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1736.

cardinal; deux mots et votre nom feront beaucoup, je vous en réponds: il en croira un homme accoutumé à démontrer la vérité. Je vous remercie, et je me fouviendrai toujours de celles que vous m'avez enfeignées. Je n'ai qu'un regret, c'eft de n'en plus apprendre fous vous. Je vous lis au moins, ne pouvant plus vous entendre. L'amour de la vérité m'avait conduit à Leyde, l'amitié feule m'en a arraché. En quelque lieu que je fois, je conferverai pour vous le plus tendre attachement et la plus parfaite eftime.

LETTRE CCXXI X.

A M. THIRIO T.

A Leyde, le 17 janvier.

Il est vrai, mon cher ami, que j'ai été très-malade,

L

1737. mais la vivacité de mon tempérament me tient lieu de force; ce font des refforts délicats qui me mettent au tombeau, et qui m'en retirent bien vîte. Je fuis venu. à Leyde confulter le docteur Boerhaave fur ma fanté, et s'Gravefende fur la philofophie de Newton. Le Prince royal me remplit tous les jours d'admiration et de reconnaissance; il daigne m'écrire comme à fon ami; il fait pour moi des vers français tels qu'on en fefait à Versailles dans le temps du bon goût et des plaifirs. C'eft dommage qu'un pareil prince n'ait point de rivaux. Je ne manque pas de lui gliffer quelques mots de vous dans toutes mes

lettres. Si ma tendre amitié pour vous vous peut être utile, ne ferai-je pas trop heureux ? Je ne vis 1737. que pour l'amitié ; c'est elle qui m'a retenu à Cirey fi long-temps; c'eft elle qui m'y ramènera fi je retourne en France. Le Prince royal m'a envoyé le comte Bork, ambaffadeur du roi de Pruffe en Angleterre, pour m'offrir fa maison à Londres, en cas que je vouluffe y aller, comme le bruit en a couru: je fuis d'ailleurs traité ici beaucoup mieux que je ne mérite. Le libraire Ledet, qui a gagné quelque chofe à débiter mes faibles ouvrages, et qui en fait actuellement une magnifique édition, a plus de reconnaiffance que les libraires de Paris n'ont d'ingratitude. Il m'a forcé de loger chez lui, quand je viens à Amsterdam voir comment va la Philosophie newtonienne. Il s'eft avifé de prendre pour enfeigne la tête de votre ami Voltaire. La modeftie qu'il faut avoir défend à ma fincérité de vous dire l'excès de confidération qu'on a ici pour moi.

Je ne fais quelle gazette impertinente, miférable écho des miférables nouvelles à la main de Paris, s'était avifé de dire que je m'étais retiré dans les pays étrangers pour écrire plus librement. Je démens cette impofture en déclarant, dans la gazette d'Amfterdam, que je défavoue tout ce qu'on fait courir fous mon nom, foit en France, foit dans les pays étrangers, et que je n'avoue rien que ce qui aura ou un privilége ou une permiffion connue. Je confondrai mes ennemis en ne leur donnant aucune prife, et j'aurai la confolation qu'il faudra toujours mentir pour me nuire.

J'ai trouvé ici le gouvernement de France en très

grande réputation; et ce qui m'a charmé, c'eft que 1737. les Hollandais font plus jaloux de notre compagnie

des Indes que Rouffeau ne l'eft de moi. J'ai vu aujourd'hui des négocians qui ont acheté, à la dernière vente de Nantes, ce qui leur manquait à Amfterdam. Voilà de ces chofes dont Pollion peut faire ufage auprès du ministre dans l'occasion; mais, comme je fais plus de cas d'un bon vers que du négoce et de la politique, tâchez donc de me marquer ce que vous trouvez de fi négligé dans les vers dont vous me parlez. Je fuis auffi févère que vous pour le moins; et dans les intervalles que me laiffe la philofophie, je corrige toutes les pièces de poësie que j'ai faites, depuis Oedipe jusqu'au Temple de l'Amitié. Il y en aura quelques-unes qui vous feront adreffées; ce feront celles dont j'aurai plus de foin.

LETTRE C C X X X.

A M. LE MARQUIS D'ARGENS.

A Leyde, 20 janvier.

Si les Lettres juives me plaisent, mon cher Isaac!

fi j'en fuis charmé! Ne vous l'ai-je pas écrit trente fois? Elles font agréables et inftructives, elles refpirent l'humanité et la liberté. Je foutiens que c'eft rendre un très-grand service au public que de lui donner, deux fois par semaine, de fi excellens préservatifs. J'aime paffionnément les Lettres et l'auteur; je voudrais pouvoir contribuer à son bonheur ; j'irai l'embrasser inceffamment. Je fuis bien fâché de l'avoir vu fi peu, et je veux du mal à Newton qui s'eft fait mon tyran, et qui m'empêche d'aller jouir de la converfation aimable de M. Boyer. (*)

J'irai, j'irai fans doute. J'ai été obligé d'aller à Amfterdam pour l'impreffion de mes guenilles; j'y ai vu M. Prévost qui vous aime de tout fon cœur : je le crois bien, et j'en fais tout autant. Je n'ai ofe avilir votre main à faire un' deffin de vignette; mais vous ennobliriez la vignette, et votre main ne ferait point avilie.

Je vous enverrai l'épître du fils d'un bourgmeftre fur la politeffe hollandaife, et je vous prierai de lui donner une petite place dans vos juiveries.

(*) Nom de famille du marquis d'Argens.

1737.

Adieu, Monfieur; je vous embraffe tendrement. 1737. J'efpère encore une fois venir jouer quelque rôle dans vos pièces. Je présente mes respects à mademoiselle le Couvreur d'Utrecht (*); vous faites tous deux une charmante fynagogue, car fynagogue fignifie affemblage.

P. S. Ma foi, je fuis enchanté que vous ayez reçu des nouvelles qui vous plaifent. Si j'avais un fils comme vous, et qu'il fe fît turc, je me ferais turc et j'irais vivre avec lui et fervir fa maîtreffe. Malheur aux Nazaréens qui ne pensent pas ainfi.

Je vous renvoie la politeffe hollandaise : faites-en ufage le plutôt que vous pourrez. Voilà le canevas; vous prendrez de vos couleurs, vous flatterez la nation chez qui vous êtes, et vous punirez l'ennemi de toutes les nations. Je vous embraffe tendrement.

(**) Mademoiselle Cochois, comédienne.

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