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plus fameuses, je livre à l'observation un grand phénomène moral : ce peuple entier qui entoure de son admiration et de sa douleur l'échafaud de la victime, mais qui sait que si elle viole la loi elle détruira toute la société; l'étrange et solennelle éloquence de cette masse, animée d'un même regret, d'une même pensée, assez forte et assez puissante pour arracher à la mort la victime qu'elle plaint, et répétant en chœur, aux pieds du gibet: « Pitié pour la victime; anathème pour les bourreaux : mais respect à la loi !

"

IV.

Panurge, Falstaff et Sancho.

L'Ame d'un siècle se révèle en eux.

JEAN-PAUL.

*

Il nous faut, à nous, hommes du XIXe siècle, pour stimuler notre langueur, du merveilleux et non du comique. Dans un temps si positif, tout est convenu d'avance : les institutions règlent les coutumes; la politique et la morale sont devenues des sciences exactes; un code de législation multiple et omniprésente nous enlace de toutes parts; une administration immense étreint la société de son

réseau. Rien n'échappe à ses observations, à la rigidité de ses chiffres, à l'activité de ses bureaux, à la classification de son cadastre. Tout s'exécute par un mécanisme dont la combinaison est connue, dont les résultats sont prévus.

Aussi, voyez comme l'imagination humaine, avec son besoin d'indépendance, échappe à ces habitudes régulières. Elle fuit cette civilisation positive qui la presse de tous côtés, et va se réfugier, dès qu'elle le peut, dans une sphère idéale et merveilleuse. La littérature et les arts deviennent fantastiques. On voit, par une étrange anomalie, une population scientifique et industrielle revenir aux contes de fées, admirer les arabesques poétiques de Gozzi,s'éprendre pour les visions de terreur inventées par George Lewis et Hoffmann, et sourire aux plus bizarres créations dont l'esprit de l'homme ait peuplé l'espace et le vide. Il s'établit comme une compensation tacite entre le positif de la vie et les jeux d'une imagination indépendante. Enfin, plus la civilisation devient matérielle, et se retranche dans les bornes de l'utile, plus on voit le goût de l'idéal acquérir de force et d'élan.

Que l'on étudie attentivement chacune des grandes ères sociales; on y remarquera toujours, d'une part, une idée-mère, une pensée-reine, qui se mêle à toutes les autres idées, circule comme le sang dans les veines de la société, l'anime de sa vie propre, détermine un mouvement général ; d'un autre, une opposition constante destinée à contrebalancer l'influence dominatrice, et à rétablir l'équilibre; loi de réaction éternelle et inévitable. Aujourd'hui que la société a choisi l'utilité pour base, le merveilleux commence à reprendre ses droits. Quand Rome avilie ne songeait qu'au luxe et à la débauche, le Stoicisme proclamait ses sévères doctrines. Pétrone et Thraséas étaient contemporains. Admirez par quelle apparente contradiction le berceau du christianisme, qui devait affranchir le monde, fut placé au milieu de la servitude la plus ignoble que le genre humain ait acceptée ou soufferte. Pendant que l'invasion des Barbares bouleverse le globe, la loi de pardon et de bonté s'établit : l'arbre de paix germe dans le sang.

Si l'on applique la même observation au moyen âge, on y verra se prononcer également un dou

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