évoquées. Le bouffon, qui se nomme Pierre-detouche, Touchstone (mot insignifiant en français et grotesque en anglais), se moque de toutes les prétentions vaporeuses des autres acteurs, et surtout des ravissemens de l'amour céladonique : il choisit la plus laide des bergères, en fait sa Dulcinée, l'idéalise, la pare de toutes les grâces et de tous les trésors de la beauté, et va promenant ses ironiques amours au milieu des autres bergers de la forêt. Quant au philosophe Jacques, melancoly Jaques, il est de bonne foi, et plus à plaindre que ridicule; c'est le misantrope de Shakspeare. Plus contemplatif que l'Alceste de Molière, épris seulement de la solitude et de la rêverie, il se montre à nous comme le Don Quichotte de la méditation philosophique. Il se jette au pied d'un arbre; et là son bonheur est de se livrer à des réflexions mélancoliques sur les vicissitudes de la fortune, sur la fausseté des mortels, sur les maux que la société se fait à elle-même, sur le joug tyrannique que l'homme prétend avoir reçu le droit d'imposer aux animaux qu'il asservit ou qu'il égorge. Une eitation peut seule donuer quelque idée de cette pièce singulière, de cette idylle phi losophique. La scène est dans les Ardennes, où le vieux duc vit retiré avec ses compagnons d'infortune. LE DUC EXILÉ, au milieu de ses anciens courtisans. Nos jours, qui s'écoulaient chargés d'inquiétude, Fausseté, ruse, envie et dehors mensongers, Et le froid de l'hiver et l'ardeur des élés. Moi, quand la bise souffle à la fin de l'automne, Me dit que je suis homme et que je dois mourir ; Qui de ma royauté dédaigne la colère, Je l'écoute et souris, et je me dis tout bas : «Il vaut mieux que la cour; il ne me flatte pas (1). » (1) Acte II, scène ioo. FIN. |