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général carthaginois, habile dans l'art de vaincre, sait profiter de la victoire (*).

Tandis qu'Annibal triomphait en Italie, et remplissait tous les lieux de son passage de la terreur de son nom, son frère Asdrubal perdait en Espagne, à l'embouchure de l'Èbre, une bataille navale contre Cn. Scipion. Carthage est assiégée, la consternation règne dans ses murs, et alors tombe et disparaît, pour faire place à l'épouvante, cette joie insolente qu'avaient inspirée aux Africains les succès d'Annibal. La flamme dévore les maisons voisines des portes et de l'enceinte de la ville, et Scipion, après avoir ravagé la campagne, et s'être emparé d'un butin immense, rentre dans l'Hespérie, et pousse ses conquêtes sans rencontrer d'obstacles, parce que Asdrubal s'est retiré dans la Lusitanie (**).

la

Cependant le sénat de Carthage a équipé soixantedix navires, et cette flotte a fait voile pour Sardaigne et pour l'Italie. Suivi de cent vingt vaisseaux longs à cinq rangs de rames, rames, Servilius est allé à sa rencontre, et l'a forcée à rétrograder. Il essaie même de la poursuivre; mais, contrarié par les vents, il ne peut l'atteindre. Ce fut vers

TIT. LIV.

(*) « Vincere scis, Annibal, sed victoriâ uti nescis. »
(**) Aujourd'hui le Portugal.

le même temps que Publius et Cnéius Scipion, réunissant leurs forces, passèrent l'Ebre, qui jusque là avait servi de barrière à l'ambition de Rome. Leur marche alors ne fut plus qu'une suite de triomphes; des victoires éclatantes signalèrent leur présence, et ils périrent ensevelis, pour ainsi dire, sous des monceaux de Carthaginois que leur bras avait immolés.

Agé seulement de vingt-quatre ans, P. Corn. Scipion, dont la prudence égalait la valeur et l'éloquence, venait de reconquérir l'Espagne, que Magon n'avait pu défendre, et volait au secours de sa patrie incessamment menacée, de Capoue, par les troupes d'Annibal. Arrivé à Rome, il fut créé consul, et eut pour collègue P. Licinius Crassus.

Persuadé qu'une diversion qui forcerait Annibal à quitter l'Italie, pouvait seule mettre fin aux malheurs dont la république était accablée, Scipion a résolu d'aller assiéger Carthage. Quarantecinq jours lui suffisent pour couper les bois nécessaires à la construction d'une flotte; les peuples voisins et alliés de Rome, comme pour s'associer à la gloire de l'entreprise, lui fournissent à l'envi des hommes, des armes, de l'argent et des vivres.

Scipion a touché le sol de la Sicile, et pris les

mesures les plus justes pour l'exécution de ses projets. Lælius reçoit l'ordre de descendre en Afrique, et de porter le ravage et la dévastation dans la contrée. Arrivé de nuit à Hippone, les Romains opèrent leur descente à la faveur des ténèbres, et dès le point du jour commencent à désoler la campagne.

Effrayée de voir l'ennemi à ses portes, Carthage connaît toute l'horreur de sa position; le danger est présent, et, en proie aux plus mortelles angoisses, elle appelle inutilement de ses vœux Annibal et Magon, trop éloignés tous deux pour venir à son secours. Enfin, elle avait perdu l'Espagne; ses alliés l'abandonnaient, et, pour comble de malheur, elle manquait de troupes; mais quand le bruit, quoique faux, se fut répandu que Scipion commandait en personne la flotte romaine, l'alarme devint générale; et le sénat, dans l'intention de conjurer l'orage, chercha à faire de nouvelles alliances avec les peuples voisins. Il venait même d'envoyer à Magon un renfort de vingt-cinq vaisseaux, lorsque Lælius, chargé de riches dépouilles, regagna la Sicile, et persuada facilement à Scipion de partir sur-lechamp pour l'Afrique, avec toutes ses forces, assuré qu'il était du succès, si l'on profitait de la terreur qui s'était emparée de la cité.

Scipion donne à l'instant l'ordre d'armer tous les vaisseaux capables de tenir la mer, et fixe à Lilybée le rendez-vous général des légions. Jamais spectacle n'offrit plus de pompe et de majesté. L'affluence des curieux, en effet, était telle, qu'on eût dit que la Sicile tout entière était accourue dans cette ville pour honorer le départ des Ro

mains.

Prêt à mettre à la voile, Scipion commande le silence, adresse ses vœux à Neptune et aux autres divinités terrestres, immole une victime, jette ses entrailles dans les flots, lève l'ancre et cingle vers les côtes d'Afrique, où il débarque près de l'endroit connu sous le nom de Beau-Promontoire. Les hostilités commencent dans les environs de Carthage. Utique est assiégée; Asdrubal et Siphax, roi de Numidie, fuient devant les Romains; quoiqu'à la tête d'une flotte supérieure en nombre à celle de l'ennemi, Amilcar n'obtient aucun avantage, et perd même un vaisseau; Annibal est rappelé de l'Italie, en vient aux mains avec Scipion, et, vaincu, se réfugie dans la ville qu'il est venu défendre, suivi seulement de quatre cavaliers (*).

(*) Prælium commissum est, victusque Annibal cum qua- · tuor tantùm equitibus fugit.

TIT. LIV.

Éperdu et tremblant de voir l'ennemi à ses portes, le sénat demanda la paix, qui lui fut accordée aux conditions les plus dures (*). Le traité portait que les Carthaginois livreraient aux Romains tous leurs vaisseaux, à la réserve de dix, et leur rendraient ceux qu'ils avaient pris sur eux pendant la guerre. Spectacle humiliant pour l'altière Carthage! Scipion fit brûler, à sa vue, plus de cinq cents bâtimens de toute grandeur, et, couvert de gloire, revint à Rome, où il reçut les honneurs du triomphe.

La seconde guerre punique avait duré dix-sept ans (**); la troisième n'en dura que cinq, et se

(*) Quùm nullas legati conditiones recusarent, victis leges imposuit Scipio.

TIT. LIV.

(**) Pour avoir une idée de la situation de Carthage après la seconde guerre punique, il suffit de se rappeler les conditions auxquelles Rome consentit à lui donner la paix. On l'obligea de brûler ses flottes et de tuer ses éléphans; elle rendit les prisonniers et livra les transfuges. On exigea d'elle des sommes immenses, et on lui défendit d'envoyer des ambassadeurs, d'entretenir aucune alliance, de faire aucun armement maritime sans l'aveu et la permission expresse du sénat romain. Carthage obéit, et Rome, sans aucun prétexte, n'en commença pas moins la troisième guerre punique, uniquement pour anéantir une ville soumise, qui avait eu le malheur d'être quelque temps sa rivale.

ESMENARD.

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