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MARINE DES ROMAINS.

Long-temps précaire, la marine des Romains fut presque toujours insignifiante, même sous Duilius, sous Lutatius et sous Scipion; et si quelquefois elle obtint sur l'ennemi des avantages réels,

Seize fois le soleil, sortant du sein de l'onde,

A ramené le jour sur le reste du monde;

Le jour et la pitié sont bannis de ces lieux:

Le malheur aux autels ne trouve plus les dieux.

La timide beauté, la vieillesse, l'enfance,

Tout ce qui plaît à l'homme ou parle à sa clémence,

Sur le vainqueur féroce a perdu son pouvoir.

Il se croirait vaincu, s'il osait s'émouvoir.

Le sang irrite encor ses fureurs effrénées.
Les Prières en deuil, plaintives, consternées,
Montent vers Jupiter, les yeux baignés de pleurs;
Jupiter les repousse, et ses foudres vengeurs,
Destinés aux forfaits, tonnent sur l'infortune;
Pour la première fois la douleur l'importune.
Scipion, qu'il dirige au milieu des combats,
Excite, en la réglant, la fureur des soldats,
Joint le calme au carnage, et, d'un bras invincible,
Couronne des Romains la vengeance inflexible.

Cependant les clameurs de la foule expirante,
Les tourbillons épais, la flamme dévorante,
Accomplissant du sort les décrets absolus,
Disent aux nations que Carthage n'est plus;
Que l'Océan soumis perd son indépendance;
Et qu'étendant sur lui sa jalouse puissance,
Rome, dont le génie accable l'univers,
Condamne au même joug et la terre et les mers.
ESMÉNARD.

elle ne les dut qu'au courage et à l'intrépidité de ceux qui montaient ses vaisseaux. Bâtie au milieu des terres, Rome, par sa position, n'était rien moins que favorable à la navigation. On trouve bien dans l'histoire que le petit-fils de Numa, Ancus Marcius, fit creuser le port d'Ostie, à l'embouchure du Tibre, comme s'il eût présagé dès lors la grandeur future du peuple-roi, et que la ville éternelle serait un jour le dépôt des dépouilles du monde ; mais aucun auteur, soit ancien, soit moderne, ne parle d'expéditions maritimes avant la création du consulat.

Les premiers bâtimens romains qui mirent en mer furent ceux que les consuls T. Géganius et P. Minutius envoyèrent, dans un temps de disette, chercher des blés à Cumes, dans l'Etrurie et dans la Sicile. De magnifiques galères conduisent en Grèce trois députés chargés d'y recueillir les lois et les sages maximes bases du gouvernement de cette contrée; les Romains se livrent à la piraterie et fondent des colonies en Afrique; le port d'Antium est ruiné; la capitale des Volsques voit détruire sa flotte; les éperons de ses navires décorent, au forum, la tribune aux harangues; on crée deux magistrats (*): leurs fonc

(*) L'histoire les désigne sous le nom de duumvirs.

tions sont de veiller à l'équipement des embarcations armées, et de régler tout ce qui est relatif à la marine. Les Romains longent la côte de la Campanie, font des descentes, ravagent le territoire samnite, se répandent imprudemment dans les terres, et, surpris par les milices du pays, qui les cernent de toutes parts, périssent misérablement.

A ces premiers exploits succède la guerre contre les Tarentins, dont ces derniers sont les tristes victimes; Rome et Carthage se disputent l'empire de la mer, et les prétentions de ces deux rivales amènent les sanglans résultats dont nous avons parlé plus haut.

C'est, dit un auteur (1) qui, par l'énergie, la beauté, la force et la rapidité de son style, a acquis le droit de s'asseoir au premier rang parmi les historiens (*) de son pays, de la ruine de Carthage que date la décadence des vertus romaines. Jusques alors, en effet, les Romains n'avaient donné des exemples de que de courage, sagesse, de désintéressement et de probité. Leurs ambassadeurs négociaient avec candeur; ils ignoraient l'art de tromper les hommes à l'aide de finesses

(*) Primus romanâ Crispus in historiâ. (1) SALLUSTE.

MARTIAL.

toujours flétrissantes pour ceux qui les emploient; le mensonge, ce poison subtil qu'on prépare si adroitement dans les cours, leur était inconnu; leur politique était de n'en vouloir aucune; leur bonne foi se faisait remarquer jusque dans les combats; ils avaient en horreur les stratagèmes, les fuites simulées; leur valeur agissait à découvert, et ils comptaient plus sur leur bravoure, leur intrépidité et leur intelligence, que sur les ruses militaires; ils méprisaient également les fourberies des Carthaginois et les artifices des Grecs; ils voulaient gagner des victoires, non les dérober; mais bientôt ils prirent les vices des peuples voisins; et lorsque Jugurtha, dont l'or et les présens avaient corrompu le sénat, eut montré qu'il était possible de mettre en fuite des armées romaines, on vit des guerres injustes, des triomphes achetés ou souillés par des crimes, une coupable ambition outrager l'humanité, et les vainqueurs des nations se déchirer de leurs propres mains. Toutefois, dans ce qui nous reste à raconter de la marine des Romains, nous retrouverons encore par intervalle quelques faibles restes de cette austère vertu qui appartient à l'âge d'or de la république.

Il ne restait plus de Carthage ni de Corinthe que de vastes débris et la place où ces illustres

cités avaient existé; Jugurtha vaincu avait cessé d'être pour les Romains un objet d'épouvante, lorsque ces derniers rencontrèrent dans Mithridate, le plus puissant prince de son siècle, un ennemi redoutable. Les forces maritimes du roi de Pont étaient considérables, il pouvait disposer de plus de quatre cents vaisseaux, et il était maître de la mer depuis la Cilicie jusques à l'Ionie.

Tout entier au projet qu'il a formé de subjuguer l'Asie et de donner des lois à l'Europe, Mithridate ne voit que les Romains qui puissent traverser ses opérations. Il entreprend donc d'abattre leur puissance, certain qu'il est, s'il réussit, de ne plus trouver d'obstacle à son ambition. Ses mesures sont prises, ce sont celles d'un grand capitaine. Il s'attache les pirates, met dans ses intérêts les Cyclades, les îles de Délos, d'Eubée, et les villes asiatiques, que l'excessive puissance des Romains a rendues impatientes de leur joug. Les Rhodiens seuls restent fidèles à leurs anciens alliés. Mithridate les attaque, assiége inutilement leur ville, et est bientôt obligé de se retirer.

Peu content de son expédition, le roi de Pont tourne ses armes contre la Grèce, et y fait de rapides conquêtes. Sylla part de Rome, arrive, arrête ses progrès, reprend Athènes, détruit le Pyrée, chasse de l'Eubée et de la Béotie les garni

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