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de moi, nommée la Mort de Céfar. Les éditeurs ont maffacré ce Céfar plus que n'ont jamais fait Brutus et 1735. Caffius. J'admire l'abbé Desfontaines de m'imputer toutes les pauvretés, les mauvais vers, les phrases inintelligibles, les fcènes tronquées et tranfpofées qui font dans cette miférable édition! Un homme de goût diftingue aifément la main de l'ouvrier; il fait qu'il y a certains défauts dont un auteur qui connaît les premières règles de fon art eft incapable; mais il paraît que l'abbé Desfontaines fait bien mal les règles du goût, de l'équité, de la raison, de la fociété, et furtout de la reconnaissance. Il n'y a point de lecteur qui ne doive être indigné quand cet abbé compare les ftoïciens aux quakers. Il ne fait pas que les quakers font des gens pacifiques, les agneaux de ce monde; que c'eft un point de la religion chez eux de ne jamais aller à la guerre, de ne porter pas même d'épée. C'est avec autant d'erreur qu'il prononce que Brutus était un particulier; tout le monde fait affez qu'il était fénateur et préteur; que tous les conjurés étaient fénateurs, &c. Je ne relèverai point toutes les méprises dans lefquelles il tombe; mais je vous avoue que toute ma patience m'abandonne, quand il ofe dire que la Mort de Céfar eft une pièce contre les mœurs. Eft-ce donc à lui à parler de mours? Pourquoi fait-il imprimer une lettre que je lui ai écrite avec confiance? Il trahit le premier devoir de la fociété. Je le priais de garder le fecret fur ma lettre et fur le lieu où je fuis, et de dire feulement en deux mots que cette impertinente édition de la Mort de Céfar n'a prefque rien de commun avec mon ouvrage. Au lieu de faire ce que je lui demande, il imprime

une fatire où il n'y a ni raison ni équité, et au bout 1735. de cette fatire il donne ma lettre au public. On croirait peut-être, à ce procédé, que c'eft un homme qui a beaucoup à fe plaindre de moi, et qui cherche à se venger à tort et à travers ; c'est cependant ce même homme pour qui je me traînai à Versailles, étant prefque à l'agonie, pour qui je follicitai toute la cour, et qu'enfin je tirai de bicêtre. C'est ce même homme que le ministère voulait faire brûler, contre qui les procédures étaient commencées; c'est lui à qui j'ai fauvé l'honneur et la vie ; c'eft lui que j'ai loué comme un affez bon écrivain, quoiqu'il m'eût ført faiblement traduit; c'eft lui enfin qui, depuis ces fervices effentiels, n'a jamais reçu de moi que des politeffes, et qui, pour toute reconnaiffance, ne ceffe de me déchirer. Il veut, dans les feuilles qu'il donne toutes les femaines, tourner la Henriade en ridicule. Savezvous bien qu'il en a fait une édition clandeftine à Evreux, et qu'il y a mis des vers de fa façon ? C'était bien la meilleure manière de rendre l'ouvrage ridicule. Je vous avoue que ce continuel excès d'ingratitude eft bien fenfible. J'avais cru ne trouver dans les belles-lettres que de la douceur et de la tranquillité, et certainement ce devrait être leur partage; mais je n'y ai rencontré que trouble et qu'amertume. Que dites-vous de l'auteur d'une brochure contre les Lettres philofophiques, qui commence par afsurer que non-feulement j'ai fait imprimer cet ouvrage en Angleterre, mais que j'ai trompé le libraire avec qui j'ai contracté, moi qui ai donné publiquement cet ouvrage à M. Thiriot pour qu'il en eût feul tout le profit. Peut-on m'accufer d'une baffeffe fi directement

oppofée à mes fentimens et à ma conduite? Qu'on m'attaque comme auteur, je me tais; mais qu'on 1735. veuille me faire paffer pour un mal-honnête homme, cette horreur m'arrache des larmes. Vous voyez avec quelle confiance je répands ma douleur dans votre fein. Je compte fur votre amitié autant que j'ambitionne votre eftime.

JE

LETTRE CLI V.

M. THIRIOT.

A M.

Cirey, le 4 octobre.

