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De plus, les deux premiers actes feront très-courts, et la terreur théâtrale qui y règne fera pour la galan- 1736. terie des deux actes fuivans ce qu'une tempête est à l'égard d'un jour doux qui la fuit. Encouragez donc notre Rameau à déployer avec confiance toute la hardieffe de fa mufique. Vous voilà, mon cher ami, le confident de toutes les parties de mon ame, le juge et l'appui de mes goûts et de mes talens. Il ne me manque que celui de vous exprimer mon amitié et mon eftime. Dès que j'aurai un quart d'heure à moi, je vous enverrai des fragmens de l'hiftoire du fiècle de Louis XIV, et d'un autre ouvrage auffi innocent que calomnié.

Je voudrais bien pouvoir convertir monfieur le garde des sceaux. Les perfécutions que j'ai effuyées font bien cruelles. Je me plaindrais moins de lui fi je ne l'eftimais pas. J'ofe dire que s'il connaiffait mon cœur, il m'aimerait, fi pourtant un miniftre peut aimer.

LETTRE

CLXXV I.

A M. THIRIO T.

A Cirey, ce 9 février,

JE fuis toujours un peu malade, mon cher ami.

Madame la marquife du Châtelet lifait hier au chevet de mon lit les Tufculanes de Cicéron, dans la langue de cet illuftre bavard; enfuite elle lut la quatrième épître de Pope fur le bonheur. Si vous connaissez quelque femme à Paris qui en faffe autant, mandezle-moi.

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Après avoir ainfi paffé ma journée, j'ai reçu votre 1736. lettre du 5 février; nouvelles preuves de votre tendreffe, de votre goût et de votre jugement. Je vais me mettre tout de bon à retoucher Alzire pour l'impreffion; mais il faudrait que j'euffe une copie conforme à la manière dont on la joue. Samson devait partir par cette pofte; mais je fuis obligé de dicter mes lettres, et j'occupe à vous faire parler mon cœur, la main qui devait tranfcrire mes fottifes philiftines et hébraïques. En attendant, je vous envoie le difcours apologétique que je compte faire imprimer à la fuite d'Alzire. Je remplis en cela deux devoirs ; je confonds la calomnie, et je célèbre votre amitié.

J'attends avec impatience le fentiment de Pollion et le vôtre fur ma dédicace à madame du Châtelet. Je veux vous devoir l'honneur de pouvoir dire à M. de la Poplinière dorénavant, albi fermonum noftrorum candide judex. Son bon mot fur Pauline et fur Alzire est une juftification trop glorieuse pour moi; moi; c'est peutêtre parce qu'il n'a vu jouer Pauline que par mademoiselle Duclos vieille, éraillée, fotte, et tracaffière, qu'il donne la préférence à Alzire jouée par la naïve, jeune et gentille Gauffin. Dites de ma part à cette américaine:

Ce n'eft pas moi qu'on applaudit,

C'est vous qu'on aime et qu'on admire;

Et vous damnez, charmante Alzire,

Tous ceux que Gusman convertit.

Launay fe damne d'une autre façon par les perfidies les plus honteuses. Il y a long-temps que je fais de

quoi il eft capable; et dès que j'ai fu que Dufresne lui avait confié la pièce, j'ai bien prévu l'ufage qu'il 1736. en ferait. Je ne doute pas qu'il ne la faffe imprimer furtivement, et qu'il n'en faffe quelque malheureuse parodie. Il a déjà fait celle de Zaïre, dans laquelle il a eu l'infolence de mettre M. Fakener fur le théâtre, par fon propre nom. C'eft ce même M. Fakener, notre ami, qui eft aujourd'hui ambaffadeur à Conftantinople, et qui demanderait, auffi-bien que la nation anglaise, juftice de cette infamie, fi l'auteur et l'ouvrage n'étaient pas auffi obfcurs que méchans. Ce qui eft étonnant, c'eft que monfieur le lieutenant de police ait permis cet attentat public contre toutes les lois de la fociété. Voyez fi on peut prévenir de pareils coups, par vos amis et les miens. Cependant je destinais à ce malheureux Launay un petit présent pour reconnaître la peine qu'il avait prise de lire ma pièce aux comédiens. L'abbé Mouffinot devait le porter chez vous; apparemment il vous parviendra ces jours-ci. C'eft la feule vengeance que je veux prendre de Launay; il faut le payer de fa peine, et l'empêcher d'ailleurs de faire du mal.

