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l'efprit du père Euphémon; et dès qu'Euphémon fils paraît, la réconciliation n'eft qu'un inftant. En troi- 1736. fième lieu, fi vous me condamniez à une longue fcène entre le père et le fils, fi vous vouliez que le fils attendrît fon père par degrés, ce ne ferait qu'une répétition de la scène qu'il a eue déjà avec fa maîtreffe. Peut-être même y a-t-il de l'art à avoir fait rouler tout le grand intérêt de ce cinquième acte fur Life.

Enfin, je vous l'envoie telle qu'elle eft, et telle qu'il me paraît difficile que j'y touche beaucoup encore. J'ai actuellement d'autres occupations qui ne me permettent guère de donner tout mon temps à une comédie.

J'ofe me flatter qu'elle réuffira. Ce qui eft sûr, c'eft que le fuccès eft dans le fujet et dans le total de l'ouvrage. Je peux la corriger pour les lecteurs, mais ce que j'y ferais eft inutile pour le théâtre. Je vous demande donc en grâce qu'on la joue telle que je vous la renvoie; et quand il s'agira de l'impreffion, vous ferez fi févère qu'il vous plaira.

Je ne vous pardonnerai de ma vie d'avoir, dans les représentations d'Alzire, ôté ce vers,

Je n'ai point leurs attraits, et je n'ai point leurs mœurs. et d'avoir toujours laiffé fubfifter cette réponse:

Etudiez nos mœurs avant de les blâmer.

Il fallait bien que le premier vers fondât le dernier : cela me met dans un courroux effroyable. Adieu, mon cher et aimable Ariflarque ; adieu, ami généreux. Emilie vous fait les complimens les plus tendres et les plus vrais.

Correfp. générale.

Tome I. Bb

Elle veut abfolument qu'Alzire paraisse avec la 1736. dédicace; et moi, je vous demande en grâce que le difcours foit imprimé au moins avec permiffion tacite, et débité avec Alzire.

LETTRE C XCII.

A M. DE LA CHAUSSÉE.

A Paris, 2 mai.

Ly a huit jours, Monfieur, que je fais chercher votre demeure, pour préfenter Alzire à l'homme de France qui fait et qui cultive le mieux cet art fi difficile de faire de bons vers. Je penfe bien comme vous, Monfieur, fur cet art que tout le monde croit connaître et qu'on connaît si peu. Je dirai de tout

mon cœur avec vous:

L'unique objet que notre art se propose
Eft d'être encor plus précis que la profe;
Et c'eft pourquoi les vers ingénieux
Sont appelés le langage des dieux. (*)

Il faut avouer que perfonne ne justifie mieux que vous ce que vous avancez.

On m'a parlé aujourd'hui d'une place à l'académie française, mais ni les circonftances où je me trouve, ni ma fanté, ni la liberté, que je préfère à tout, ne me permettent d'ofer y penser. J'ai répondu que cette place devait vous être destinée, et que je me (*) Vers de l'épître à Clio.

ferais un honneur de vous céder le peu de fuffrages

fur lefquels j'aurais pu compter, fi votre mérite ne 1736. vous affurait de toutes les voix.

J'ai l'honneur d'être, Monfieur, avec toute l'eftime que vous méritez,

votre, &c.

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LETTRE CXCIII.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL..

A Paris, hôtel d'Orléans, mai.

L s'agit, mon aimable protecteur, d'affurer le bonheur de ma vie.

M. le bailli de Froulai, qui me vint voir hier, m'apprit que toute l'aigreur du garde des fceaux contre moi venait de ce qu'il était perfuadé que je l'avais trompé dans l'affaire des Lettres philofophiques, et que j'en avais fait faire l'édition.

Je n'appris que dans mon voyage à Paris, de l'année paffée, comment cette impreffion s'était faite : j'en donnai un mémoire. M. Rouillé, fatigué de toute cette affaire qu'il n'a jamais bien fue, demanda à M. le duc de Richelieu s'il lui confeillait de faire ufage de ce mémoire.

M. de Richelieu, plus fatigué encore, et las du déchaînement et du trouble que tout cela avait caufé, perfuadé d'ailleurs (parce qu'il trouvait cela plaifant), qu'en effet je m'étais fait un plaifir d'imprimer et de débiter le livre, malgré le garde des fceaux;

M. de Richelieu, dis-je, me croyant trop heureux 1736. d'être libre, dit à M. Rouillé: L'affaire eft finie; qu'importe que ce foit Jore ou Joffe qui ait imprimé ce... livre? que Voltaire s'aille faire..., et qu'on n'en parle plus. Qu'arriva-t-il de cette manière légère de traiter les affaires ferieufes de fon ami? que M. Rouillé crut que mes propres protecteurs étaient convaincus de mon tort, et même d'un tort très-criminel. Le garde des fceaux fut confirmé dans fa mauvaise opinion; et voilà ce qui, en dernier lieu, m'a attiré les foupçons cruels de l'impreffion de la Pucelle : c'eft de là qu'eft venu l'orage qui m'a fait quitter Cirey.

:

M. le bailli de Froulai, qui connaît le terrain, qui a un cœur et un efprit digne du vôtre, m'a confeillé de poursuivre vivement l'éclairciffement de mon innocence l'affaire eft fimple. C'eft Joffe, François Joffe, libraire, rue Saint-Jacques, à la fleur de lis, le feul qui n'ait point été mis en caufe, le feul impuni, qui imprima le livre, qui le débita, par la plus punissable de toutes les perfidies. Je lui avais confié l'original fous ferment, uniquement afin qu'il le reliât pour vous le faire lire.

Le principal colporteur, inftruit de l'affaire, est · greffier de Lagni il fe nomme Lyonais. J'ai envoyé à Lagni, avant-hier; il a répondu que François Joffe était en effet l'éditeur. On peut lui parler.

Il est démontré que, pour fupprimer le livre, j'avais donné quinze cents livres à Jore de Rouen; c'est Paquier, banquier, rue Quincampoix, qui lui compta l'argent. Jore de Rouen fut fidelle, et ne fongea à débiter fon édition fupprimée que quand il vit celle

de Joffe de Paris. Voilà des faits vrais et inconnus.

Echauffez M. Rouillé en faveur d'un honnête homme, 1736.

de votre ami malheureux et calomnié.

LETTRE CX CIV.

A M.

DE CIDEVILLE.

A Paris, ce 30 mai.

POINT de littérature cette fois-ci, mon cher ami; point de fleurs. Il s'agit d'une horreur dont je dois vous apprendre des nouvelles.

Jore, que j'ai accablé de préfens et de bienfaits, et qui oublie apparemment que j'ai en main fes lettres, par lesquelles il me remercie de mes bontés et de mes gratifications; Jore, confeillé par Launay, m'écrivit, il y a quelque temps, une lettre affectueuse par laquelle il me manda qu'il ne tenait qu'à moi de lui racheter la vie; que monfieur le garde des fceaux lui propofait de le rétablir dans fa maîtrise, à condition qu'il dît toute la verité de l'hiftoire du livre en question. Mais, ajoutait-il, je ne dirai jamais rien, Monfieur, que ce que vous m'aurez permis de dire.

Moi qui fuis bon, mon cher ami; moi qui ne me défie point des hommes, malgré la funefte expérience que j'ai faite de leur perfidie, j'écris à Jore une longue lettre bien détaillée, bien circonstanciée, bien regorgeante de vérité (*), et je l'avertis qu'il n'a autre chofe à faire qu'à tout avouer naïvement.

(*) Voyez la lettre du 24 mars.

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