosopher avec vous, mais je ne fais fi j'aurai pris une affez bonne dofe de philofophie pour réfifter au train de Paris. Puifque vous n'avez plus foin de moi, ayez donc la bonté de donner à Henri IV les momens que vous employiez avec l'auteur. J'aurais bien mieux aimé que vous euffiez corrigé mes fautes que celles de Jore. Vous êtes un peu plus févère que M. de Cideville, mais vous ne l'êtes pas affez. Dorénavant, quand je ferai quelque chofe, je veux que vous me coupiez bras et jambes. Adieu ; je ne vous mande aucune nouvelle, parce que je n'ai pas encore

[ocr errors]

vu et même ne verrai de long-temps aucun de ces 1730. fous qu'on appelle le beau monde. Je vous embraffe de tout mon cœur, et me compte quelque chofe de plus que votre très-humble et très- obéiffant ferviteur; car je fuis votre ami, et vous fuis tendrement attaché pour toute ma vie.

[ocr errors]

LETTRE

X X X V.

A MADEMOISELLE GAUSSIN.

PRODIGE,

Décembre

RODIGE, je vous préfente une Henriade: c'est un ouvrage bien férieux pour votre âge; mais qui joue Tullie eft capable de lire, et il eft bien jufte que j'offre mes ouvrages à celle qui les embellit. J'ai pensé mourir cette nuit, et je fuis dans un bien trifte état; fans cela, je ferais à vos pieds pour vous remercier de l'honneur que vous me faites aujourd'hui. La pièce eft indigne.de vous; mais comptez que vous allez acquérir bien de la gloire en répandant vos grâces fur mon rôle de Tullie. Ce fera à vous qu'on aura l'obligation du fuccès. Mais pour cela fouvenez-vous de ne rien précipiter, d'animer tout, de mêler des foupirs à votre déclamation, de mettre de grands temps. Surtout jouez avec beaucoup d'ame et de force la fin du couplet de votre premier acte. Mettez de la terreur, des fanglots et de grands temps dans le dernier morceau. Paraiffez-y défefpérée, et vous allez défefpérer vos rivales. Adieu, prodige.

« ZurückWeiter »