Je crois au petit Lamare un caractère bien différent. Il me paraît sentir vivement l'amitié et la reconnaiffance; mais j'ai peur qu'il ne gâte tout cela par de l'étourderie, de l'impolitesse et de la débauche. Je lui ai recommandé expreffément de vous voir fouvent, et de ne fe conduire que par vos confeils. C'est le feul moyen par où il puiffe mé plaire. Je crois bien qu'il n'eft pas encore digne d'entrer dans le fanctuaire de Pollion; il faut qu'il faffe pénitence à la porte de l'église avant de participer aux faints mystères.

1736.

Ce que vous me mandez de M. l'abbé de Rothelin me touche et me pénètre. Quoique des faveurs publiques de fa part fuffent bien flatteufes, fes bontés en bonne fortune me le font infiniment. Tout ceci me fait fonger à M. de Maisons fon ami. Mon Dieu qu'il aurait été aise du fuccès d'Alzire! Qu'il m'en eût aimé davantage Faut-il qu'un tel homme nous foit enlevé!

Mandez-moi, mon cher ami, avec votre vérité ordinaire, et fans aucune crainte, tout ce qu'on dit de moi. Soyez très-perfuadé que je n'en ferai jamais qu'un ufage prudent, que je ne fongerai qu'à faire taire le mal, et à encourager le bien. Faites-moi connaître fans fcrupule mes amis et mes ennemis, afin que je force les premiers à ne me point haïr, et que je me rende digne des autres.

Je voudrais bien qu'en me renvoyant ma pièce vous puiffiez y joindre quelques notes de Pollion et des vôtres. Que dites-vous du petit Lamare qui ne m'a point encore écrit? Il n'avait rien de particulier à dire à Rameau; je ne l'avais chargé que de complimens. Les négociations ne font confiées qu'à vous.

Savez-vous bien ce qui m'a plu davantage dans votre lettre? C'est l'efpérance que vous me donnez de venir apporter un jour vos hommages à la divinité de Cirey. Vous y verriez une retraite de hiboux, que les Grâces ont changée en un palais d'Albane. Voici quatre vers que fit Linant, ces jours paffés, fur le château :

Un voyageur, qui ne mentit jamais,
Paffe à Cirey, s'arrête, le contemple;

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Surpris, il dit : C'est un palais;

Mais voyant Emilie, il dit que c'est un temple. (*)

Vous m'avouerez que voilà un fort joli quatrain. Vous en verrez bien d'autres fi vous venez jamais dans cette vallée de Tempé; mais Pollion ne voudra jamais vous prêter pour quinze jours.

J'ai peur de ne vous avoir point parlé des vers que l'aimable Bernard a faits pour moi. Vous favez tout ce qu'il faut lui dire.

Adieu; je fouffre, mais l'amitié diminue tous les

maux.

1736.

LETTRE CLXXVII.

A M. PALLU,

INTENDANT DE MOULINS.

A Cirey, le 9 février.

Un peu de maladie, Monfieur, m'a privé de la

confolation de vous écrire des pouilles de ma main. Je me fers d'un fecrétaire ; je me donne des airs d'intendant. Hélas! cruel que vous êtes, c'eft bien vous qui faites l'intendant avec moi, en ne répondant point à mes requêtes ! J'avais cru vous faire ma

(*) M. de Voltaire corrigea ainfi ce quatrain:

Un voyageur, qui ne mentit jamais,
Paffe à Cirey, l'admire, le contemple;
Il croit d'abord que ce n'eft qu'un palais;

Mais il voit Emilie: ah, dit-il, c'eft un temple!

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