Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

L'OUVRAGE que nous donnons au public sous le titre d'HISTOIRE DE LA MARINE DE TOUS LES PEUPLES depuis la plus haute antiquité jusqu'à nos jours, est le fruit de trente années de travail, et de longs voyages sur terre et

sur mer.

« S'il faut, comme l'a dit le traducteur de » Lucien (1), qu'un historien ait vu une ar» mée, des soldats rangés en bataille, ce que >> c'est qu'une aile, un front, des bataillons, >> des machines de guerre, et qu'il ne s'en rap» porte pas aux yeux d'autrui; s'il est surtout »> nécessaire qu'il soit libre, n'espérant ni ne » craignant rien, inaccessible aux présens et >> aux récompenses, ne faisant grâce à per» sonne, juge équitable et indifférent, sans » pays et sans maître; qu'il dise les choses

(1) J. RACINE.

» comme elles sont, sans les farder ni les dé

[ocr errors]

guiser (car il n'est pas poëte, il est narra»teur, et par conséquent n'est point respon»sable de ce qu'il raconte); s'il faut, en un » mot, qu'il sacrifie à la seule vérité, et qu'il » n'ait pas devant les yeux des espérances >> aussi courtes que celles de cette vie, mais >> l'estime de toute la postérité, » quelles qualités indispensables n'est-on pas en droit d'exiger de celui qui, saisissant le burin sacré, ose tracer les fastes de la Marine universelle, la prendre à son berceau, en suivre les longs et tardifs développemens, et réaliser enfin l'idée-mère que lui ont suggérée deux navigateurs célèbres, honneur de la Patrie, Bougainville et Villaret-Joyeuse?

Nous le disons hautement : « Que celui-là >> se condamne au plus rigoureux silence, qui voudrait parler de la mer, sans en avoir per» sonnellement couru les dangers! » Quelle différence, en effet, et hors de toute proportion, existe entre les Continens et l'Océan? Là, tout est fixe et protecteur; ici tout est mobile et cache des gouffres immenses.

C'était donc peu que, téméraire investigateur, l'homme eût ouvert le sein de la terre, et déchiré ses entrailles, pour en extraire les métaux corrupteurs (*); il manquait à son audace de franchir des bornes posées par la Divinité elle-même, et d'aller dans des contrées inconnues, porter le ravage et la dévastation. Insensé! il ignorait, sans doute, qu'en créant l'Océan, le souverain arbitre de toutes choses a voulu qu'il fût libre; qu'il devînt une propriété commune, et que les eaux ne prêtassent aux peuples leur sein maternel, que pour faciliter leurs communications, et les aider à se donner, en quelque sorte, la main, et à fraterniser entre eux.

Quelle fatalité a donc permis qu'il se soit trouvé des princes assez présomptueux pour affecter, dans leur fol orgueil, la suprématie des mers, et des écrivains assez lâches pour sacrifier leur conscience à quelques monceaux d'or? Selden est de ce nombre; mais si l'on est péniblement affecté du verbiage et des

(*) Effodiuntur opes, irritamenta malorum.

a.

divagations de l'auteur du Mare Clausum, on éprouve une vive satisfaction, en voyant Grotius, dans les chapitres rer, vie, VII, VIIIe et xie de son Mare Liberum, soutenir victorieusement contre son adversaire, les intérêts de la justice et de l'équité. Treize chapitres suffisent à Grotius, pour établir d'une manière péremptoire le droit des Nations (*), tandis qu'il en faut trente à Selden pour défendre une cause qu'il sait être mauvaise, lui qui avait son franc-parler à la cour de Jacques 1er et de Charles rer, et dont la devise favorite était : « LA LIBERTÉ SUR TOUTES CHOSES. »

Oui, il adorait la liberté, ce Selden; il savait que cette même liberté est le premier

(*) Jure gentium, quibusvis ad quosvis liberam esse navigationem. —Jure gentium, inter quosvis liberam esse mercaturam.-Nullâ æquitate niti, in prohibendo commercio. Mare, aut jus navigandi, proprium non esse, titulo donationis pontificia. (Il est plaisant, s'il n'est pas ridicule, de voir le souverain pontife donner ce qui ne lui appartient pas, et ce dont il n'a pas même l'usufruit.) — Mare aut jus navigandi proprium non esse titulo præscriptionis aut consuetudinis.

GROTIUS.

« ZurückWeiter »