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sains, voulant profiter de sa position, résolut de brûler la flotte ennemie, et la fortune favorisa ses projets. Occupé d'un sacrifice solennel en l'honneur de Neptune, dans le lieu même où il avait renfermé ses vaisseaux, le général carthaginois attendait d'heure en heure de la cavalerie que lui envoyaient les Sélinontins. Un courrier chargé d'une lettre qui annonçait l'arrivée de cette cavalerie, étant tombé entre les mains des troupes légères que Gélon avait détachées en éclaireurs dans toutes les directions, des cavaliers syracusains furent à l'instant substitués à ceux de Sélinonte. Admis dans le camp, à titre d'alliés, ils pénétrèrent jusqu'à Amilcar, qui donnait alors ses ordres pour le sacrifice, le massacrèrent et incendièrent ses vaisseaux.

Les flammes et la fumée qui s'élèvent en tourbillons dans les airs, apprennent à Gélon que sa ruse a réussi; il marche aussitôt à l'ennemi, charge intrépidement les Carthaginois, consternés de la mort de leur général et de l'embrasement de leurs navires, et met cinquante mille hommes hors de combat. Ce qui reste de cette armée périt par la faim, ou tombe au pouvoir des Syracusains; plusieurs même voulant se sauver sur vingt galères qu'Amilcar a laissées à l'ancre non loin du rivage, et s'y jetant en trop grand nom

bre, sont ensevelis dans les flots, victimes d'un vent impétueux qui coule à fond les bâtimens qui les portent.

L'alarme que répandit à Carthage la nouvelle de ce désastre fut telle, que Gélon s'en serait emparé s'il l'avait attaquée immédiatement après sa victoire. Cette place en effet se trouva si affaiblie, qu'elle fut hors d'état de rien entreprendre pendant la longue guerre que les Athéniens firent à Syracuse. Toutefois, ayant réparé ses forces, elle trouva l'occasion de prendre sa revanche et de rétablir sa réputation.

Les habitans de Ségeste, étant sur le point de se brouiller avec ceux de Sélinonte, envoyèrent des députés à Carthage pour demander du secours, et, afin de l'intéresser à leur accorder sa protection, ils s'engagèrent à lui livrer leur ville. Cette offre fut acceptée; le sénat l'accueillit avec d'autant plus d'empressement qu'il pensait toujours à faire la conquête de la Sicile.

Des troupes auxiliaires passent dans cette ile; ceux de Ségeste obtiennent quelques avantages sur leurs ennemis; mais les Syracusains se déclarant en faveur de ces derniers, les Carthaginois, pour soutenir leurs alliés, leur expédient de nouveaux renforts que commande Annibal. Plein du désir de venger la mort d'Amilcar, son

aïeul, ce général équipe une flotte de quinze cent soixante voiles, embarque les munitions de guerre et de bouche nécessaires à une grande expédition, cingle vers la Sicile, et va mouiller au promontoire de Lilybée. Sélinonte est assiégée; ses habitans, qui combattent pour leur vie et pour leur liberté, tentent vainement de se défendre; contraints de céder à la force, ils sont taillés en pièces. Le féroce Annibal use en barbare de la victoire, qu'il ne doit qu'à la supériorité numérique de ses troupes; la ville est détruite de fond en comble, et tout, sur des ruines sanglantes, atteste la cruauté du vainqueur. Hymère éprouve le même sort; prise d'assaut, on passe ses citoyens au fil de l'épée; on rase ses fortifications; on abaisse au niveau du sol les édifices publics et particuliers, on profane les temples des dieux, et l'on immole aux manes d'Amilcar trois cents prisonniers.

Tant de bonheur devait augmenter l'audace des Carthaginois; aussi résolurent-ils de pousser plus loin leurs conquêtes. La Sicile souriait trop à leur ambition, pour qu'ils ne formassent pas le dessein de la soumettre tout entière. Annibal est nommé chef de la nouvelle expédition, et comme son grand âge, s'il eût été seul à la tête des troupes, aurait pu compromettre la sûreté

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de l'armée, on lui adjoint Himilcon. Des levées considérables d'hommes sont ordonnées dans les états alliés ou dépendans de la république, et l'on met en mer une flotte de plus de mille vaisseaux. Comptant sur un succès assuré, les Carthaginois font prendre les devans à quarante galères; mais ils paient cher cette imprudence, car les Syracusains, apercevant ces navires, qui ne sont point soutenus, les font attaquer par un pareil nombre des leurs. Quinze bâtimens africains furent maltraités et mis hors de combat; le reste chercha son salut dans la fuite.

On sut bientôt à Carthage que les Syracusains avaient obtenu un avantage considérable sur les vaisseaux de la république. Annibal mit aussitôt à la voile, et vint attaquer Agrigente; mais étant mort dès le commencement du siége, Himilcon en prit la conduite, et le poussa si vigoureusement, qu'il ne tarda pas à se rendre maître de la ville, dans laquelle il trouva des richesses immenses. De nombreux chefs-d'œuvre de peinture et de sculpture, les curiosités les plus rares, et des objets d'art en tout genre, tombèrent en son pouvoir. Il s'empara ensuite de Gela, et cette guerre fut terminée par un traité qu'il fit avec Denis, tyran de Syracuse, qui consentait à ce que les Carthaginois gardassent ce qu'ils possé

daient en Sicile, et ce qu'ils avaient conquis sur la côte opposée à l'Afrique.

Impatient du joug de Carthage, Denis, se voyant affermi sur un trône qu'il a usurpé, prend la résolution de lui faire la guerre. Aimant mieux avoir les Carthaginois pour ennemis que pour voisins, il arme contre eux sur terre et sur mer. Par ses ordres les hommes les plus habiles dans l'art de construire des vaisseaux sont appelés de toutes parts; des récompenses, des distinctions leur sont promises; on met en œuvre des bois venus d'Italie, et des arbres coupés sur le mont Etna. On bâtit des galères à quatre et à cinq rangs de rames; jusques alors on n'en avait vu qu'à trois; deux cents navires s'élèvent ensemble sur les chantiers; cent cinquante sont radoubés et spalmés (enduits de goudron). Un arsenal magnifique couronne le port de Syracuse qu'il entoure, et doit servir d'abri à cent soixante galères; chaque chambre est disposée pour pouvoir en contenir deux. Toutefois l'armement de terre ne le cède point à l'armement de mer, et, lorsque les préparatifs sont terminés, Denis commence les hostilités, en attaquant les Carthaginois répandus dans ses états; il fait même piller tous leurs vaisseaux marchands qui se trouvent dans le port de Syracuse, et, comme si une

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