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Clarke, dans fon fecond chapitre de l'existence de DIEU, croit avoir démontré que la matière n'exifte 1734. point néceffairement, et cela par ce feul argument, que fi le tout existait de néceffité, chaque partie exifterait de la même néceffité. Il nie la mineure, et, cela fait, il croit avoir tout prouvé; mais j'ai le malheur, après l'avoir lu bien attentivement, de rester fur ce point fans conviction. Mandez-moi, je vous prie, fi fes preuves ont eu plus d'effet fur vous que fur moi.

Il me fouvient que vous m'écrivites il y a quelque temps que Locke était le premier qui eût hasardé de dire que DIEU pouvait communiquer la pensée à la matière. Hobbes l'avait dit avant lui, et j'ai idée qu'il y a dans le De naturâ Deorum quelque chofe qui reffemble à cela.

Plus je tourne et je retourne cette idée, plus elle me paraît vraie. Il ferait abfurde d'affurer que la matière pense, mais il ferait également abfurde d'affurer qu'il eft impoffible qu'elle pense. Car, pour foutenir l'une ou l'autre de ces affertions, il faudrait connaître l'effence de la matière, et nous fommes bien loin d'en imaginer les vraies propriétés. De plus, cette idée eft auffi conforme que toute autre au systême du chriftianifme, l'immortalité pouvant être attachée tout auffi bien à la matière que nous ne connaiffons pas, qu'à l'efprit que nous connaiffons encore moins.

Les Lettres philofophiques, politiques, critiques, poëtiques, hérétiques et diaboliques fe vendent en anglais à Londres avec un grand fuccès. Mais les Anglais font des papefigues maudits de DIEU, qui

font tous faits pour approuver l'ouvrage du démon. 1734. J'ai bien peur que l'Eglife gallicane ne foit un peu

plus difficile. Fore m'a promis une fidélité à toute épreuve. Je ne fais pas encore s'il n'a pas fait quelque petite brèche à fa vertu. On le foupçonne fort à Paris d'avoir débité quelques exemplaires. Il a eu fur cela une petite conversation avec M. Hérault; et par un miracle, plus grand que tous ceux de St Pâris et des apôtres, il n'eft point à la baftille. Il faut bien pourtant qu'il s'attende à y être un jour. Il me paraît qu'il a une vocation déterminée pour ce beau féjour. Je tâcherai de n'avoir pas l'honneur de l'y

accompagner,

LETTRE CVI.

A M.

ON

DE FOR MON T.

A Montjeu par Autun, ce 25 avril.

N ne peut, mon cher Formont, vous écrire plus rarement que je fais, et yous aimer plus tendrement. Je paffe la moitié de mes jours à souffrir, et l'autre à étudier ou à rimailler, et il fe trouve que la journée fe paffe fans que j'aye le temps d'écrire ma lettre. Vous ferez peut-être étonné de la date de celle-ci. Moi au fond de la Bourgogne, moi qui n'aurais youlu quitter Paris que pour Rouen! mais c'eft que je me fuis mêlé de marier M. de Richelieu avec mademoiselle de Guife, et qu'il a fallu dans les règles être de la noce. J'ai donc fait quatre-vingts lieues pour voir un homme coucher avec une femme. C'était bien la peine d'aller fi loin !

Mais voici bien une autre befogne. On vend mes Lettres, que vous connaiffez, fans qu'on m'ait averti, 1734.

fans qu'on m'ait donné le moindre figne de vie. Ona l'infolence de mettre mon nom à la tête, et malgré mes prières réitérées de fupprimer au moins ce qui regarde les Penfées de Pafcal, on a joint cette lettre aux autres. Les dévots me damnent; mes ennemis crient', et on me fait craindre une lettre de cachet, lettre beaucoup plus dangereufe que les miennes. Je vous demande en grâce de me mander ce que vous pourrez favoir. Jore eft-il dans votre ville? Eft-il à Paris? Pourrait-on au moins faire favoir mes intentions à ceux qui ont eu l'indifcrétion de débiter cet ouvrage fans mon confentement? Pourrait-on au moins fupprimer mon nom? Adieu, mon fage et aimable ami. Je fuis bien fou de me faire des affaires pour un livre.

