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librement retourner à Carthage avec les débris de son armée. Cette offre fut acceptée; le général carthaginois embarqua ses troupes sur quarante galères et fit voile pour l'Afrique. Les conditions du traité conclu avec Denis ayant été secrètes, la retraite d'Himilcon parut une fuite aux Grecs qui étaient venus au secours de Syracuse. Ils pressèrent donc le tyran de le poursuivre; mais, fatigués de tous ses délais, ils levèrent l'ancre et tombèrent à l'improviste sur l'arrièregarde ennemie qu'ils maltraitèrent considérablement.

Des pertes aussi majeures humilièrent les Carthaginois sans toutefois abattre leur courage. Magon fit plusieurs descentes en Sicile, et combattit avec des succès variés. Courbée sous le joug d'un gouvernement tyrannique, en proie aux discordes civiles, et sur le point d'être immolée à l'ambition de Carthage, Syracuse demanda du secours à Corinthe, qui lui envoya Timoléon, capitaine expérimenté et d'une valeur éprouvée.

Pensant avec raison que la Sicile allait devenir le théâtre de la guerre, le sénat de Carthage donna à Hannon l'ordre d'équiper une flotte de cent cinquante galères, de rassembler cinquante mille hommes d'infanterie, et de préparer les munitions nécessaires à une grande entreprise.

Le général carthaginois débarqua dans l'île, ravagea le pays, et s'empara du port de Syracuse, après qu'Icètes se fut rendu maître de la ville.

Tel était l'état des affaires, lorsque Timoléon, trompant l'ennemi, déconcerta ses projets, l'attaqua avec intrépidité, quoiqu'il fût de beaucoup supérieur en nombre, et remporta sur lui une victoire signalée. Un butin et une gloire immense furent la récompense du vainqueur, et Carthage, effrayée d'une défaite si prompte et si peu attendue, fit à Timoléon des propositions de paix. Content de cette soumission d'un peuple fier et belliqueux, ce général dressa lui-même les articles du traité, dont les conditions furent trèshumiliantes pour les Carthaginois.

Timoléon n'était plus, et Carthage pouvait espérer qu'elle réussirait enfin dans ses entreprises contre la Sicile, lorsqu'un nouvel ennemi, Agathocle, tyran de Syracuse, que des troupes auxiliaires envoyées par Amilcar avaient défait deux fois, passant en Afrique, battit les Carthaginois et mit leur ville à deux doigts de sa perte. Mais il est temps de parler des guerres puniques (*),

(*) Ainsi appelées du latin Punici ou Pœni, nom que les Carthaginois tenaient des Phéniciens, fondateurs de leur ville. Dict. Étymol.

qu'on peut justement regarder comme le berceau de la marine romaine. Maîtres d'un puissant empire, d'une grande partie de l'Afrique, de plusieurs provinces d'Espagne, de la Corse, de la Sardaigne, d'une partie des côtes de la Toscane et de presque toute la Sicile, les Carthaginois, par le siége de Messine, avaient donné de l'ombrage aux Romains, qui, pour mettre des bornes à leur ambition, envoyèrent contre eux le consul Appius Claudius. Que ce dernier, pour entrer dans la ville assiégée, ait employé des radeaux (1), ou se soit servi de galères empruntées aux Tarentins, aux Locriens, aux Éléates et aux Napolitains (2), c'est ce qu'il importe très-peu d'approfondir, puisqu'il suffit seulement de savoir d'une manière positive qu'Appius Claudius est le premier général romain qui ait osé braver les dangers de la mer.

Cependant les Romains faisaient en Sicile des prodiges de valeur; mais des victoires remportées et des villes prises d'assaut ne suffisaient pas à leur gloire. Les vaisseaux de Carthage désolaient incessamment les côtes d'Italie, et, manquant absolument de marine, sans pilotes, sans matelots exercés, les Romains se trouvaient dans l'impossibilité d'user de représailles en Afrique.

(1) VERTOT. —(2) POLYB.

Toutefois ils résolurent d'équiper une flotte; leur intention était de disputer aux Carthaginois l'empire de la mer, et même de s'en emparer. Occupés de ce grand projet, un navire ennemi, tombé par hasard en leur pouvoir, leur servit de modèle pour les vaisseaux qu'ils voulaient construire. Ils en étudièrent la coupe, les diverses proportions, le gréement, et en soixante jours ils eurent à la mer une flotte de cent soixante voiles. Un auteur (1) rapporte que le travail fut poussé si vivement, qu'on eût dit que, par une métamorphose nouvelle, les arbres avaient été tout-àcoup changés en navires, plutôt que façonnés par la main des hommes. Une chose remarquable, que nous nous garderons bien d'omettre, c'est que pendant que ces vaisseaux étaient sur les chantiers, on exerçait d'une manière toute particulière ceux qui devaient les monter. Des bancs étaient rangés sur la grève, un officier commandait la manœuvre, et, dociles à sa voix, les rameurs sil lonnaient le sable comme s'ils eussent été en pleine

mer.

Il est facile de comprendre que des bâtimens construits avec si peu d'art, et sans matelots exercés, ne devaient pas former une excellente flotte;

(1) FLORUS.

cependant le courage, la patience et le génie des Romains suppléant à tout, cet armement préluda à la ruine de Carthage. Cn. Cornélius, qui le commandait, tomba au pouvoir de l'ennemi avec dix-sept vaisseaux; le reste de l'armée continua sa route vers la Sicile. Annibal, chef des Carthaginois, suivi de cinquante galères, voulut la reconnaître; mais s'étant trop avancé, peu s'en fallut qu'il n'éprouvât le sort de Cornélius. Rangés en bataille, les Romains l'attaquèrent, et il ne dut son salut qu'à sa bonne fortune.

La prise de Cornélius avait laissé sans chef la flotte romaine, qui s'était approchée de la Sicile; Duilius fut appelé pour en prendre le commandement. Persuadé que ses vaisseaux lourds et d'une construction vicieuse ne pourraient lutter avantageusement avec ceux des Carthaginois, le général romain inventa des mains de fer (*), auxquelles on donna le nom de corbeaux (**), destinées à accrocher les bâtimens ennemis, et à faciliter l'abordage. Assuré que la ruse suppléera à la faiblesse, et plein de confiance dans ses troupes, qui pourront combattre de pied ferme, Duilius marche à l'ennemi, qui semble le dédaigner, né

Manus ferreæ. TIT. LIV.

(**) Voir Folard, Commentaires sur Polybe.

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