Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

fagement dans ce détail, en parlant de la critique des 1735. Lettres philofophiques. J'ai extrêmement à cœur que le public foit désabusé des bruits injurieux qui ont couru fur mon caractère. Un homme qui néglige sa réputation est indigne d'en avoir ; j'en fuis jaloux, et vous devez l'être, vous qui êtes mon ami. Il vous fera très-aifé de faire inférer dans le Pour et Contre quelques réflexions générales fur les calomnies dont les gens de lettres font souvent accablés. L'auteur pourrait, après avoir cité quelques exemples, parler de l'accufation générale que j'ai effuyée au sujet des souscriptions de la Henriade, que j'ai toutes remboursées de mon argent aux souscripteurs français qui ont négligé d'envoyer à Londres; de forte que la Henriade, qui m'a valu quelque avantage en Angleterre, m'a coûté beaucoup en France, et je fuis affurément le feul homme à qui cela foit arrivé. Il pourrait ensuite réfuter les autres calomnies qu'on a entaffées dans mon prétendu portrait, en disant ce que j'ai fait en faveur de plufieurs gens de lettres, lorfque j'étais à Paris. Ces faits avérés font une réponse définitive à toutes les calomnies. On y pourrait ajouter que l'abbé Desfontaines, qui m'outrage, tous les huit jours, eft l'homme du monde qui m'a le plus d'obligations. Tout cela dicté par la bonté de votre cœur et par la fageffe de votre efprit, arrangé par la plume de l'auteur du Pour et Contre, ne pourrait faire qu'un très-bon effet; après quoi, tout ce que je fouhaiterais, ce ferait d'être oublié de tout le monde, hors des perfonnes avec qui je vis, et de vous que j'aimerai toute ma vie.

1735.

LETTRE CL V.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

J

Octobre.

E vous envoie, mon charmant ami, une tragédie (*) au lieu de moi. Si elle n'a pas l'air d'être l'ouvrage d'un bon poëte, elle aura celui d'être au moins d'un bon chrétien ; et par le temps qui court, il vaut mieux faire fa cour à la religion qu'à la poëfie. Si elle n'eft bonne qu'à vous amufer quelques momens, je ne croirai pas avoir perdu ceux que j'ai paffés à la compofer elle a fervi à faire paffer quelques heures à madame du Châtelet. Elle et vous me tenez lieu du public; vous êtes feulement l'un et l'autre plus éclairés et plus indulgens que le parterre. Si, après l'avoir lue, vous la jugez capable de paraître devant ce tribunal dangereux, c'eft une aventure périlleuse que j'abandonne à votre discrétion, et que j'ofe recommander à votre amitié : furtout laiffez-moi goûter le plaifir de penfer que vous avez feul, avec madame du Châtelet, les prémices de cet ouvrage. Je ne peux pas afsurément exclure monfieur votre frère de la confidence; mais hors lui, je vous demande en grâce que perfonne n'y foit admis. Vous pourriez faire préfenter l'ouvrage à l'examen, fecrétement et fans qu'on me foupçonnât. Je confens qu'on me devine à la première représentation; je ferais même fâché que les connaiffeurs s'y puffent méprendre; mais je ne veux pas (*) Alzire.

que

les curieux fachent le fecret avant le temps, et que 1735. les cabales, toujours prêtes à accabler un pauvre homme, aient le temps de fe former. De plus, il y a bien des chofes dans la pièce qui pafferaient pour des fentimens très-religieux dans un autre, mais qui chez moi feraient impies, grâce à la justice qu'on a coutume de me rendre.

Enfin, le grand point eft que vous soyez content; et fi la pièce vous plaît, le refte ira tout feul: trouvez feulement mon enfant joli, adoptez-le, et je réponds de fa fortune. Je n'ai point lu le conte du jeune Crébillon. On dit que fi je l'avais fait, je ferais brûlé : c'est tout ce que j'en fais. Je n'ai point lu les Mécontens, et ne fais même s'ils font imprimés. J'ai vécu, depuis deux mois, dans une ignorance totale des plaisirs et des fottifes de votre grande ville. Je ne fais autre chofe finon que je regrette votre commerce charmant, et que j'ai bien peur de le regretter encore long-temps. Voilà ce qui m'intéreffe; car je vous serai attaché toute ma vie, et j'en mettrai le principal agrément à en paffer quelques années avec vous. Parlez de moi, je vous en prie, à la philofophe qui vous rendra cette lettre; elle eft comme vous, l'amitié eft au rang de ses vertus; elle a de l'esprit fans jamais le vouloir; elle est vraie en tout. Je ne connais personne au monde qui mérite mieux votre amitié. Que ne fuis-je entre vous deux, mon cher ami? et pourquoi fuis-je réduit à écrire à l'un et à l'autre?

Adieu; je vous embraffe; adieu, aimable et folide ami.

LETTRE

CLVI.

1735.

A M. L'ABBÉ AS SELIN.

A Cirey, 24 octobre.

M. Demoulin, Monfieur, a dû vous remettre un papier qui contient la dernière scène de JulesCéfar, telle que je l'ai traduite de Shakespeare, ancien auteur anglais. Je ne vous en donnai qu'une partie, parce que j'avais fupprimé pour votre théâtre l'affaffinat de Brutus. Je n'avais ofé être ni romain ni anglais à Paris. Cette pièce n'a d'autre mérite que celui de faire voir le génie des Romains, et celui du théâtre d'Angleterre; d'ailleurs, elle n'eft ni dans nos mœurs, ni dans nos règles; mais l'abbé Desfontaines aurait dû faire à cette étrangère, les honneurs du pays un peu mieux. Il me femble que c'eft enrichir la république des lettres, que de faire connaître le goût de fes voifins ; et peut-on faire connaître les poëtes autrement qu'en vers? C'était là un beau champ pour l'abbé Desfontaines. Il eft bien étonnant qu'il ait parlé de cet ouvrage comme s'il eût critiqué une pièce de notre théâtre. Vous lui ferez, fans doute, faire cette réflexion, fi vous le voyez. J'ai beaucoup de fujets de me plaindre de lui, et j'en fuis très-fâché, parce qu'il a du mérite. Je ne veux avoir de guerre littéraire avec perfonne. Ces petits débats rendent les lettres trop méprifables. L'abbé Desfontaines m'avertit que j'en vais foutenir une fur fon théâtre, au fujet des ouvrages de Campiftron. Il

1735.

y a du temps qu'il l'a commencée, et bien injuftement. Je protefte en homme d'honneur, que je n'ai jamais rien écrit contre cet auteur, et que je n'ai jamais vu l'écrit dont l'abbé Desfontaines parle. Faiteslui fentir, Monfieur, combien il eft odieux de me faire jouer, malgré moi, un personnage qui me déplaît, et de me mêler dans une querelle où je ne fuis jamais entré. Il me menace d'inférer dans son Journal des pièces défagréables contre moi. Sur cette matière, tout ce que je répondrai fera une proteftation folennelle que je ne fais ce dont il s'agit. Pourquoi veut-il toujours s'acharner à me piquer et à me nuire ? Estce-là ce que je devais attendre de lui? Je vous prie, Monfieur, de joindre à vos bontés, celle de lui parler. Il a trop de mérite, et j'ofe dire qu'il m'a trop d'obligations pour que je veuille être fon ennemi. Pour vous, Monfieur, je n'ai que des grâces à vous rendre, et je vous ferai attaché toute ma vie, avec toute l'eftime et toute la reconnaiffance que je vous dois.

LETTRE

« ZurückWeiter »