A M.

LET TRE

CVII.

M. DE MAUPER TU I S.

A Montjeu par Autun, 29 avril.

VOTRE géomètre (20), Monfieur, vient de me mon

trer votre lettre. Je vous plains de fon abfence; mais je fuis beaucoup plus à plaindre que vous s'il faut que j'aille à Londres ou à Bafle, tandis que vous ferez à Paris avec madame du Châtelet.

Ce font donc ces Lettres anglaifes qui vont m'exiler!

(20) Madame du Châtelet à qui M. de Maupertuis avait donné quelques leçons de géométrie.

En vérité, je crois qu'on fera un jour bien honteux 1734. de m'avoir perfécuté pour un ouvrage que vous avez

corrigé. Je commence à foupçonner que ce font les partisans des tourbillons et des idées innées qui me fufcitent la perfécution. Cartéfiens, mallebranchiftes, jansénistes, tout se déchaîne contre moi; mais j'efpère en votre appui : il faut, s'il vous plaît, que vous deveniez chef de fecte. Vous êtes l'apôtre de Locke et de Newton, et un apôtre de votre trempe avec une difciple comme madame du Châtelet rendraient la vue aux aveugles. Je crains encore plus monfieur le garde-des-fceaux que les raisonneurs; il ne prend point du tout cette affaire-ci en philofophe: il se fâche en ministre, et, qui pis eft, en ministre prévenu et trompé. On lui a fait entendre que c'eft moi qui débite cette édition, tandis que je n'ai épargné, depuis un an, ni foins ni argent pour la fupprimer. J'étais bien loin affurément de la vouloir donner au public; il me fuffifait de votre approbation. Madame du Châtelet et vous, ne me valez-vous pas le public? D'ailleurs aurais-je eu, je vous prie, l'impertinence de mettre mon nom à la tête de l'ouvrage? Y aurais-je ajouté la lettre fur Pafcal, que j'avais fait fupprimer même à Londres?

Savez-vous bien que j'ai fait prodigieufement grâce à ce Pafcal. De toutes les prophéties qu'il rapporte, il n'y en a pas une qui puiffe . . . Cependant je n'en ai rien dit, et l'on crie; mais laiffez-moi faire ... . (21).

En attendant, je vous prie de faire connaître la vérité à vos amis. Il me fera plus glorieux d'être

(21) Ces lignes ont été effacées, dans l'original, par M. de Maupertuis, apparemment dans un accès de dévotion. On n'a pu en déchiffrer que ces mots. défendu

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défendu par vous, qu'il n'eft trifte d'être perfécuté par les fots.

Je vous demande pardon d'avoir mis tant de paroles dans ma lettre; mais quand on écrit en préfence de madame du Châtelet, on ne peut pas recueillir fon efprit fort aifément.

Adieu; vous favez le refpect que mon efprit a pour le vôtre. Ecrivez-moi, ou pour me répondre quelques nouvelles de ces Lettres, ou pour me confoler. Je vous fuis tendrement attaché pour la vie, comme fi j'étais digne de votre commerce.

LETTRE

CVIII.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL. (22)

ON

Avril.

N dit qu'après avoir été mon patron vous allez être mon juge, et qu'on dénonce à votre fénat ces Lettres anglaises, comme un mandement du cardinal de Biffy ou de l'évêque de Laon. Meffieurs tenant la cour du parlement, de grâce, fouvenez-vous de ces vers:

Il est dans ce faint temple un fénat vénérable
Propice à l'innocence, au crime redoutable,
Qui, des lois de fon prince et l'organe et l'appui,
Marche d'un pas égal entre fon peuple et lui, &c.

Je me flatte qu'en ce cas les préfidens Hénault et
Roujaut, les Bertier, se joindront à vous, et que vous

(22) Conseiller honoraire du parlement de Paris, et depuis ministre plénipotentiaire de Parme à Paris.

1734.

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