E vous avoue, mon cher ami, que je fuis indigné des brochures de l'abbé Desfontaines. C'eft déjà le comble de l'ingratitude dans lui de prononcer mon nom, malgré moi, après les obligations qu'il m'a; mais fon acharnement à payer, par des fatires continuelles, la vie et la liberté qu'il me doit, eft quelque chofe d'incompréhenfible. Je lui avais écrit pour le prier d'avertir le public, comme il eft vrai, que la pièce de Jules-Céfar, telle qu'elle est imprimée, n'est point mon ouvrage. Au lieu de me répondre, que fait-il? une critique, une fatire infame de ma pièce, et au bout de fa fatire il fait imprimer ma lettre fans m'en avoir averti; il joint à cet indigne procédé, celui de mettre la date du lieu où je fuis, et que je voulais qui fût ignoré du public. Quelle fureur possède cet homme, qui n'a d'idées dans l'efprit que celles de la fatire, et de fentimens dans le cœur que

ceux de la plus lâche ingratitude? Je ne lui ai jamais 1735. fait que du bien, et il ne perd aucune occasion de

m'outrager. Il joint les imputations les plus odieufes aux critiques d'un ignorant et d'un homme sans goût. Il dit que Céfar eft une pièce contre les bonnes mœurs, et il ajoute que Brutus a les sentimens d'un quaker plutôt que d'un ftoïcien. Il ne fait pas qu'un quaker eft un religieux au milieu du monde, qui fait vœu de patience et d'humilité, et qui, loin de venger les injures publiques, ne venge jamais les fiennes, et ne porte pas même d'épée. Il avance avec la même ignorance que Brutus était un particulier fans caractère, oubliant qu'il était préteur. C'eft avec le même efprit que ce prétendu critique, en condamnant le Temple du Goût, veut juftifier la reffemblance de la plupart des caractères des héros de Racine, tels que Bajazet, Xipharès, Hippolyte, que je nomme expreffément. Je dis qu'ils paraiffent un peu courtisans français, et il parle du caractère de Pyrrhus dont je n'ai pas dit un mot. Il met enfuite la Henriade à côté des ouvrages de mademoiselle Malcrais. Il veut faire l'extrait d'un ouvrage anglais, intitulé Alciphron, du docteur Barclai, qui paffe pour un faint dans fa communion. Ce livre eft un dialogue en faveur de la religion chrétienne. Il y a un interlocuteur qui eft un incrédule. L'abbé Desfontaines prend les fentimens de cet interlocuteur pour les fentimens de l'auteur, et traite hardiment Barclai d'athée. Il loue les plus mauvais ouvrages du même fonds d'iniquité et de mauvais goût dont il condamne les bons. Je crois bien que le public éclairé me vengera de fes impertinentes critiques; mais je voudrais bien que l'on sût

qu'au moins la tragédie de Jules-Céfar n'eft point de moi telle qu'elle eft imprimée. Peut-on m'imputer 1735. des vers fans rime, fans mefure et fans raifon, dont cette misérable édition est parfemée ? Vous êtes des amis de l'auteur du Pour et Contre; engagez-le, je vous en prie, à me rendre justice dans cette occafion. A l'égard de l'abbé Desfontaines, ne pourriez-vous pas lui faire sentir l'infamie de fon procédé, et à quoi il s'expofe? Que dira-t-il quand il verra à la tête de la Henriade, ou de mes autres ouvrages, l'hiftoire de fon ingratitude?

J'ai lu auffi cette indigne critique des Lettres philofophiques. Vous croyez bien que je la regarde avec le profond mépris qu'elle mérite; mais je vois que les calomnies s'accréditent toujours. Ce méchant livre n'eft que l'écho des cris des miférables auteurs qui ne ceffent d'aboyer contre moi. Que de baffeffe et que d'horreurs chez les gens de lettres ! Eux qui devraient apprendre à penfer aux autres hommes, et enfeigner la raison et la vertu, ne fervent qu'à déshonorer l'efpèce humaine. Un miférable auteur famélique, qui imprime fes fottifes ou celles des autres pour vivre, s'imagine que c'est dans ce deffein que j'ai donné des ouvrages au public. Il ofe dire que j'ai trompé mon libraire au fujet de ces Lettres que vous connaissez. Quelle indignité et quelle misère! Devez-vous fouffrir, mon cher Thiriot, une accufation pareille? Vous pour qui feul ces Lettres ont été imprimées en Angleterre, supportez-vous qu'on m'accufe d'avoir travaillé pour moi? La probité ne vous engage-t-elle pas à réfuter, une bonne fois pour toutes, ces odieufes imputations? Engagez un peu l'abbé Prévost à entrer

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