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1725.

nuit, mais je n'en crois rien du tout. Les rois trompent toujours leurs peuples. La reine fait très-bonne mine, quoique fa mine ne foit point du tout jolie. Tout le monde eft enchanté ici de fa vertu et de fa politeffe. La première chofe qu'elle a faite, a été de diftribuer aux princeffes et aux dames du palais toutes les bagatelles magnifiques qu'on appelle fa corbeille: cela confiftait en bijoux de toute espèce, hors des diamans. Quand elle vit la caffette où tout cela était arrangé: Voilà, dit-elle, la première fois de ma vie que j'ai pu faire des préfens. Elle avait un peu de rouge le jour du mariage, autant qu'il en faut pour ne pas paraître pâle. Elle s'évanouit un petit inftant dans la chapelle, mais feulement pour la forme. Il y eut le même jour comédie. J'avais préparé un petit divertiffement que M. de Mortemart ne voulut point faire exécuter. On donna à la place Amphitryon et le Médecin malgré lui; ce qui ne parut pas trop convenable. Après le fouper, il y eut un feu d'artifice avec beaucoup de fufées et très-peu d'invention et de variété, après quoi le roi alla se préparer à faire un dauphin. Au refte, c'est ici un bruit, un fracas, une preffe, un tumulte épouvantable. Je me garderai bien, dans ces premiers jours de confufion, de me faire présenter à la reine; j'attendrai que la foule foit écoulée et que fa Majefté foit un peu revenue de l'étourdiffement que tout ce fabbat doit lui caufer; alors je tâcherai de faire jouer Oedipe et Mariamne devant elle; je lui dédierai l'un et l'autre : elle m'a déjà fait dire qu'elle ferait bien aife que je priffe cette liberté. Le roi et la reine de Pologne, car nous ne connaiffons plus ici le roi Augufte, m'ont fait

demander le poëme d'Henri IV, dont la reine a déjà entendu parler avec quelque éloge; mais il ne faut 1725. ici se preffer fur rien. La reine va être fatiguée inceffamment des harangues des compagnies fouveraines; ce ferait trop que de la profe et des vers en même temps. J'aime mieux que fa Majefté foit ennuyée par le parlement et par la chambre des comptes que par moi.

Vous qui êtes reine à la Rivière, mandez-moi, je vous en prie, fi vous êtes toujours bien contente dans votre royaume. Je vous affure que je préfère bien dans mon cœur votre cour à celle-ci, furtout depuis qu'elle eft ornée de madame du Deffant et de M. l'abbé d'Amfreville. Je vous aime tendrement et vous embraffe mille fois. Adieu.

LETTRE XXI X.

A MADAME

LA PRESIDENTE DE BERNIERES.

Α

A Fontainebleau, 13 novembre.

La reine vient de me donner fur fa caffette une penfion de quinze cents livres que je ne demandais pas: c'eft un acheminement pour obtenir les chofes que je demande. Je fuis très-bien avec le fecond premier ministre, M. Duverney. Je compte fur l'amitié de madame de Prie. Je ne me plains plus de la vie de la cour; je commence à avoir des efpérances raisonnables d'y pouvoir être quelquefois utile à mes amis; mais fi vous êtes encore gourmande, et fi vous

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avez encore vos maux d'estomac et vos maux d'yeux, 1725. je fuis bien loin de me trouver un homme heureux. S'il eft vrai que vous reftiez à votre campagne jusqu'à la fin de décembre, ayez la bonté de m'en affurer et de ne pas donner toutes les chambres de la Rivière. Les agrémens que l'on peut avoir dans le pays de la cour, ne valent pas les plaifirs de l'amitié ; et la Rivière, à tous égards, me fera toujours plus chère que Fontainebleau. Permettez-moi d'adreffer ici un petit mot à notre ami Thiriot.

