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Je viens de recevoir une lettre de M. Sinetti; mais il n'a point encore reçu les Alzire.

Le gentil Bernard devrait bien m'envoyer fa Claudine; mais que fait le gentil la Bruëre?

Je ne vous dis rien fur l'Orofmane dont vous me parlez; apparemment que le mot de cette énigme eft dans quelque lettre de vous que je n'ai point encore reçue. Quand Thiriot fera-t-il à Paris? Adieu.

LETTRE CXCVIII.

A M. THIRIOT.

Le 5 septembre.

J'AI reçu, mon cher ami, le prologue et l'épilogue

ΑΙ

de l'Alzire anglaife : j'attends la pièce pour me confoler, car franchement ces prologues-là ne m'ont pas fait grand plaifir. Je vous avoue que fi j'étais capable de recevoir quelque chagrin dans la retraite délicieuse où je fuis, j'en aurais de voir qu'on m'attribue cette longue épître de fix cents vers dont vous me parlez toujours, et que vous ne m'envoyez jamais. Rendezmoi la juftice de bien crier contre les gens qui m'en font l'auteur, et faites-moi le plaifir de me l'envoyer.

Vous aurez inceffamment votre Chubb et votre Descartes. Vous me prenez tout juste dans le temps que j'écris contre les tourbillons, contre le plein, contre la tranfmiffion inftantanée de la lumière, contre le prétendu tournoiement des globules imagiginaires qui font les couleurs, felon Defcartes; contre

1736.

fa définition de la matière, &c. Vous voyez, mon 1736. ami, qu'on a befoin d'avoir devant fes yeux les gens l'on contredit; mais quand cela sera fait, vous aurez votre fublime rêvaffeur René.

que

Je ne conçois pas que les trois épîtres de Rouffeau puiffent avoir de la réputation. Les d'Argental, les préfident Hénault, les Palu, les duc de Richelieu, me difent que cela ne vaut pas le diable. Il me femble qu'il faut du temps pour affeoir le jugement du public; et quand ce temps eft arrivé, l'ouvrage est tombé dans le puits.

Encouragez le divin Orphée-Rameau à imprimer fon Samson. Je ne l'avais fait que pour lui. Il est juste qu'il en recueille le profit et la gloire.

On me mande que la Henriade eft au dixième chant. Je ne connais point cette édition en quatre volumes, dont vous parlez. Tout ce que je fais, c'eft qu'on en prépare une magnifique en Hollande : mais elle fe fera affurément fans moi.

Nous étudions le divin Newton à force. Vous autres ferviteurs des plaifirs, vous n'aimez que des opéra. Eh! pour Dieu, mon cher petit Merfenne, aimez les opéra et Newton. C'eft ainfi qu'en ufe Emilie.

Que ces objets font beaux! que notre ame épurée
Vole à ces vérités dont elle eft éclairée.
Oui, dans le fein de Dieu, loin de ce corps mortel,
L'efprit femble écouter la voix de l'Eternel.
Vous, à qui cette voix fe fait fi bien entendre,
Comment avez-vous pu, dans un âge encor tendre,
Malgré les vains plaifirs, cet écueil des beaux jours,
Prendre un vol fi hardi, fuivre un fi vafte cours,

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Marcher après Newton dans cette route obscure
Du labyrinthe immense où se perd la nature?

Voilà ce que je dis à Emilie dans des entrefols vernis, dorés, tapiffés de porcelaine, où il est bien doux de philofopher. Voilà de quoi l'on devrait être envieux plutôt que de la Henriade; mais on ne fera tort ni à la Henriade ni à ma félicité.

Algarotti n'eft point à Venise, nous l'attendons à Cirey tous les jours. Adieu, père Merfenne; fi vous étiez homme à lire un petit traité du newtonisme, de ma façon, vous l'entendriez plus aifément que Pemberton.

