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1736.

libraire Ribou eft arrêté? Adieu; écrivez-moi tout ce que j'attends de vous.

Dites à monfieur votre frère que la fermière de M. d'Eflaing nous fait enrager. Je lui en écrirai un

mot.

Adieu; Emilie a joué fon rôle comme elle fait tout le refte. Ah, qu'il vaut mieux fe borner aux plaifirs de la fociété que de fe faire le Zani férieux, et le bouffon tragique d'un parterre tumultueux! Emilie vous aime. Vale.

LETTRE CLXXIII.

A M. L'ABBÉ

ASSELIN.

A Cirey, 29 janvier.

Je fais trop de cas de votre estime pour ne vous

E

avoir pas importuné un peu au fujet des mauvais procédés de l'abbé Desfontaines; mais j'avais envie, Monfieur, de vous faire voir que je ne me plaignais point fans fujet. Je vous fupplie de me renvoyer la lettre de madame la marquise du Châtelet. J'apprends que l'abbé Desfontaines eft malheureux, et dès ce moment je lui pardonne. Si vous favez où il eft, mandez-le-moi. Je pourrai lui rendre service, et lui faire voir par cette vengeance qu'il ne devait pas m'outrager. Je fais que c'est un précepteur du collége des jéfuites qui a fait imprimer le Jules-Céfar. C'est un homme de mauvaises mœurs qui eft, dit-on, à bicêtre. Eft-il poffible que la littérature foit fouvent

fi loin de la morale ! Vous joignez, Monfieur, l'efprit à la vertu, auffi rien n'égale l'eftime avec laquelle 1736. je ferai toute ma vie, &c.

LETTRE C L X X I V.

A M. THIRIO T.

A Cirey, le 2 février.

Mon cher ami, quelque vivacité d'imagination

qu'ait le petit Lamare, je fuis bien sûr qu'il ne vous a point dit combien je fuis pénétré de tout ce que vous avez fait pour nos Américains. Vous avez servi de père à mes enfans; l'obligation que je vous en ai eft un plaifir plus fenfible pour moi que le fuccès de ma pièce. J'attends avec impatience les détails que vous m'en apprendrez. Le 'divin M. d'Argental m'en a déjà appris de bons. Le petit Lamare était fi ému du gain de la victoire, qu'il favait à peine ce qui s'était passé dans le combat. Il m'a dit en général que le Franc avait été battu, et que vous chantiez le Te Deum. Mandez-moi, je vous prie, fi M. de la Poplinière est content; car ce n'eft qu'un De profundis qu'il faut chanter, fi je n'ai pas fon fuffrage. Je crois que le petit Lamare mériterait à préfent fon indulgence et fa protection; il m'a paru avoir une ferme envie d'être honnête homme et fage. On a été fort content de lui à Cirey. Il ne peut rien faire de mieux que de vous voir quelquefois, et de prendre vos avis.

Je n'ai pu avoir de privilége pour Jules-Céfar. Il n'y aura qu'une permiffion tacite : cela me fait trembler

pour Samfon. Les héros de la fable et de l'hiftoire 1736. femblent être ici en pays ennemi. Malgré cela j'ai

travaillé à Samfon dès que j'ai fu que nous avions gagné la bataille au Pérou ; mais il faut que Rameau me feconde, et qu'il ne fe laiffe pas affommer par toutes les mâchoires d'âne qui lui parlent. Peut-être que mon dernier fuccès lui donnera quelque confiance en moi. J'ai examiné la chofe très-mûrement ; je ne veux point donner dans les lieux communs. Samfon n'eft point un fujet susceptible d'un amour ordinaire. Plus on eft accoutumé à ces intrigues qui font toutes les mêmes fous des noms différens, plus je veux les éviter. Je fuis très-fortement perfuadé que l'amour dans Samfon ne doit être qu'un moyen et non la fin de l'ouvrage. C'eft lui et non pas Dalila qui doit intéreffer. Cela eft fi vrai, que fi Dalila paraiffait au cinquième acte, elle n'y ferait qu'une figure ridicule. Cet opéra, rempli de spectacle, de majesté et de terreur, ne doit admettre l'amour que comme un divertissement. Chaque chofe a fon caractère propre. En un mot, je vous conjure de me laiffer faire de l'opéra de Samfon une tragédie dans le goût de l'antiquité. Je réponds à M. Rameau du plus grand fuccès, s'il veut joindre à fa belle mufique quelques airs dans un goût italien mitigé. Qu'il réconcilie l'Italie avec la France. Encouragez-le, je vous prie, à ne pas laiffer inutile une mufique fi admirable. Je vous enverrai inceffamment l'opéra tel qu'il eft. Je fuis comme un homme qui a des procès à tous les tribunaux. Vous êtes mon avocat; Pollion eft mon juge. Tâchez de me faire gagner ma cause auprès de lui. Adieu, charmant et unique ami.