Ne croyez pas, mon cher Thiriot, que je fois auffi dégoûté d'Henri IV que vous le paraissez de Mariamne. Je viens de mettre en vers, dans le moment, feu M. le duc d'Orléans et fon fyftême avec Lafs. Voyez fi tout cela vous paraît bien dans son cadre, et fi notre fixième chant n'en fera point déparé. Songez qu'il m'a fallu parler noblement de cet excès d'extravagance, et blâmer M. le duc d'Orléans fans que mes vers euffent l'air de fatire.

Je dis en parlant de ce prince:

D'un fujet et d'un maître il a tous les talens;
Malheureux toutefois dans le cours de sa vie
D'avoir reçu du ciel un fi vafte génie.

Philippe, garde-toi des prodiges pompeux
Qu'on offre à ton efprit trop plein du merveilleux.
Un écossais arrive et promet l'abondance,

Il parle, il fait changer la face de la France.
Des tréfors inconnus fe forment fous fes mains:

L'or devient méprifable aux avides humains.

Le pauvre qui s'endort au sein de l'indigence
Des rois à fon réveil égale l'opulence.

Le riche en un moment voit fuir devant fes yeux
Tous les biens qu'en naiffant il eut de fes aïeux.
Qui pourra diffiper ces funeftes prestiges, &c.

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Je crois que l'on ne pouvait pas parler plus modérément du fyftême, mais je ne fais fi j'en ai parlé affez poëtiquement; nous en raisonnerons, à ce que j'efpère, à la Rivière. La cour m'a peut-être ôté un peu de feu poëtique. Je viendrai le reprendre avec vous. Soyez toujours moins en peine de mon cœur que de mon efprit. Je cefferai plutôt d'être poëte que

d'être l'ami de Thiriot.

Et vous, mon cher abbé Desfontaines, j'ai bien parlé de vous à M. de Fréjus ; mais je fais par mon expérience que les premières impreffions font difficiles à effacer. Je n'ai point encore vu votre dernier journal. Je vous fuis prefque également obligé pour Mariamne et pour le héros de Gratien. Je fuis fâché que vous foyez brouillé avec les révérends pères ; mais puifque vous l'êtes, il n'eft pas mal de s'en faire craindre. Peut-être voudront-ils vous apaifer, et vous feront-ils avoir un bénéfice par le premier traité de paix qu'ils feront avec vous. Je ne fais aucune nouvelle de M. l'abbé Bignon. Je ferais bien fâché de fa maladie, s'il vous avait fait du bien.

Le pauvre Saint-Didier eft venu à Fontainebleau avec Clovis, et tous deux ont été bien bafoués. Il follicita M. de Mortemart, et l'importuna pour avoir une penfion. M. de Mortemart lui répondit que quand on fefait des vers, il les fallait faire comme

1725.

moi. Je fuis fâché de la réponse. Saint-Didier ne me 1725. pardonnera point cette injuftice de M. de Mortemart.

Il y a ici des injuftices plus véritables qui me font faigner le cœur. Je ne peux pas m'accoutumer à voir l'abbé Raguet dans l'opulence et dans la faveur, tandis que vous êtes négligé. Cependant n'aimez-vous pas encore mieux être l'abbé Desfontaines que l'abbé Raguet?

Je présente mes refpects au maître de la maison, à M. l'abbé d'Amfreville, à tutti quanti qui ont le bonheur d'être à la Rivière.

Buvez tous à ma fanté : et vous, madame la Préfidente, foyez bien fobre, je vous en prie.

JA

ΑΙ

LETTRE XXX.

A M. THIRIOT.

Le 12 augufte.

'AI reçu bien tard, mon cher Thiriot, une lettre 1726. de vous, du 11 du mois de mai dernier. Vous m'avez vu bien malheureux à Paris. La même deftinée m'a poursuivi par-tout. Si le caractère des héros de mon poëme eft auffi bien foutenu que celui de ma mauvaise fortune, mon poëme afsurément réuffira mieux que moi. Vous me donnez par votre lettre des affurances fi touchantes de votre amitié, qu'il eft jufte que j'y réponde par de la confiance. Je vous avouerai donc, mon cher Thiriot, que j'ai fait un petit voyage à Paris, depuis peu.

Puifque

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