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dit, de grands exercices, et qui, outre ce besoin de néceffité, a encore d'autres befoins de fociété. Je vous 1737. prie, en conféquence, de lui faire acheter un bon fufil, une jolie gibecière avec appartenances, marteaux d'armes, tire-bourre, et grandes boucles de diamans pour fouliers, autres boucles à diamans pour jarretières; vingt livres de poudre à poudrer, dix livres de poudre de fenteur, une bouteille d'effence au jasmin, deux énormes pots de pommade à la fleur d'orange, deux houppes à poudrer, un très-bon couteau, trois éponges fines, trois balais pour fecrétaire, quatre paquets de plumes, deux pinces de toilette très-propres, une paire de ciseaux de poche très-bons, deux broffes à frotter, enfin trois paires. de pantoufles bien fourrées; et puis je ne me fouviens de rien de plus.

De tout cela on fera un ballot, deux s'il le faut, trois même s'ils font néceffaires. Votre emballeur eft excellent. Envoyez le tout par Joinville, non à mon adresse, car je fuis en Angleterre, je vous prie de vous en fouvenir, mais à l'adreffe de madame de Champbonin.

Tout cela coûte, me direz-vous; et où prendre de l'argent? Où vous voudrez, mon cher abbé; on a des actions, on en fond: il ne faut jamais rien négliger de fon plaifir, parce que la vie eft courte; je ferai tout à vous pendant cette courte vie.

1737.

JE

LETTRE C C XLVII.

A M.

THIRIOT.

A Cirey, le 6 décembre.

E vois par votre lettre, mon cher ami, que vous êtes très-peu inftruit de la raifon qui m'a forcé de me priver pour un temps du commerce de mes amis; mais votre commerce m'eft fi cher que je ne veux pas hafarder de vous en parler dans une lettre qui peut fort bien être ouverte, malgré toutes mes précautions.

J'ai cru devoir mander au Prince royal la calomnie dont je vous remercie de m'avoir inftruit. Vous croyez bien que je ne fais, ni à lui ni à moi, l'outrage de me juflifier; je lui dis feulement que votre zèle extrême pour fa perfonne ne vous a pas permis de me cacher cette horreur, et que les mêmes fentimens m'engagent à l'en avertir. Je crois que c'est un de ces attentats méprifables, un de ces crimes de la canaille, que les rois doivent ignorer. Nous autres philofophes, nous devons penser comme des rois; mais malheureufement la calomnie nous fait plus de mal réel qu'à eux.

Vous deviez bien m'envoyer les verficulets du prince et la réponse. Vous me direz que c'était à moi d'en faire, et que je fuis bien impertinent de refter dans le filence quand les favans et les princes s'empreffent à rendre hommage à madame de la Poplinière.

1737.

Mais quoi! fi ma mufe échauffée
Eût loué cet objet charmant,
Qui réunit fi noblement

Les talens d'Euclide et d'Orphée,
Ce ferait un faible ornement
Au piédestal de fon trophée.
La louer eft un vain emploi ;
Elle régnera bien fans moi

Dans ce monde et dans la mémoire;
Et l'heureux maître de fon cœur,

Celui qui fait feul fon bonheur,
Pourrait feul augmenter fa gloire.

A propos de vers, on imprime l'Enfant prodigue un peu différent de la déteftable copie qu'ont les comédiens, et que vous avez envoyée (dont j'enrage) au Prince royal.

1

Je n'ai encore fait que deux actes de Mérope, car j'ai un cabinet de phyfique qui me tient au cœur. Pluribus attentus, minor ad fingula.

Je trouve dans Caftor et Pollux des traits charmans; le tout ensemble n'eft pas peut-être bien tissu. Il y manque le molle et amænum, et même il y manque de l'intérêt. Mais, après tout, je vous avoue que j'aimerais mieux avoir fait une demi-douzaine de petits morceaux qui font épars dans cette pièce qu'un de ces opéra infipides et uniformes. Je trouve encore que les vers n'en font pas toujours bien lyriques, et je crois que le récitatif a dû beaucoup coûter à notre grand Rameau. Je ne fonge point à sa mufique que je n'aye de tendres retours pour Şamfon, Eft-ce qu'on n'entendra jamais à l'opéra :

1737.

Profonds abymes de la terre,

Enfer, ouvre-toi, &c. ?

Mais ne penfons plus aux vanités du monde.

Je vous remercie, mon ami, d'avoir confolé mes nièces : je ne leur propofais un voyage à Cirey qu'en cas que leurs affaires et les bienféances s'accommodaffent avec ce voyage. Mais voici une autre négociation qui eft affez digne de la bonté de votre cœur et du don de perfuader dont DIEU a pourvu votre efprit accort et votre longue phyfionomie.

Si madame Pagnon voulait fe charger de marier la cadette à quelque bon gros robin, je me chargerais de marier l'aînée à un jeune homme de condition, dont la famille entière m'honore de la plus tendre et de la plus inviolable amitié. Afsurément je ne veux pas hafarder de la rendre malheureufe; elle aurait affaire à une famille qui ferait à fes pieds; elle ferait maîtreffe d'un château affez joli qu'on embellirait pour elle. Un bien médiocre la ferait vivre avec beaucoup plus d'abondance que fi elle avait quinze mille livres de rente à Paris. Elle pafferait une partie de l'année avec madame du Châtelet; elle viendrait à Paris avec nous dans l'occafion : enfin, je ferais fon père.

C'eft, mon cher ami, ce que je lui propose, en cas qu'elle ne trouve pas mieux. Dieu me préserve de prétendre gêner la moindre de fes inclinations: attenter à la liberté de fon prochain me paraît un crime contre l'humanité; c'est le péché contre nature. C'est à votre prudence à fonder fes inclinations. Si, après que vous lui aurez présenté ce parti avec vos

lèvres de perfuafion, elle le trouve à fon gré, alors qu'elle me laisse faire. Vous pourrez lui infinuer un peu de dégoût pour la vie médiocre qu'elle mènerait à Paris, et beaucoup d'envie de s'établir honnêtement. Ce ferait enfuite à elle à ménager tout doucement l'efprit de fes oncles.

Tout ceci, comme vous le voyez, eft l'expofition de la pièce; mais le dernier acte n'eft pas, je crois, près d'être joué. Je remets l'intrigue entre vos

mains.

Voici un petit mot de lettre pour l'ami Berger. Adieu, je vous embraffe. Comment donc le gentil Bernard a-t-il quitté Pollion et Tucca?

Je reçois dans le moment une lettre de ma nièce, qui me fait beaucoup de plaifir. Elle n'eft pas loin d'accepter ce que je lui propofe, et elle a raison. Vale.

LETTRE CCXLV I I I.

A M. L'ABBÉ MOUSSINOT.

1737.

Décembre.

Vous me parlez, mon cher abbé, d'un bon

homme de chimifte, et je vous écoute avec plaifir; vous me propofez enfuite de le prendre avec moi, je ne demande pas mieux. Il fera ici d'une liberté entière, pas mal logé, bien nourri, une grande commodité pour cultiver à fon aise fon talent de chimifte; mais il faudrait qu'il sût dire la meffe, et qu'il voulût la dire les dimanches et les fêtes dans la chapelle du

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