LETTRE CL XX v. 1736.

A M. THIRIOT.

A Cirey, 6 février.

Vous m'avez écrit non une lettre, mais, un livre

plein d'esprit et de raison. Faut-il que je n'y réponde que par une courte lettre qu'un peu de maladie m'empêche encore d'écrire de ma main? Si vous voyez MM. de Pont-de-Veflé et d'Argental, dont les bontés me font fi chères, dites-leur que c'eft moi qui ai perdu ma mère. Ce premier devoir rendu, dites bien à Pollion que les louanges du public font, après les fiennes, ce qu'il y a de plus flatteur. J'ai lu l'épître charmante de mon faint Bernard. Je n'ai encore ni le temps ni la fanté de lui répondre. Il a fallu écrire vingt lettres par jour, retoucher les Américains, corriger Samfon, raccommoder l'Indifcret. Ce font des plaisirs, mais le nombre accable et épuife. Le plus grand de tous a été de faire l'épître dédicatoire à madame la marquise du Châtelet, et un difcours que je vous adrefferai à la fin de la tragédie.

Je vous envoie la dédicace; l'autre difcours n'eft pas encore fini. Dites-moi d'abord votre avis fur cette dédicace de mon temple; elle n'eft pas digne de la déeffe. C'était à Locke à lui dédier l'Entendement humain, et je dis bien : Domina, non fum dignus, fed tantum dic verbum.

Après avoir eu la permiffion de M. et madame du Châtelet de leur rendre cet hommage; il faut encore que le public le trouve bon. Examinez donc ce petit

écrit fcrupuleufement; pefez-en les paroles. J'ofe fup1736. plier M. de la Poplinière de fe joindre à vous, et de

vouloir bien me donner fes avis; fi vous me dites tous deux que la chose réuffira, je ne craindrai plus rien. J'envoie aujourd'hui aux comédiens les corrections de l'Indifcret; je les prie en même temps de souffrir, pour le plaifir du public et pour leur avantage, que le public voye mademoiselle Dangeville en

culotte.

Je leur envoie auffi quelques changemens pour le quatrième acte d'Alzire, vous en trouverez ici la copie; ils me paraiffent néceffaires; ce font des charbons que je jette fur un feu languiffant. Je vous fupplie d'encourager Zamore et Alzire à fe charger de ces nouveautés.

Je ferai tenir, par la première occafion, l'opéra de Samfon; je viens de le lire avec madame du Châtelet, et nous fommes convenus l'un et l'autre que l'amour, dans les deux premiers actes, ferait l'effet d'une flûte au milieu des tambours et des trompettes. Il fera beau que deux actes fe foutiennent fans jargon d'amourette dans le temple de Quinault. Je maintiens que c'eft traiter l'amour avec le respect qu'il mérite, que de ne le pas prodiguer et ne le faire paraître que comme un maître absolu. Rien n'eft fi froid quand il n'eft pas néceffaire. Nous trouvons que l'intérêt de Samfon doit tomber absolument fur Samfon, nous ne voyons rien de plus intéreffant que ces paroles :

Profonds abymes de la terre, &c. (*)

(*) Voyez Samfon, acte V, fcène I.

et

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