Adieu; je vous embraffe tendrement. Faites fouvenir de moi les Pollion, les Mufes, les Orphée, les pères d'Aglaure. Vale, te amo.

LETTRE CXCIX.

A M. THIRIO T.

1736.

J'AVAISÓ

A Cirey, ce 23 septembre.

'AVAIS ôté ce monftre fubalterne d'abbé Desfontaines de l'ode fur l'ingratitude, mais les tranfitions ne s'accommodaient pas de ce retranchement, et il vaut mieux gâter Desfontaines que mon ode; d'autant plus qu'il n'y a rien de gâté en relevant sa turpitude. Je vous envoie donc l'ode; chacun eft content de fon ouvrage ; cependant je ne le fuis pas de m'être abaiffé

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à cette guerre honteuse; je retourne à ma philofo1736. phie; je ne veux plus connaître qu'elle, le repos et

l'amitié.

J'avais deviné jufte, vous étiez malade, mon cœur me le disait; mais fi vous ne l'êtes plus, écrivez-moi donc. M. Berger a preffé l'impreffion de la Henriade; mais je vais le prier d'aller bride en main, afin que les derniers chants se sentent au moins de vos remarques. Envoyez-moi cette pièce de la Ménagerie ; je ne fais ce que c'eft. On dit qu'il paraît une réponse de la Chauffée aux trois impertinentes épîtres de Rouffeau, et qu'elle court fous mon nom. Il faut encore m'envoyer cela; car nous aimons les vers, tout philofophes que nous fommes à Cirey.

Or, qu'est-ce que Pharamond (*)? A-t-on joué Alzire à Londres? Ecoutez, mon ami; gardezmoi, vous et les vôtres, le plus profond fecret fur ce que vous avez lu chez moi, et qu'on veut représenter à toute force.

J'ai grand'peur que le petit Lamare, grand fureteur, grand étourdi, grand indifcret, et fuper hæc omnia ingratiffimus, n'ait vu le manuscrit fur ma table; en ce cas je le fupprimerais tout-à-fait. Emilie vous fait mille complimens. Ne m'oubliez pas auprès de Pollion et de vos amis. Adieu, mon ami, que j'aimerai toujours. Que devient le père d'Aglaure? Adieu; écrivez-moi fans foin, fans peine, fans effort, comme on parle à fon ami, comme vous parlez, comme vous écrivez. C'est un plaifir de griffonner nos lettres; une autre façon d'écrire ferait infupportable. Je les trouve comme notre amitié, tendres, libres et vraies.

(*) Tragédie de Cahufac.

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LETTRE C C.

A M. DE LA FAY E

SECRETAIRE DU CABINET DU ROI.

Septembre.

N vous attend à Cirey, mon cher ami; venez voir la maison dont j'ai été l'architecte. J'imite Apollon; je garde' des troupeaux, je bâtis, je fais des vers, mais je ne fuis pas chaffé du ciel; vous verrez fur la porte:

Ingens incepta eft, fit parvula cafa; fed ævum

Degitur hic felix et benè, magna fat eft.

Vous ferez bien plus content de la maîtresse de la maifon que de mon architecture. Une dame qui entend Newton, et qui aime les vers et le vin de Champagne comme vous, mérite de recevoir des vifites des fages de toute espèce.

Vous aurez peut-être vu à Strasbourg un affez gros libelle qui voudrait être diffamatoire, mais qui n'eft pas à craindre, attendu qu'il eft de Rouffeau. Il dit gravement, dans ce beau libelle, que la fource de fa haine contre moi vient de ce qu'il y a dix ans, en paffant à Bruxelles, je fcandalifai le monde à la meffe, et que je lui récitai des vers fatiriques; et ce qui eft de plus incroyable, c'eft qu'il ofe citer fur cela M. le duc d'Aremberg et M. le comte de Lannoy. En vérité, être accufé d'indévotion, et s'entendre

1736.

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