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V.

Les Eatacombes de Saint-Michan.

Here's fine revolution, an we had the trick to see! Did these bones cost no more the breeding, but to play at loggats with them? mine ache to think on't.

Jolie révolution, ma foi! si nous avions l'esprit de nous en douter! Ces os qui ont coûté cher à élever, étaient-ils destinés à jouer aux osselets? les miens frissonnent quand j'y pense.

SKAKSPEARE. Hamlet.

Dublin, 18 octobre 1816.

Vous me demandez sur l'état actuel de l'Irlande quelques unes de ces particularités nationales qui prêtent aux ouvrages modernes une teinte de vérité apparente et d'ingénuité factice... Songez-vous que je suis à Dublin depuis cinq

jours, que je repasserai dans trois jours l'Avon et la Saverne, pour me rendre à Bristol et revenir à Londres: et m'avez-vous pris pour un de ces touristes impudens, qui voyagent sur la terre comme les astrologues dans le ciel, devinant ce qu'ils ne voient pas, observant le monde des fenêtres d'une auberge, étudiant un peuple à la volée, et ne demandant qu'une semaine pour vous le jauger, pour ainsi dire, tout entier?

Ensuite, pensez-vous, avec quelques écrivains récens, que, pour être. historique, il suffit de ramasser çà et là quelques lambeaux de l'histoire? Sont-ce des noms, des dates, des fragmens de coutumes, des débris de dictionnaires, qui constituent la vie intime d'un peuple? Quoi que l'on puisse faire, et quelque talent que l'on ait, jamais œuvre de mosaïque sera-t-elle une œuvre d'art? Walter-Scott n'a pas étudié l'Écosse dans les pages des voyageurs: Thomas Hope n'a créé ce beau roman d'Anastase qu'en observant sur place l'Orient. Si je formais le projet de mettre en scène l'Irlande avec ses misères invétérées et incurables, j'irais, ce me semble, camper pendant quelques années au milieu de ces uniformes

et de ces haillons, parmi cette population de sauvages et de grands seigneurs: paradoxe unique dans les annales du monde.

Prenez, croyez-moi, cette résolution; votre imagination s'éveillera plus puissante en face de la réalité. Entrez dans ces cabanes de jonc, sans toit, sans porte et sans cheminée, à demi couvertes par quelque vieille draperie en lambeaux, et où se pressent cinq ou six misérables, tout nus comme leur asile : laissez-vous servir des fragmens de ce pain que l'on cuit tous les six mois, et que l'on coupe avec une hache. Vous verrez cette famille d'hommes, de femmes et d'enfans, . s'asseoir sur le sol humide, comme les bêtes dans leur tanière, et dévorer les pommes de terre mal cuites, seul aliment qu'ils réservent pour leurs jours de fête. Quand vous aurez ainsi observé le fond même de la société : son apparence extérieure, son écorce brillante, ses concerts, ses représentations théâtrales, ses bals élégans, les prétentions et les saillies de ses salons, les tirades pompeuses et les sourdes menées de sa politique, n'auront plus le droit de vous imposer. C'est alors que l'émotion vous saisira,

quand des voix virginales répèteront les mélodies patriotiques de Thomas Moore; et peut-être, des fenêtres d'une résidence royale, entendrez-vous se mêler au bruit des instrumens, au murmure des danseuses, à l'écho de leurs pas légers, les gémissemens de ces Parias d'Irlande, battus de verges sous le balcon du gouverneur, ainsi que cela est arrivé en 1811, pendant le bal donné par lord Castlereagh (1).

Pour moi, qui n'ai pu étudier que chez quelques individus épars le caractère étrange de la nationalité irlandaise, si étourdie et si sauvage, si mélancolique et si passionnée, je ne vous obsèderai pas de mes inductions morales.

Un siècle de théories ne vaut pas un jour d'observation réelle. Pour observer, il faut voir, sentir, souffrir; l'observation se compose moins de souvenirs froids que de sensations animées. Or, voici ce que j'ai vu, ce que j'ai éprouvé hier, en visitant l'un des quartiers les plus pauvres et les plus déserts de cette ville. Un singulier hasard m'a fait retrouver tout vivans dans les tombeaux

(1) Voyez les éloquens discours de Charles Phillips, les journaux de 1871.

d'une église délabrée, le nom de la France et le souvenir récent de nos troubles. Vous allez venir avec moi sous les voûtes de Saint-Michan de Dublin, et vous ne me reprocherez pas de laisser vide le cadre plus sévère et plus brillant que vous m'aviez tracé. J'aurai du moins l'avantage de parler de ce que je sais, et mon histoire d'aujourd'hui, toute fraîche de mes souvenirs d'hier, passera, si elle vous ennuie, comme la colonne d'un journal.

L'église de Saint-Michan est vieille et laide c'est l'architecture saxonne dans sa pureté : lourde, massive, épaisse, sans originalité, sans élégance; emblème d'une barbarie qui n'a pas de grandeur. Un vieux sacristain catholique nous montra des images, nous conta des légendes, nous entretint des fondateurs et réparateurs de SaintMichan. L'Irlandais qui m'accompagne dans mes excursions, l'écoutait avec patience: mais moi, j'avais peine à saisir quelques paroles de ce dialecte hibernois, où toutes les voyelles sont plus brèves, où les sons sifflans se multiplient et se succèdent avec une rapidité et un luxe dont vous.

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